J'ai pris mes fonctions à l'AFP le 15 avril dernier, avec la volonté d'agir vite. L'AFP est la troisième agence mondiale, derrière les anglo-saxons Associated Press (AP) et Reuters. Tout en proposant une vision privilégiée de la politique française, elle publie des dépêches en sept langues, et s'adresse à plus de mille clients dans le monde.
Nous avons identifié cinq priorités pour réaffirmer notre position dans la compétition mondiale. Premier chantier : la mobilité. L'AFP doit être présente sur différentes plateformes, comme l'iPad et l'iPhone, à l'instar de ses concurrents, partout dans le monde.
Deuxième chantier : conserver notre place de leader sur le sport. Nous avons signé plus de deux cents nouveaux contrats lors de la dernière Coupe du monde de football ; pour la première fois, la couverture d'un grand évènement mondial a été profitable.
Troisième chantier : la langue arabe. La place de l'AFP dans le monde arabe est de plus en plus contestée par nos concurrents. Nous publions aujourd'hui environ 5 500 dépêches par jour, dont 3 500 en français et 300 en arabe. Il faut développer le fil arabe, y compris en recourant à la traduction.
Quatrième chantier : les archives. L'AFP se dote d'un outil multimédia pouvant produire photos et vidéos ; le fonds historique doit participer à la valorisation de l'agence.
Cinquième chantier : la vidéo. AP a créé une chaîne de télévision, comme l'agence Chine nouvelle ou Bloomberg. Sans aller jusque là, il nous faut produire davantage d'images vidéo pour répondre à la demande de nos clients. Reuters produit une soixantaine de sujets vidéos par jour ; l'AFP, une quinzaine, que nous pouvons décliner en une quarantaine d'objets. L'objectif est de tripler notre production dans les deux années à venir. Ce chantier sera porté par le système 4XML, refonte de notre système de production et d'édition, qui vise à faire coïncider texte, photo et vidéo, avec des bases de données coordonnées. Un financement dédié de 20 millions, sur un total de 30, a enfin été débloqué.
La question du statut de l'AFP est un véritable serpent de mer. À la suite de la réflexion entamée par mon prédécesseur Pierre Louette, le gouvernement a chargé Henri Pigeat, ancien président de l'AFP, d'un rapport sur son avenir. Pour ma part, je suis favorable à une évolution du statut de 1957, car les vertus d'hier emportent aujourd'hui des contraintes. Toutefois, les esprits ne sont pas mûrs pour une transformation de l'agence en société à capital, qui poserait la question du propriétaire, public ou privé, dudit capital.
Je propose donc de mettre ce sujet de côté et de centrer la réforme sur la question de la gouvernance. En 25 ans, AP a connu deux présidents ; Reuters, trois ; l'AFP, sept, dont trois démissionnaires ! Les réformes à l'INA ont abouti car j'ai pu incarner une stratégie sur la durée, stratégie portée par le conseil d'administration. Aujourd'hui, le président de l'AFP est structurellement faible : son mandat n'est que de trois ans, et son conseil d'administration est composé à 80 % de ses clients, dont l'intérêt est avant tout d'obtenir un service de la meilleure qualité au plus bas prix.
Il faut également clarifier les relations financières entre l'État et l'agence et définir les missions d'intérêt général qui justifient une subvention publique aux yeux de Bruxelles. L'AFP ne dispose pas de véritable contrat d'objectifs et de moyens, mais seulement d'une trajectoire financière.
Enfin, d'autres évolutions plus techniques, comme la présence d'une commission financière, redonneraient de l'air. L'agence doit impérativement reprendre le mouvement, dans un contexte à la fois porteur au niveau international et récessif sur le marché français. Cela passe aussi par une réforme du statut.