Intervention de Xavier Pintat

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 2 mars 2011 : 1ère réunion
Accord-cadre entre la france et l'inde pour l'utilisation de l'espace extra-atmosphérique à des fins pacifiques — Examen du rapport et du texte de la commission

Photo de Xavier PintatXavier Pintat, rapporteur :

L'Assemblée nationale a adopté le 22 décembre dernier le projet de loi autorisant l'approbation d'un accord-cadre de coopération dans le domaine spatial signé le 30 septembre 2008 entre la France et l'Inde.

La coopération spatiale entre nos deux pays est ancienne. Dès le début des années 1970, la France avait apporté une assistance technique pour la réalisation du site de lancement indien. A partir des années 1980, Ariane a procédé à plusieurs lancements de satellites de télécommunication indiens. Cette coopération s'est poursuivie jusqu'à aujourd'hui, notamment dans le cadre de projets communs conduits par le Centre national d'études spatiales (CNES) et l'agence spatiale indienne, l'ISRO (Indian Space Research Organisation).

Pourquoi ce nouvel accord en 2008 et que va-t-il apporter ?

Tout d'abord, cet accord a été signé le même jour que l'accord de coopération dans le domaine nucléaire civil. Le spatial, comme le nucléaire, sont deux volets majeurs du partenariat stratégique franco-indien lancé en 1998 par le Président Chirac et réaffirmé depuis lors à l'occasion de nombreuses visites bilatérales, la dernière en date étant celle du Président Sarkozy à New Delhi en décembre dernier. Plus de trente ans après les premiers projets communs, cet accord-cadre permet de rénover les bases de notre coopération et s'inscrit dans la volonté de la relancer et de l'amplifier.

Au-delà de son importance politique, l'accord présente aussi un intérêt technique.

Jusqu'à présent, la coopération dans le domaine spatial s'appuyait sur un arrangement de 1972 entre le CNES et l'ISRO, et sur un accord intergouvernemental de 1977. Ces textes sont anciens. Ils ne désignent qu'un nombre limité de domaines de coopération. Ils sont donc déjà dépassés par la teneur de nos activités communes et le seront davantage encore compte tenu des axes de travail nouveaux que nos deux agences spatiales pourraient définir. Ces textes sont également incomplets ou imprécis sur les modalités pratiques de la coopération, c'est-à-dire sur le statut des personnels, la circulation des matériels ou encore les droits de propriété intellectuelle.

Nous avions donc tout intérêt à une refonte des accords bilatéraux pour assoir la priorité que nous accordons à ce partenariat dans le domaine spatial sur une base juridique plus actuelle, plus complète et plus précise.

L'accord du 30 septembre 2008 va donc se substituer à l'accord précédent, qui datait du 21 juin 1977.

Il s'agit d'un accord-cadre. Cela signifie que tous les accords ou arrangements ultérieurs qui seront signés, dans le domaine spatial, par la France et l'Inde ou par le CNES et l'ISRO, relèveront de cet accord principal. Les principes généraux de l'accord-cadre leur seront applicables.

L'accord de 1977 ne mentionnait que deux domaines de coopération : les satellites et les installations de lancement. Le nouvel accord, dans son article 3, dresse une liste beaucoup plus complète des champs de coopération potentiels, plus particulièrement dans des disciplines telles que la météorologie, la télédétection ou la géophysique. Il mentionne également l'étude du changement climatique à l'aide de satellites d'observation de la Terre. Le changement climatique est l'un des axes privilégiés de la politique spatiale française. Il s'agit aussi d'une forte préoccupation indienne, compte tenu des phénomènes météorologiques souvent violents que connaît le pays.

Le nouvel accord comporte également un ensemble de dispositions techniques que je ne détaillerai pas, mais qui sont importantes pour régler un grand nombre de problèmes pratiques rencontrés dans la mise en oeuvre de la coopération.

Là où l'accord de 1977 prévoyait de manière assez vague la facilitation des échanges de personnels et des transferts de matériels, ou l'accès des deux parties aux informations issues des projets communs, le nouvel accord est beaucoup plus précis. Il mentionne explicitement l'exemption des droits de douane ou la délivrance des documents de séjour nécessaires. Une annexe spécifique règle les questions de propriété intellectuelle sur les travaux communs, y compris sur les logiciels développés conjointement.

L'accord comporte également un article sur la renonciation mutuelle à des recours en responsabilité pour des dommages liés à la coopération.

