Enfin, Mme Anne-Marie Escoffier, co-rapporteur, a fait valoir qu'un certain nombre d'améliorations pourraient être utilement apportées au cadre juridique actuel, dans la mesure où ces dernières ne porteraient pas atteinte aux grands principes, posés par la loi « informatique et libertés » de janvier 1978 et par la directive du 24 octobre 1995, principes qu'il est impérieux de conserver en raison de leur plasticité et de leur adaptabilité aux nouvelles technologiques.
Abordant la question de la globalisation et de l'extraterritorialité, elle a estimé que la définition de normes internationales en matière de protection des données serait de nature à faciliter, sans qu'il soit porté atteinte au droit au respect de la vie privée, les relations économiques entre les Etats, rappelant à cet égard que, en dépit d'approches différentes, la protection des données constituait également un enjeu important pour les Etats-Unis.
Parmi les modifications qu'il serait utile d'apporter à la loi « informatique et libertés » de janvier 1978, elle a fait état de la clarification du statut juridique de l'adresse IP, qui devrait être incluse expressément dans le champ des données à caractère personnel, ainsi que de la mise en place d'un système de notification des failles de sécurité auprès de la CNIL, dans le but de renforcer la vigilance des institutions à l'égard de la sécurité des systèmes de données.
Se référant aux préconisations de MM. Charles Gautier et Jean-Patrick Courtois, co-rapporteurs du groupe de travail de la commission des lois du Sénat sur ce sujet, elle a par ailleurs appelé à un transfert à la CNIL de l'ensemble des autorisations et des contrôles en matière de vidéosurveillance.
Enfin, attirant l'attention sur l'absence de clarté des actuelles dispositions relatives à la création des fichiers de police, elle a considéré qu'il serait souhaitable, en raison du caractère éminemment sensible de ce type de traitement, de réserver au législateur la compétence exclusive en cette matière, précisant que, alors, la CNIL serait systématiquement appelée à se prononcer et que ses avis seraient rendus publics.
Par ailleurs, Mme Anne-Marie Escoffier, co-rapporteur, a attiré l'attention sur la question du droit à l'oubli. Elle a rappelé que cette notion n'était pas absente de la loi « informatique et libertés » (à travers notamment la question de la conservation des données pour une durée nécessairement limitée), mais que ces dispositions apparaissaient désormais insuffisantes au regard des enjeux posés par Internet. Après avoir souligné qu'il convenait en tout état de cause de concilier cette question du droit à l'oubli avec le principe, fondamental, du droit à la liberté d'expression, elle a indiqué que la reconnaissance d'un tel droit à l'oubli pourrait prendre plusieurs modalités. Elle a estimé que l'idée d'assurer ce droit à l'oubli par la consécration d'un droit de propriété des individus sur leurs données personnelles risquait d'accroître les risques de marchandisation des données relatives à la vie privée. En revanche, elle a estimé que la mise en place, sur Internet, de systèmes assurant « l'hétéronymat » (les individus auraient la possibilité d'utiliser plusieurs « identités numériques » sur le web en ayant recours à un tiers certificateur) ainsi qu'une réflexion sur les moyens d'obtenir la désindexation des sites contenant des informations jugées préjudiciables devraient être encouragées.
Enfin, Mme Anne-Marie Escoffier, co-rapporteur, a estimé que l'inscription de la notion de droit au respect de la vie privée dans la Constitution, à l'heure où se multiplient les craintes liées à l'utilisation croissante des nouvelles technologies, aurait une valeur symbolique forte. Elle a rappelé que le comité présidé par Mme Simone Veil s'était prononcé en décembre dernier contre une révision du Préambule de la Constitution, considérant notamment que le droit au respect de la vie privée et à la protection des données personnelles était assuré à la fois par la jurisprudence du Conseil constitutionnel et par un certain nombre d'instruments internationaux. Elle a rejoint en partie ces conclusions en considérant que les règles régissant la protection des données découlaient du principe de respect de la vie privée et qu'elles devaient être édictées par la loi. Néanmoins, elle a attiré l'attention sur le fait que, depuis le XVIIIème siècle, la notion de vie privée constituait, un des fondements de l'ordre politique français et, dans ces conditions, elle a estimé que la Constitution devrait lui donner la place qui lui revient.
En conclusion, Mme Anne-Marie Escoffier, co-rapporteur, a appelé à ne pas craindre les nouvelles technologies, qui, si elles sont devenues incontournables, n'en sont pas moins facteurs de progrès, mais à faire preuve de vigilance pour permettre leur utilisation et leur évolution dans le respect des principes fondateurs de l'ordre politique français.