Intervention de Noël Forgeard

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 14 décembre 2005 : 1ère réunion
Aéronautique — Audition de M. Noël Forgeard président exécutif d'eads

Noël Forgeard, Président Exécutif d'EADS :

a indiqué que, dans le cadre de sa co-présidence avec M. Thomas Enders, il s'attachait à développer des méthodes de gestion qui permettent à la direction du groupe d'être plus proche des filiales, tout en respectant l'autonomie de celles-ci. La dynamisation des unités d'EADS est fondée sur trois notions : l'innovation, grâce notamment à un budget de recherche et technologie de 615 millions d'euros et de recherche et développement de 5 milliards d'euros, l'internationalisation et l'amélioration de la fiabilité des opérations. Sur les 9 premiers mois de l'année 2005, EADS a enregistré par rapport aux 9 premiers mois de 2004 un résultat opérationnel de 2,1 milliards d'euros, en hausse de 41 % et des prises de commandes de 39 milliards d'euros, en hausse de 88 %. Son chiffre d'affaires pour 2005 devrait s'établir à 33 milliards d'euros.

Ces chiffres sont très satisfaisants mais ne dispensent pas de faire preuve d'une grande vigilance. EADS est encore trop dépendant de son secteur d'aéronautique civile : Airbus représente 85 % du résultat opérationnel. Or, dans ce domaine, la concurrence de Boeing est redoutable : le B 787 s'est posé en concurrent direct de l'A 330 et son lancement a suscité celui de l'A 350, qui connaît d'ailleurs un grand succès avec une prévision de 200 commandes en 2005 ; le B 747-8 constitue une tentative de se repositionner sur le créneau de l'A 380. Ce dernier poursuit ses essais ; un quatrième appareil effectuera son premier vol en janvier 2006 et la première livraison à une compagnie aérienne aura lieu en novembre 2006. Le marché de l'aviation civile est effervescent et soumis à une concurrence exacerbée. Les commandes cumulées d'Airbus et de Boeing devraient, en 2005, dépasser largement les 1.500 avions et le record précédent qui date de 1989, mais ce niveau ne pourra se maintenir durablement et un retournement de cycle aura nécessairement lieu. Ces caractéristiques du secteur de l'aviation civile rendent indispensable un rééquilibrage d'EADS, tout particulièrement dans le domaine de la défense et de l'espace, comme Boeing a su le faire.

a rappelé que le chiffre d'affaires de la part «Défense » d'EADS atteignait 7,7 milliards d'euros, et pourrait s'élever au cours des prochaines années à 10 milliards d'euros, soit environ 25 % du chiffre d'affaires alors atteint. Même si ce chiffre est important, il ne permettrait à EADS que de se maintenir en tête du troisième groupe des acteurs mondiaux. Le premier groupe est constitué par les entreprises réalisant plus de 20 milliards de chiffre d'affaires dans le secteur défense (Boeing, Lockheed Martin et Northrop Grumman). Le deuxième rassemble celles dont le chiffre d'affaires « Défense » est compris entre 10 et 20 milliards (BAe Systems, Raytheon et General Dynamics). Le troisième est composé des industriels qui réalisent dans ce secteur moins de 10 milliards de chiffre d'affaires (au premier rang desquels, EADS, Thalès et Finmeccanica). EADS doit donc développer son activité de défense, en particulier dans des domaines émergents tels que la sécurité globale et attend beaucoup de l'Agence Européenne de Défense qui devrait lancer des programmes capacitaires européens et favoriser l'émergence d'un véritable marché unique européen de la défense.

a souligné qu'au-delà de sa croissance interne, EADS pouvait se développer par croissance externe grâce à des rapprochements. Il est très probable qu'une nouvelle phase de consolidation concernera bientôt le secteur de la défense en Europe. Pour EADS, le partenaire idéal doit être positionné sur des activités complémentaires, notamment dans le domaine des systèmes et de l'électronique de défense, et posséder une implantation européenne non redondante. Dans le secteur naval, DCN et Thalès ont entrepris de nouer un partenariat qui, au niveau français, va dans le bon sens. En Allemagne, EADS s'est associé à ThyssenKrupp Marine Systems pour se porter candidat au rachat d'Atlas Electronik, dont BAe Systems veut se défaire. Si l'opération aboutit, il serait souhaitable que les pôles navals français et allemand ainsi créés entament un dialogue susceptible de déboucher sur le décloisonnement tant attendu de ce secteur et les consolidations européennes nécessaires.