Il précise également que la coopération n'entraîne pas d'échanges de fonds et repose uniquement sur des apports en nature de chaque partie.

Avant d'aborder le contenu concret de coopération, je dirai quelques mots sur le programme spatial indien.

L'Inde est considérée aujourd'hui comme une puissance spatiale à part entière, c'est-à-dire qu'elle maîtrise l'ensemble des capacités permettant de concevoir, de réaliser et d'exploiter des lanceurs et des engins spatiaux. Seuls les Etats-Unis, la Russie, la Chine, l'Europe et le Japon ont eux aussi cette maîtrise.

L'Inde a développé deux types de lanceurs : les uns pour le placement de satellites en orbite polaire, les autres pour le placement en orbite géostationnaire. Elle rencontre plus de réussite sur les premiers que sur les seconds. Lors d'un tir effectué le jour de Noël, l'un de ses lanceurs géostationnaires GSLV a explosé en vol. Sur sept tirs effectués depuis 2001 sur ce type de lanceurs, il y a eu trois échecs.

En matière de satellites, l'Inde a privilégié deux domaines.

Les télécommunications sont une priorité. L'Inde dispose de 11 satellites en orbite géostationnaire, pour partie placés par des lanceurs étrangers, plusieurs satellites ayant été perdus lors des échecs que je viens d'évoquer. Grâce à ce réseau satellitaire, l'Inde pallie l'absence d'infrastructures de communication terrestres et dispose d'une certaine avance dans le développement de la télé-médecine ou du télé-enseignement.

Le second domaine est celui de l'observation de la Terre, avec 9 satellites en orbite polaire pour des missions de collecte de données intéressant l'hydrologie, la géologie ou la planification des infrastructures. Nous sommes ici dans une situation inverse à celle des satellites de télécommunications. Le lanceur en orbite polaire indien, dit PLSV, possède une bonne fiabilité et opère également pour le lancement de satellites étrangers.

Historiquement, l'Inde a mené son programme spatial en s'appuyant sur des coopérations internationales. Avec la France, mais surtout la Russie et, dans une moindre mesure, les Etats-Unis. Washington vient de mettre fin au mois de janvier dernier aux restrictions imposées depuis les essais nucléaires de 1998 aux exportations vers l'Inde en matière spatiale, comme en matière de défense. L'Inde a également noué des relations avec les agences spatiales chinoise et japonaise.

En ce qui concerne la France, la coopération bilatérale se concentre actuellement sur la préparation de deux missions d'observation spatiale qui devraient débuter cette année.

La première mission, baptisée Megha-Tropiques, est orientée vers l'étude du climat, et plus particulièrement des phénomènes atmosphériques en zone tropicale. Le CNES a la responsabilité de réaliser la charge utile, c'est-à-dire les différents instruments de mesure embarqués. L'agence indienne ISRO réalise la plate-forme du mini-satellite. Elle assurera le lancement avec son lanceur PLSV. Cette mission est prévue pour une durée de 3 ans.

La seconde mission, Saral, est axée sur la surveillance de l'environnement. Elle mesurera le niveau de la mer pour étudier la circulation océanique. Cette mission s'inscrit dans un projet international plus vaste lié à la recherche océanographique et comportant des contributions d'autres pays. Ici encore, les instruments sont développés par le CNES. L'ISRO réalise la plate-forme et assure le lancement par une fusée PLSV. Cette mission doit se dérouler sur 5 ans.

Ces deux projets qui sont en voie de concrétisation illustrent bien la nature de notre coopération bilatérale. Il faut souligner qu'il s'agit d'une coopération équilibrée à laquelle chaque partie trouve un intérêt. Sur des domaines d'intérêt commun - et l'étude de l'environnement en est un - cette coopération permet une répartition des tâches et un partage des coûts, les résultats étant exploités au profit deux pays. Aujourd'hui, l'Inde consacre 1 milliard de dollars à son budget spatial, moins que la France avec 2 milliards d'euros, mais il est évident que ces moyens restent limités au regard du champ du champ d'activité potentiel. La coopération s'impose. Pour la France, elle passe en grande partie par l'Agence spatiale européenne, mais le cadre bilatéral, avec d'autres puissances spatiales comme l'Inde, présente un intérêt incontestable.

En conclusion, je vous invite à adopter ce projet de loi. Cet accord constitue un bon cadre juridique pour développer notre coopération spatiale avec l'Inde. Il s'inscrit en outre dans la volonté de renforcer dans tous les domaines nos relations avec ce grand pays.

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