Depuis novembre 2005, la France et le Maroc modernisent leurs relations en matière judiciaire, comme le montrent les deux conventions sur la refonte des dispositifs en matière d'extradition et d'entraide judiciaire en matière pénale, sur lesquelles j'ai eu l'honneur de rapporter au nom de notre commission, soumises à la ratification parlementaire en 2010.
Aujourd'hui, le Sénat est saisi d'un projet de loi autorisant l'approbation de l'avenant entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume du Maroc sur l'assistance aux personnes détenues et sur le transfèrement des condamnés, signée à Marrakech le 22 octobre 2007. Il s'agit d'un avenant à la convention bilatérale du 10 août 1981 sur l'assistance aux personnes détenues et sur le transfèrement des condamnés, qui constitue le cadre juridique des relations bilatérales en matière de transfèrement des personnes condamnées.
Lors des discussions sur la refonte des dispositifs en matière d'extradition et d'entraide judiciaire en matière pénale entre la France et le Maroc, la partie marocaine a fait part de son souhait d'apporter des modifications également à la convention de 1981. Au final, à l'issue des négociations, c'est un avenant à la convention de quatre articles qui nous est présenté. En particulier, deux changements étaient au coeur des négociations.
Le premier est de rendre facultatif le motif de refus fondé sur le fait que l'intéressé a la nationalité de l'État de condamnation. Dans la version initiale de la convention, le transfèrement est refusé du moment où le condamné a la nationalité de l'État de condamnation. La nouvelle rédaction, dans son article 1, indique que ce paragraphe est désormais supprimé. L'ajout à la convention initiale de la mention d'un paragraphe selon lequel « le transfèrement pourra être refusé si le condamné a la nationalité de l'État de condamnation » (article 2 de l'avenant), supprime de fait l'obligation de refus fondé sur la nationalité. Cette modification pourra permettre l'application de la convention aux personnes possédant la double nationalité française et marocaine.
Le second est de permettre, dans des cas exceptionnels, le transfèrement, lorsque la durée de la peine restant à subir est inférieure à douze mois (article 3 de l'avenant). Ce seuil de douze mois est défini dans le texte initial à l'article 12 qui dispose qu'au moment de la demande de transfèrement, le condamné doit avoir encore au moins un an de peine à exécuter. Dans la nouvelle rédaction, cet article est complété par un paragraphe selon lequel, « en cas de reliquat de peine à exécuter inférieur à un an, les Parties pourront convenir d'un transfèrement dans des cas exceptionnels ». La mention « cas exceptionnels » n'est explicitée ni dans l'avenant, ni dans l'exposé des motifs.
L'article 4 de l'avenant, quant à lui, est un article administratif classique, relatif à la notification par chacune des Parties de l'accomplissement des procédures constitutionnelles permettant l'entrée en vigueur de l'avenant.
Les autres éléments prévus par la convention initiale (principes et conditions, règles de procédure) restent inchangés.
En 2010, on dénombrait 298 détenus français au Maroc, dont 235 détenus pour cause de trafic de drogue. Sur la période 1999-2010, 173 demandes de transfèrement ont été instruites, dont 152 émanant de détenus français, et 21 à l'initiative de la partie marocaine. Sur ces 173 demandes, 52 ont abouti au bénéfice de 3 Marocains et 49 Français.
En élargissant les possibilités de demande de transfèrement, l'entrée en vigueur de cet avenant va de fait permettre d'accroître annuellement le nombre de transfèrements. En effet, sur les 298 détenus français incarcérés au Maroc, 72 possèdent la double nationalité franco-marocaine, soit près d'un quart. L'entrée en vigueur aura donc pour conséquence d'élargir potentiellement le champ de la convention bilatérale de transfèrement. L'impact effectif reste toutefois difficilement quantifiable, le refus de transfèrement dans ce cas restant toujours une possibilité pour l'État de condamnation.
De même, concernant la deuxième modification apportée par l'avenant, l'impact effectif dépendra aussi de l'interprétation qui sera associée aux termes « cas exceptionnels », mais qui, selon toute vraisemblance, devrait être limité.
Les conséquences de la mise en oeuvre de cet accord ne peuvent être que positives. En effet, le transfèrement des personnes condamnées vise à rapprocher les personnes détenues de leur environnement familial, professionnel et social, ainsi qu'à mieux préparer leur réinsertion à l'issue de leur peine, notamment pour les détenus français, qui pourront ainsi bénéficier de tous les dispositifs d'accompagnement et d'individualisation prévus par le droit français. Cet avenant, en assouplissant les conditions du transfèrement, permettra d'en faire bénéficier un nombre plus élevé de personnes. Il contribuera également à assurer une meilleure égalité de traitement de l'ensemble de nos ressortissants détenus au Maroc, même si le refus reste facultatif en cas de double nationalité.
Financièrement, les coûts liés au transfèrement et à la garde des détenus en France sont pris en charge par le budget de l'administration pénitentiaire du Ministère de la Justice et des Libertés (ce qui représente environ 70 euros par jour et par détenu). Par ailleurs, le transfert de l'exécution des peines prononcées à l'encontre de ressortissants marocains en France allègera d'autant les coûts liés à leur détention en France.
En matière administrative et pratique, la transmission des demandes de transfèrement se fait entre ministères de la justice, qui instruisent la demande et vérifient que les conditions prévues par la convention applicable sont remplies. Le plus souvent, dès lors que les conditions juridiques du transfèrement sont remplies, l'accord est donné.
Sur le plan matériel, les transfèrements sont assurés par le service national des transfèrements, qui dépend de la Direction de l'administration pénitentiaire. Cette procédure n'est pas modifiée par l'avenant.
Enfin, d'un point de vue strictement juridique, les modifications apportées à la convention de 1981 restent mineures et correspondent dans une très large mesure à la pratique habituelle. S'agissant de la question de l'assouplissement tenant au reliquat de peine restant à subir, la solution retenue est conforme à celle adoptée par la convention du Conseil de l'Europe du 21 mars 1983 sur le transfèrement des personnes condamnées, qui reste le cadre juridique et international de référence en la matière.
C'est pourquoi je vous recommande d'adopter le présent projet de loi, qui pourrait faire l'objet d'une procédure d'examen simplifié en séance publique.