Intervention de Henri de Raincourt

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 3 mars 2011 : 1ère réunion
Audition de M. Henri de Raincourt ministre chargé de la coopération

Henri de Raincourt, ministre des affaires étrangères et européennes, chargé de la coopération :

Quelques mots du champ de compétences de mon ministère, d'abord : ce dernier a été intégré il y a quelques années au sein du ministère des affaires étrangères et européennes. Mais il conserve sa vie propre. Il s'appuie largement sur la direction de la mondialisation et sur les directions régionales et je profite de l'occasion pour rendre hommage à ses agents, non seulement performants mais passionnés, en pointe sur tous les sujets importants, climat, santé, etc. La France peut être fière d'eux !

Le ministre de la coopération valide le document cadre évoqué précédemment et préside le conseil d'orientation stratégique de l'AFD. Il en valide le contrat d'objectifs et de moyens.

Quant au champ géographique, il recouvre bien sûr l'Afrique mais aussi tous les pays en développement listé par le CAD de l'OCDE. Les choses se passent très bien avec le ministre des affaires étrangères, avec le ministre du budget -même si avec ce dernier les relations sont plus tendues... La politique européenne de développement se décline dans le cadre du Livre vert que la France approuve et qu'elle a même largement inspiré. J'entretiens les meilleures relations de travail avec le commissaire Piebalgs et ses équipes. Nous l'avons ainsi associé à notre démarche lorsque nous avons lancé une mission pluridisciplinaire en Guinée Conakry. Pour nous, il faut un chef de file pour chaque domaine. Les procédures de l'Union européenne sont lourdes et complexes, elles durent trop longtemps : lorsque des sanctions ont été prononcées, il faut au moins trois ans pour les lever ! Cela doit changer.

Au Sahel, la stratégie européenne sera bientôt définie et la demande française ainsi satisfaite. Mme Ashton présentera ses propositions au conseil affaires étrangères le 21 mars prochain - et non en février comme nous l'avions un temps espéré. Nous sommes tout à fait conscients des dangers, des trafics, des terrorismes qui prolifèrent dans cette région. Nous aidons les pays lorsque ceux-ci le demandent : car les modalités de la coopération ont changé, nous ne nous imposons pas. Ainsi l'intervention de nos forces militaires pour libérer nos deux jeunes compatriotes enlevés à Niamey, qui hélas n'a pas réussi, a été lancée à la demande du président du Niger.

Cette coopération fonctionne très bien. L'échange d'informations avec ces pays fonctionne bien. Hélas la coopération entre les pays de la zone n'est pas aussi forte : mais nous y travaillons et les choses sont en train de s'améliorer. C'est important car les terroristes prospèrent sur la pauvreté, ils achètent avec l'argent des rançons la neutralité de la population et se fondent parmi elle.

Du reste, si trois véhicules ont été interceptés en Mauritanie alors qu'ils se rendaient à Nouakchott pour y exploser - l'un devant se jeter contre l'ambassade de France - c'est grâce aux renseignements fournis par la population, intriguée par des mouvements étranges et qui a prévenu les autorités...

Depuis 2008, 350 millions d'euros ont été mobilisés pour la politique de développement dans la région. Nous coordonnons nos efforts avec ceux de l'Union européenne. Nous avons récupéré trois otages mais quatre personnes sont encore détenues et nous mettons tout en oeuvre pour qu'elles soient libérées. En cette matière seule la discrétion ouvre des perspectives positives, par conséquent je n'en dirai pas plus.

La corruption est un fait tragique, qui emporte les effets les plus néfastes. Ces excès ne sont d'ailleurs pas étrangers aux mouvements de révolte qui ont saisi les peuples : avec le rajeunissement de la population, le niveau croissant de formation des jeunes, la circulation de l'information en instantané sur internet, tout se sait très vite ! Et la population est exaspérée de ce qu'elle apprend.

Nous sommes attachés à la traçabilité de nos aides : il est hors de question que l'aide n'atteigne pas sa destination. Je l'ai dit, la corruption porte sur des sommes beaucoup plus importantes et qui proviennent d'autres secteurs. La France s'est efforcée de lutter contre les paradis fiscaux. Je clôturerai cet après-midi la Ve Conférence internationale de l'initiative pour la transparence dans les industries extractives : c'est une façon de montrer tout l'intérêt que notre pays attache à cette démarche.

Il est vrai que l'on a tendance à penser, lorsque l'on accorde une aide, que nos entreprises devraient profiter en retour des marchés ouverts, des appels d'offre lancés. Il en va pareillement dans les collectivités locales, du reste : lorsque le conseil général attribue un marché à une entreprise d'un autre département, les réclamations pleuvent... Pourtant le déliement des aides décidé depuis dix ans comporte des avantages, que vous avez énoncés. Le gouvernement n'a nulle intention de rompre avec cette ligne de conduite.

S'agissant de l'évaluation, je rappelle que la Cour des comptes remettra un rapport cet été sur l'aide publique au développement. Outre les rapports bisannuels évoqués, les lois de finances comprennent des indicateurs de suivi et de résultats. La France participe aussi aux travaux de redevabilité du G8.

L'AFD est une agence d'une grande efficacité, elle mène des opérations remarquables. Le contrat d'objectifs et de moyens est une déclination du document cadre élaboré en collaboration étroite avec le Parlement. Nous avons obtenu du Premier Ministre les moyens que nous voulions pour l'agence. Elle n'est pas une administration traditionnelle, on ne peut la placer comme les autres sous la toise des effectifs réduits de 10 %. Comment lui rogner les ailes si l'on veut qu'elle se déploie dans les diverses régions du monde et les divers secteurs d'activité ?

L'AFD dégage des dividendes, à hauteur de 200 millions d'euros par an, qui sont intégralement reversés à l'État : plus elle se déploie, plus l'actionnaire y gagne ! Une partie de ces dividendes pourraient également servir à conforter ses fonds propres. Jusqu'à 75 millions d'euros de résultat, les dividendes seraient de 75 % pour l'État ; au-delà, pour moitié seulement.

Les pays émergents rapportent de l'argent, car ils consomment surtout des prêts, peu ou pas bonifiés. Ces prêts sont aussi un moyen pour nous d'exercer une influence sur des sujets comme la lutte contre le réchauffement climatique, en Chine ou en Indonésie, et de rendre ces pays plus vertueux même si cette action est parfois mal perçue par l'opinion publique.

La France verse 300 millions d'euros par an au Fonds mondial contre le sida. Les détournements décelés au Mali, en Mauritanie, en Zambie et à Djibouti sont regrettables, mais saluons l'effort de transparence ; sur 35 millions détournés, sur un total d'engagement dépassant 2 milliards, 7 ont déjà été récupérés. Le directeur du fonds a mis en place un système de vérification pour empêcher que de tels faits se reproduisent, et des procédures judiciaires ont été engagées auprès des autorités des pays concernés. Il ne faut pas que les donateurs suspendent leur participation au Fonds ; la France va d'ailleurs porter la sienne à 360 millions.

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