Le DATAR est en effet tenu à des objectifs chiffrés : il doit obtenir la construction d'un certain nombre de maisons santé. Or, ce n'est pas les chiffres qui comptent, mais la cohérence de l'ensemble.
Dr Elisabeth Hubert. - Vous avez, Monsieur Guené et Monsieur Krattinger, parfaitement raison.
C'est précisément pour ne pas conduire à des déséquilibres que je prends soin de ne pas raisonner qu'en termes de maisons de santé, mais aussi en termes de pôles de santé. Il faut que les regroupements que j'appelle de mes voeux ne consistent pas en des déplacements d'un lieu à un autre qui ne feraient qu'accentuer la désertification. Le problème, que vous soulignez à juste titre, c'est qu'il y a des objectifs chiffrés pour la construction de maisons de santé qui finissent par devenir le seul but à atteindre. Il est aberrant de raisonner ainsi, de dire que l'on fera tant de maisons de santé par an dans une région. Cela peut d'ailleurs conduire à stériliser des initiatives, dans la mesure où l'on refuserait d'aller au-delà du chiffre fixé dans des régions où cela serait nécessaire... sans parler des effets d'aubaine, puisque l'argent risque d'aller aux plus malins plutôt qu'à ceux qui en ont le plus besoin.
Votre observation sur la rémunération en zone déficitaire, Monsieur Guené, renvoie à l'avenant n° 20 à la convention nationale des médecins généralistes et des médecins spécialistes. La Caisse nationale d'assurance maladie a eu tellement peur de ses conséquences financières qu'elle n'a eu de cesse d'en réduire la portée, si bien qu'aujourd'hui nous n'avons que quelques dizaines de médecins qui touchent la majoration prévue. J'ai moi-même rencontré une situation analogue à celle que vous décrivez et je connais d'autres exemples, qui ont donné lieu d'ailleurs à des solutions différentes selon les endroits. Tout cela, en effet, n'a pas beaucoup de sens. Si l'on mettait en place des dispositifs plus simples, plus lisibles, on aurait très certainement une déperdition beaucoup moins forte des aides.
Nous sommes à la veille d'une étape d'une particulière importance avec l'adoption des schémas régionaux d'organisation des soins, les SROS. C'est une occasion à ne pas manquer de mixer les secteurs hospitalier, libéral et médico-social. Je suis loin d'être une planificatrice, mais j'estime, comme vous, Monsieur Krattinger, qu'il faut avoir une claire vision des choses. J'ai vu bien des initiatives de maisons de santé dans des endroits où, pourtant, il n'y avait pas de fragilité le justifiant. On ne peut pas se permettre de financer de telles initiatives ; il faut vraiment cibler les zones fragiles. Comme on ne sème pas sur du sable, il est inutile de chercher à faire quoi que ce soit dans les zones où il n'y a plus rien du tout. Nos efforts doivent d'abord porter sur les zones menacées et je vous rejoins, Madame Bruguière, sur la Lozère qui, bien que n'ayant pas de problèmes aujourd'hui, est menacée d'en avoir d'ici quelques années ; c'est pour cela que je pense que nous avons intérêt à accompagner la Lozère, comme d'autres territoires, dans leur politique en matière de maisons de santé.
En ce qui concerne les ARS, je fais partie de ceux qui défendent leur action. Je pense néanmoins qu'elles n'ont pas assez de marge de manoeuvre et qu'elles manquent de moyens pour faire certaines choses qu'elles pourraient pourtant faire très bien. On ferait mieux d'utiliser au renforcement de leurs moyens l'argent que l'on consacre, en application de la convention nationale, à des questions d'organisation ou de rémunération. Inversement, je trouve aberrant que les ARS soient censées donner les financements pour les actes de télésanté ou de télémédecine car, pour le coup, il s'agit là de points qui devraient relever de la convention.
Quant au zonage, nous sommes incapables de le faire de manière efficace : nous n'avons aucun outil nous permettant de définir une zone fragile de façon identique d'une région à une autre. Nous devons à l'évidence nous doter d'un outil qui, sur la base de critères simples, fournisse une grille de lecture identique aux différentes ARS.
Je voudrais appuyer vos propos sur la nécessité d'une ingénierie de projet qui fait cruellement défaut aujourd'hui. Il faut absolument que les moyens en soient donnés aux ARS.