Intervention de Josselin de Rohan

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 18 mai 2011 : 2ème réunion
Paquet défense — Examen du rapport et du texte de la commission en 2e lecture

Photo de Josselin de RohanJosselin de Rohan, président :

Mes chers collègues, nous examinons en deuxième lecture le projet de loi « paquet défense », que nous avons adopté en première lecture en mars dernier et dont les deux directives doivent être transposées avant, respectivement, les mois de juin et août 2011.

La première directive, dite « TIC », simplifie les conditions des transferts de produits liés à la défense au sein de l'espace économique européen. La seconde directive, dite « MPDS », harmonise les règles des marchés publics pour permettre une meilleure transparence et plus de concurrence dans le processus d'achat des équipements de défense.

La transposition de la directive « TIC » a donné lieu à un important travail de modernisation de notre régime d'autorisation qui remontait au décret loi de 1939 et n'avait pas beaucoup évolué depuis 1955. Cette remise à plat va nous permettre de disposer d'une réglementation beaucoup plus efficace. L'actuel système de double autorisation -agrément préalable pour négocier et signer un contrat, d'une part, autorisation d'exportation, d'autre part- sera remplacé par une licence unique. Il y aura trois types de licences de transfert suivant la sensibilité des matériels et des destinataires. Les autorisations d'importation et de transit dans le cadre intracommunautaire seront supprimées.

Bien qu'harmonisé en Europe sur le plan des procédures, le nouveau régime d'autorisation restera de la seule compétence des États membres : en France c'est une compétence du Premier ministre, assisté d'une commission, la CIEEMG.

Naturellement, nous souscrivons à l'objectif de réduction des coûts et des incertitudes juridiques pour les entreprises, confrontées jusqu'alors à 27 régimes nationaux d'autorisation différents dans l'Union européenne. Pour autant l'actualité récente a rappelé l'importance de deux exigences vitales :

- d'abord avoir un régime d'autorisation réactif, qui s'adapte au plus vite aux évolutions du contexte international. A cet égard, je voudrais souligner l'application immédiate, par la France, des décisions d'embargo de l'ONU et de l'Union européenne sur les exportations d'armement à destination de la Libye et de la Syrie et la suspension, immédiatement et en fonction des pays et de la nature des équipements, des opérations de délivrance d'agrément préalable, d'autorisation d'exportation et de passage en douane dans les autres cas ;

- ensuite, il est impératif de maintenir un très haut degré de rigueur dans le contrôle des exportations. En la matière, le nouveau cadre juridique comporte plusieurs garde-fous :

. un mécanisme de certification pour garantir la fiabilité des opérateurs qui recevront des matériels dans l'union européenne ;

. l'instauration de nouvelles obligations d'organisation et d'information pesant sur les entreprises, sous peine de sanctions pénales ;

. surtout, la mise en place, et c'est nouveau, d'un contrôle a posteriori, en plus du contrôle a priori, sous forme d'inspections menées directement sur place, dans les entreprises concernées ;

. enfin, toute autorisation pourra être suspendue, modifiée, abrogée ou retirée, notamment dans le cas d'un brusque changement du contexte international.

L'Assemblée nationale, saisie en première lecture, s'est ralliée à l'analyse qui avait été la nôtre. On peut résumer ainsi la position de sa commission de la défense, sous l'égide de son rapporteur, notre collègue député M. Yves Fromion, par ailleurs excellent connaisseur du dossier :

- un accord sans réserve avec la démarche de modernisation du cadre juridique ;

- deux interrogations pratiques : ne faudrait-il pas déléguer l'instruction de certaines demandes d'autorisations, les moins sensibles, pour désengorger la CIEEMG ? Comment la réforme va-t-elle pouvoir entrer en vigueur rapidement, avec un système d'information aussi peu performant que le système SIEX actuel qui fait aujourd'hui l'unanimité contre lui ?

Le Gouvernement lui a apporté les mêmes réponses que celles qu'il nous avait faites : des procédures accélérées et partiellement déléguées seront mises en place, SIEX sera remplacé dès 2013, contre 2014 qui est le délai maximal laissé par le texte de loi. Pour ce qui est de la rédaction, l'Assemblée a repris notre texte, en n'y apportant, sur la partie « TIC », que des modifications d'ordre rédactionnel. Aussi je ne vous présente pas d'amendements.

Concernant la partie MPDS, vous vous souvenez sans doute que l'essentiel de la transposition se fera par décret. Le projet de loi ne concerne que le régime juridique spécifique à certaines personnes publiques tel qu'il est régi par l'ordonnance de 2005. Néanmoins cette partie est essentielle, car les dispositions les plus importantes serviront de modèle pour la partie réglementaire du code des marchés publics.

Vous vous souvenez également que l'essentiel des modifications que nous avons apportées à cette partie du texte concernait l'affirmation d'une clause de préférence communautaire souple. En effet, le projet de loi tel que déposé par le Gouvernement ne donnait qu'une interprétation modérée et ambigüe du désormais célèbre considérant 18.

Nous nous sommes efforcés, en étroite concertation avec le Gouvernement, d'améliorer cette rédaction. Il ne s'agit pas de fermer le marché, ce que les règles européennes n'autorisent du reste pas mais, sauf exception, le principe est désormais que les appels d'offre français sont ouverts aux seuls opérateurs économiques européens et que ce n'est que par exception que les pouvoirs adjudicateurs peuvent ouvrir leurs offres à l'ensemble de la concurrence. Encore doivent-ils le faire en prenant en compte plusieurs éléments tels que les impératifs de sécurité d'information et d'approvisionnement, la préservation des intérêts de la défense et de la sécurité de l'Etat ou encore l'intérêt de développer la base industrielle et technologique de défense européenne.

L'Assemblée nationale a réservé un accueil tout à fait favorable à cette modification. Toutefois, elle a souhaité ajouter aux conditions que je viens d'énumérer la prise en compte de « l'obtention d'avantages mutuels ». Dans la mesure où il s'agit de s'approcher le plus possible du texte de la directive, je n'ai aucun obstacle à cela et vous propose d'accepter cette modification.

En première lecture, nous avions également souhaité définir, conformément à la directive, les conditions que les pouvoirs adjudicateurs peuvent prendre en compte dans l'exécution des offres. Nous avions ainsi posé la condition de localisation de l'offre sur le territoire européen.

Là encore l'Assemblée nationale a réservé un accueil favorable à notre texte. Toutefois, elle a souhaité le compléter en rajoutant la prise en compte des considérations environnementales ou sociales dans la décision d'accepter ou de rejeter une offre. Dans la mesure où, là encore, il s'agit de « coller » au texte de la directive, je ne vois pas d'inconvénients à accepter ce complément de nos collègues députés.

En conclusion, et compte tenu du très bon travail fait à l'Assemblée nationale, je vous recommande d'adopter conforme le texte qui nous est soumis.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion