a d'abord rappelé que cette proposition de loi avait été déposée par le député Hervé Gaymard et par plusieurs de ses collègues issus de tous les groupes politiques. Cette proposition traduit l'une des recommandations du rapport du groupe de travail du Conseil du livre, dont M. Serge Lagauche et elle-même étaient membres.
Elle a souligné que l'application de l'article 21 de la loi du 4 août 2008 de modernisation de l'économie (LME) - devenu l'article L. 441-6 du code de commerce - qui plafonne les délais de paiement entre entreprises à un niveau très inférieur aux usages en cours dans la filière du livre, rendait ce texte nécessaire.
En effet, à compter du 1er janvier 2010, ces délais de paiement s'établiront à 45 jours fin de mois ou à 60 jours calendaires à compter de la date de facturation (ou à la date de réception des marchandises, ou d'exécution de la prestation demandée, si cette disposition est prévue par un accord interprofessionnel et validée par décret). En outre, en l'absence de convention entre les parties, le délai de paiement est fixé au trentième jour suivant cette date de réception des marchandises ou d'exécution de la prestation.
La loi LME prévoit la possibilité de reporter au 1er janvier 2012 le raccourcissement des délais de paiement dans le cadre d'accords interprofessionnels au sein d'une branche, à certaines conditions.
Après avoir indiqué que les professionnels avaient décidé d'exercer cette option et que trois accords interprofessionnels avaient été signés par les différentes parties prenantes, fin 2008 et début 2009, Mme Colette Mélot, rapporteur, a fait observer que ces accords avaient reçu un avis globalement favorable de l'Autorité de la concurrence le 9 avril 2009 et qu'ils avaient été validés par un décret du 26 mai 2009. Ce dernier a aussi étendu la mesure dérogatoire à l'ensemble des acteurs du secteur du livre, depuis l'édition et l'imprimerie jusqu'à l'ensemble des réseaux de distribution.
Toutefois ces accords permettent seulement une application progressive de la réduction des délais de paiement, selon le calendrier suivant : 180 jours fin de mois au 1er janvier 2009, 150 jours fin de mois au 1er janvier 2010, 120 jours fin de mois au 1er janvier 2011 et, enfin, 60 jours fin de mois au 1er janvier 2012.
Or, le commerce de la librairie se caractérise par des délais de paiement particulièrement longs. Ils se situent en moyenne, tous circuits confondus (librairies, grandes surfaces, grossistes, librairies en ligne...), à 94 jours. Cette particularité s'explique par la spécificité de l'économie du secteur du livre, caractérisée par une offre extrêmement diversifiée et des cycles d'exploitation très longs, qui permettent aux libraires de présenter au public l'ensemble de la production éditoriale.
a aussi expliqué que ces délais de paiement pouvaient même s'élever jusqu'à 150, voire 180 jours, dans certains cas comme la reprise ou la création d'une librairie ou d'un fonds éditorial spécifique.
Elle a relevé que la réduction des délais de paiement appliquée au secteur du livre aurait pour conséquence d'amplifier les difficultés de trésorerie rencontrées par de nombreuses librairies, de réduire leurs achats de nouveautés, ainsi que la durée d'exposition des titres, favorisant à terme une « best-sellerisation » du marché du livre. Cette fragilisation du secteur de la distribution de livres risquerait d'affaiblir également celui de l'édition et donc d'engendrer un appauvrissement de l'offre éditoriale adressée aux lecteurs.
Par ailleurs, l'application du plafonnement des délais de paiement aux imprimeurs conduit à placer ces derniers dans un étau : ils sont pris en tenailles entre les longs délais de l'amont de la filière et les courts délais pratiqués par leurs propres fournisseurs.
a relevé que la proposition de loi avait été adoptée par les députés à l'unanimité, le 1er décembre 2009, sous réserve de certaines modifications. Elle a pour objectif d'exempter définitivement la filière du livre du plafonnement des délais de paiement, pour revenir au système conventionnel en vigueur avant l'adoption de la loi LME. Il s'agit de laisser aux acteurs le soin de négocier entre eux, librement et selon les opérations concernées, leurs délais de paiement.
L'Assemblée nationale a modifié la proposition de loi initiale sur les points suivants :
- en premier lieu, elle a jugé inutile de codifier cette dérogation consistant à créer une « exception livre », dont ne sauraient se prévaloir d'autres secteurs d'activité ;
- en deuxième lieu, les opérations de vente par courtage ne concernant que des opérations entre entreprises et particuliers, l'Assemblée nationale a considéré, à juste titre, qu'elles n'avaient pas à être mentionnées dans le périmètre de la proposition de loi, qui ne vise que le crédit interentreprises ;
- enfin, il est apparu nécessaire d'inclure dans le dispositif le secteur de l'imprimerie, s'agissant de ses relations avec le secteur du livre. Mme Colette Mélot, rapporteur, s'en est réjouie, car les délais de paiement pratiqués en France par les imprimeurs au profit des éditeurs de livres sont en moyenne de l'ordre de 125 jours, alors que les délais de règlement de ces mêmes imprimeurs à leurs fournisseurs sont de l'ordre de 90 jours sur les achats de consommables (papiers, encre, colles...).
Elle a estimé indispensable de revenir rapidement au système conventionnel en vigueur en matière de délais de paiement dans le secteur du livre. Grâce à une politique de soutien de la filière du livre qui ne s'est pas démentie au cours du temps, et dont la loi de 1981 sur le prix unique marque une étape importante, la France peut s'enorgueillir de la vitalité de sa filière du livre. La création éditoriale est riche et diverse et le réseau de diffusion du livre est très dense.
Cependant la fragilité économique du secteur étant réelle, en particulier s'agissant des librairies indépendantes et des imprimeurs, le rapporteur a insisté sur la nécessité de veiller à ne pas déstabiliser l'équilibre difficilement trouvé à travers une mesure générale inopportune dans la situation actuelle.
C'est pourquoi Mme Colette Mélot, rapporteur, a demandé à la commission d'adopter conforme la proposition de loi et de soutenir son inscription à l'ordre du jour du Sénat dans les meilleurs délais.
s'est interrogée sur l'absence de codification du texte adopté par l'Assemblée nationale, alors que celle-ci figurait dans la proposition de loi initiale. Elle a toutefois indiqué que l'urgence du sujet pour la filière du livre l'avait conduite à écarter cet inconvénient. De même, elle a indiqué que son rapport lèverait une légère ambiguïté rédactionnelle. En tout état de cause, elle a jugé que « l'exception livre » justifiait un traitement spécifique, dont dépendaient aussi l'aménagement culturel du territoire et la démocratisation de l'accès à la culture, dans toute sa diversité.