Abordant la loi de finances pour 2006 et la mise en oeuvre de la loi de programmation militaire, M. Noël Forgeard a salué la continuité d'un effort conforme aux engagements que celle-ci prévoit. Il a rappelé que sa préoccupation majeure portait sur les études amont et le maintien des compétences technologiques indispensables à la sauvegarde de capacités opérationnelles autonomes en France et en Europe. Ce maintien n'est rendu possible que par les investissements consacrés à la recherche, la technologie et au développement. 4 secteurs sont particulièrement préoccupants : les satellites, afin notamment de préparer, dès 2006, le remplacement d'Hélios en 2014 ; la dissuasion, où, au-delà du M 51, il est nécessaire de mobiliser les équipes de recherche sur de futurs démonstrateurs stratégiques ; les missiles tactiques : au-delà des programmes de référence dans les missiles aéroportés (Storm Shadow, Meteor), de défense aérienne (Aster) et des futurs Missiles de Croisière Navale (MCN), il y a lieu de renforcer les efforts de recherche et technologie dans le domaine des missiles terrestres. Les hélicoptères constituent également un secteur d'excellence, puisque Eurocopter détient, depuis plusieurs années, la première place mondiale : les acquis ne doivent pas être perdus et la préparation de l'avenir est ici aussi essentielle.

Dans ces quatre domaines en effet, a poursuivi M. Noël Forgeard, les programmes vont rapidement se trouver en phase de production et il est indispensable de relancer dès maintenant les efforts de recherche et technologie, par le truchement de démonstrateurs dûment dotés.

a ensuite détaillé les réponses qu'EADS pouvait apporter aux besoins capacitaires nouveaux dans trois secteurs :

- les drones MALE : EADS s'est engagé à développer, en s'appuyant sur un transfert de technologie d'Israel Aircraft Industries, un Système intérimaire de drone MALE (SIDM), mais a rencontré de nombreuses difficultés géopolitiques et techniques, qui ont généré des retards ainsi que des efforts financiers importants de la part de l'entreprise : au printemps 2006, celui-ci devrait être mis à disposition de l'Armée de l'Air. A terme, le système EuroMALE devrait offrir des performances supérieures, mais il ne pourra voir le jour qu'en coopération européenne. Les points de vue français et espagnols convergent. Un rapprochement s'esquisse avec l'Allemagne. Les Pays-Bas, l'Italie, la Turquie, la Grèce et la Finlande sont également intéressés. Il serait souhaitable que la négociation du contrat relatif au programme complet de développement et production s'engage au plus vite, qu'elle soit conclue en 2007 et précédée d'un premier contrat de réduction de risques dès 2006 ;

- les avions ravitailleurs : l'armée de l'air aura besoin de renouveler sa flotte d'avions ravitailleurs ; ses 14 Boeing ont plus de 40 ans d'âge, leur coût de maintenance et leurs risques d'indisponibilité croissent rapidement. De plus, les armées françaises souffrent d'un déficit capacitaire important dans le domaine du transport stratégique. Ces deux besoins peuvent être satisfaits avec une flotte unique, grâce à une solution de type MRTT (multirôles, transport et tanker) utilisant des dérivés militaires d'avions Airbus déjà existants. EADS a proposé, à budget identique, moyennant un financement innovant, de recourir à une solution basée sur l'A 330 MRTT dans le cadre d'un partenariat à long terme comportant des engagements sur les coûts de maintien en condition opérationnelle. Moyennant quoi, pour la même dépense publique, les capacités de transport et de ravitaillement stratégique de la France seraient substantiellement améliorées. Un contrat pourrait être conclu en ce sens début 2007, mais à ce jour aucune décision n'est prise ;

- enfin, les télécommunications spatiales sécurisées (SYRACUSE III C) : les besoins en ce domaine sont en pleine expansion. Le recours à un achat de services de télécommunications pourrait se substituer à l'acquisition patrimoniale du troisième satellite SYRACUSE III. EADS Space et Alcatel Space se sont entendus pour proposer une offre de services conjointe.

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