Intervention de Jean-Marie Delarue

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 12 mai 2010 : 1ère réunion
Audition de M. Jean-Marie delaRue contrôleur général des lieux de privation de liberté

Jean-Marie Delarue, Contrôleur général des lieux de privation de liberté :

Moi aussi, monsieur le sénateur Lecerf, je m'inquiète des risques de non-application de la loi pénitentiaire et, en général, de tous les textes concernant les lieux privatifs de liberté. Il faut aussi veiller à leur bonne connaissance tant par les gardiens que par les personnes gardées. Je suis souvent stupéfait du nombre de gardiens qui, dans un établissement pénitentiaire, n'ont jamais lu le Règlement intérieur. Et, d'un autre côté, il n'existe aucun mécanisme institutionnel permettant aux personnes privées de liberté de connaître les textes les concernant. Lorsque le Directeur d'administration pénitentiaire sort une circulaire, tout citoyen peut la déférer en justice dans les deux mois mais le détenu, lui, n'a aucun moyen de la connaître. Il y a là un véritable problème d'accès au droit et à la loi.

Sur les décrets d'application, je n'ai pas à être consulté et je ne le suis pas. Mais heureusement, dans cette loi, vous avez eu la sagesse de faire prévaloir le décret en Conseil d'État sur le décret simple. Toute vision venue de l'extérieur de l'administration est toujours la bienvenue. Cela suffira-t-il ? L'une de mes obligations est de m'intéresser à l'application concrète de la loi pénitentiaire : je n'ai pas à interférer dans son élaboration mais ensuite, je la considère comme un acquis.

La conquête de l'opinion publique est en effet essentielle et c'est une des raisons pour lesquelles je m'efforce de regrouper les associations et de faire parler de nouvelles voix.

Les UHSA relèvent de ma compétence et c'est pourquoi nous irons à l'UHSA du Vinatier à Lyon. Je ne crois pas qu'il y ait lieu de faire de différence dans la manière de soigner les personnes irresponsables et celles qui ne le sont que partiellement mais je serai attentif à la façon dont sont utilisées ces unités hospitalières. Dès lors qu'une personne un peu malade se manifeste bruyamment en prison, on se plaint et le nombre d'hospitalisations sans consentement explose. Les UHSA viendront-elles à bout de ce déséquilibre ? Je serai attentif à leurs pratiques.

Je n'ai aucun rapport avec l'Observatoire national de la délinquance. Je suis pourtant très soucieux de données chiffrées au point que j'ai introduit dans le rapport pour 2009 la contribution d'un statisticien. Notre objectif est d'établir le nombre de personnes privées de liberté à un moment donné et de connaître les flux. Très soucieux de données fiables, je m'étonne que l'administration pénitentiaire ne différencie pas les éléments chiffrés selon les catégories d'établissements ou encore qu'en 2010, on oublie 25% du nombre de gardes à vue... Il serait sans doute souhaitable que nous nous rapprochions de l'Observatoire afin de mener une approche plus coordonnée en matière statistiques.

Monsieur le Doyen Gélard, vous avez beaucoup débattu du Défenseur des droits et je ne rajouterai rien. Je ne souhaite pas entrer dans la voie d'une défense des prérogatives de l'institution. En tout cas, je ne me retrouve pas dans votre distinction entre locaux et hommes qui sont indissolublement liés. Le travail du Médiateur concerne les litiges entre administration et personnes privées de liberté, tandis que mon rôle est préventif. Il ne concerne pas les litiges mais consiste à faire prendre les mesures nécessaires au respect des droits fondamentaux des personnes privées de liberté. Ce sont là deux tâches différentes. Doivent-elles prendre une forme différente ? A vous de juger !

Je ne recherche pas personnellement la notoriété mais il est vrai qu'il y a là un manque évident et que je n'ai pas obtenu des administrations tout le concours espéré. Par exemple, lorsque l'Administration pénitentiaire sort une brochure sur les droits des détenus, elle y note l'adresse du Contrôleur général mais en omettant d'indiquer la manière précise dont il peut être saisi par les détenus ! Autre exemple : il m'a fallu batailler six mois pour obtenir que mes conversations téléphoniques avec les détenus ne soient pas écoutées. Les administrations doivent accepter cette institution dans toutes ses dimensions.

Bien entendu, demain, le Défenseur des droits aura toute sa place dans ce champ là. Dès mon entrée en fonction, j'ai passé des conventions avec diverses autorités administratives existantes, je leur rétrocède les dossiers dont elles ont la charge et ces conventions me donnent toute satisfaction. Ce sera pareil avec le Défenseur : si nous pouvons régler la question par convention, ce sera très bien. Et encore mieux si les textes le prévoient ; je n'y vois que des avantages.

Monsieur le sénateur Alfonsi, les centres éducatifs fermés ont une tâche difficile parce qu'ils accueillent des jeunes rebelles et que, il faut le dire, leur création a été un peu improvisée. On a mobilisé une partie de la PJJ - une partie seulement parce que l'autre s'y refusait - et on a confié ces centres à des associations, connues ou non, aux aptitudes très diverses, si bien que ces CEF sont maintenant bien différents les uns des autres.

Nous voyons systématiquement les délégués du médiateur dont le travail; est en général, bien fait et nous avons avec eux des relations normales. Je précise que je suis toujours preneur des témoignages de tiers.

Hors de l'école nationale de l'administration pénitentiaire, il n'existe aucune formation apprenant à garder quelqu'un; c'est aussi valable pour la gendarmerie et la police où l'on affecte à cette tâche ceux qu'on ne peut plus mettre en contact avec le public. Le personnel apprend sur le tas et c'est pourquoi je suis si attentif au climat des établissements pénitentiaires où les jeunes reçoivent leurs instructions des plus anciens. J'attends la définition de ce que serait une formation initiale et continue en ce domaine.

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