Intervention de Christian Cambon

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 3 mars 2011 : 1ère réunion
Audition de M. Henri de Raincourt ministre chargé de la coopération

Photo de Christian CambonChristian Cambon :

M. Vantomme et moi-même, co-rapporteurs pour avis du budget de la coopération, vous remercions du climat de travail et de coopération fructueuse qui règne au ministère depuis votre arrivée. Nous sommes prêts à travailler avec vous de façon exigeante et attentive.

La coopération est un outil d'influence, mais aussi de correction des inégalités et des dérèglements de la mondialisation. L'action de l'Union européenne en ce domaine est significative : elle est le premier bailleur au monde, avec 60 % de l'aide publique au développement. Un quart de l'aide française passe par le canal européen, essentiellement par le fonds européen de développement. Mais ces circuits n'ont qu'une faible lisibilité et l'Europe ne pèse pas à hauteur de ses engagements financiers. Il est temps de promouvoir une vraie division des tâches, comme on commence, par exemple, à le faire au Mali : chaque pays anime l'action sur un secteur, éducation, santé, etc. Il ne s'agit pas de supprimer les différents niveaux d'intervention mais d'aller vers plus d'intégration européenne. Une politique de modernisation de la coopération européenne a été engagée avec le Livre vert. A quelle échéance peut-on espérer une rationalisation du travail européen ? Les négociations sont-elles en cours ?

L'attention est aujourd'hui focalisée sur le Maghreb, mais, dans le Sahel où nous avons des otages, la situation est également préoccupante : trafics en tous genres et terrorisme prolifèrent. La seule réponse française, à ce jour, est un renforcement de la coopération militaire et policière avec les Etats de la zone. C'est indispensable mais cela ne suffit pas. Il faut venir en aide aux populations dont l'extrême pauvreté fait le lit du terrorisme. Quelle est la stratégie de l'Europe dans ces zones -zones à risque pour nos coopérants ?

Jour après jour nous somme surpris d'apprendre quelles sommes faramineuses ont été captées par les dirigeants de pays destinataires de l'aide publique. Certes, ce ne sont pas nos crédits qui sont ainsi détournés -l'argent provient plutôt des activités pétrolières et minières- mais la gouvernance laisse à désirer... Le fils du président de Guinée Conakry a acheté un yacht de 288 millions d'euros : l'opinion publique pourrait finir par s'étonner que l'on attribue des aides, financées par les contribuables, à des pays dans lesquels des montants considérables sont détournés. La Cour des comptes de l'Union fait remarquer qu'aucune procédure n'a été mise en place par la Commission européenne pour réduire le risque de mauvaise gestion ou de corruption. Quels sont les projets du gouvernement pour sécuriser les aides et pour évaluer la gestion dans les pays destinataires de l'aide ? Les Français veulent que leur argent soit bien utilisé.

Le directeur général de l'AFD et le secrétaire d'Etat au commerce extérieur estiment que l'aide devrait mieux contribuer à soutenir les exportations des entreprises françaises. Cette remarque pourrait signifier qu'à terme nous revenions sur l'engagement pris il y a 10 ans avec l'ensemble des bailleurs de fonds d'un déliement de l'aide. Le déliement de l'aide risque-t-il d'être remis en cause ? Ce serait dommage, car il semble bien que les aides déliées réduisent de 30 à 40 % le coût des projets et soient en définitive plus favorables aux entreprises françaises qui accèdent ainsi à l'ensemble des appels d'offre et pas uniquement à ceux financés par la France Mais d'autres pays, comme la Chine, n'hésitent pas à mettre leur aide en balance avec les contrats escomptés en retour.

L'évaluation est au centre de l'activité des commissions parlementaires. Comment mieux cerner l'efficacité de l'aide au regard des objectifs poursuivis ? Le ministère de la coopération anglais a récemment procédé à une évaluation très précise et de grande ampleur de l'aide multilatérale et bilatérale, interrogeant plus de cinquante institutions et opérateurs, pour juger de leur solidité organisationnelle et de la pertinence des buts poursuivis. L'évaluation bisannuelle à laquelle vous nous conviez est une bonne chose mais il faudra un jour songer à nous doter d'un instrument comparable, afin que le Parlement sache si l'argent est dépensé à bon escient.

Pourriez-vous nous donner plus de précisions sur le contrat d'objectifs et de moyens de l'AFD ? Je vous rends hommage, Monsieur le ministre, pour avoir consulté le Parlement sur ce document. Quel est votre sentiment sur l'économie de ce contrat ? L'Etat continuera-t-il à prélever 100 % du dividende de l'agence et celle-ci aura-t-elle les moyens de son action en Afrique subsaharienne ? Gagne-t-elle suffisamment d'argent lorsqu'elle intervient dans les pays émergents ?

L'Allemagne a suspendu, événement sans précédent, sa contribution au fonds mondial de lutte contre le sida en raison des malversations qu'il a subies. Je sais qu'il est interdit d'évoquer l'éventualité d'une baisse des crédits sans susciter l'ire de certaines associations mais les moyens déployés, considérables, suscitent des interrogations.

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