a indiqué que le Sénat était saisi d'un projet de loi relatif à la nationalité des équipages de navire, présenté en Conseil des ministres le 25 juillet dernier et constituant l'aboutissement d'un long processus engagé par la Commission européenne contre la France. Il a précisé que la Commission estimait que la législation française, qui réserve aux Français les postes de capitaine et de son suppléant à bord des navires battant pavillon français, n'était pas en conformité avec l'article 39 du traité d'Amsterdam, qui fixe le principe de libre circulation des personnes au sein de la Communauté européenne et avait engagé, pour cette raison, un recours en manquement contre la France le 15 février 2007.
a ensuite expliqué qu'historiquement, la réserve de nationalité du capitaine s'appuyait sur les prérogatives très larges qui lui étaient confiées, puisqu'une fois en mer, il était considéré comme étant le seul « maître à bord après Dieu ». Le capitaine dispose en effet actuellement de pouvoirs d'état civil, puisqu'il dresse les actes de naissance et de décès et reçoit les testaments authentiques. Il a également des pouvoirs d'enquête en cas d'infraction pénale commise à bord ainsi que de mise en détention préventive. Ses pouvoirs disciplinaires sont importants, puisqu'il a autorité sur toutes les personnes embarquées pour assurer l'ordre à bord du navire et peut requérir les personnes embarquées pour lui prêter main-forte. Plus récemment, l'adoption au niveau international du code international pour la sûreté des navires et des installations, destiné à lutter contre le terrorisme, les trafics et la piraterie a renforcé les pouvoirs du capitaine en matière de sûreté. Aussi bien, de nombreux pays européens avaient-ils prévu une réserve de nationalité pour le capitaine et la France elle-même a-t-elle longtemps défendu cette disposition, en considérant que, seul, un national pouvait être investi de telles prérogatives de puissance publique.
a relevé que deux arrêts de la Cour de justice des Communautés européennes de 2003 avaient modifié l'approche européenne de cette question. En effet, la Cour a jugé que les Etats membres ne pouvaient réserver le poste de capitaine à un national qu'à la condition de démontrer que les prérogatives de puissance publique sont effectivement exercées de manière régulière et ne représentent pas une part réduite de leurs activités. Or la CJCE a considéré dans les deux affaires de 2003 que tel n'était pas le cas des capitaines de navire, aussi bien à bord des navires pratiquant la petite pêche côtière que de ceux navigant en haute mer. Sur le fondement des arrêts de la CJCE, la Commission européenne a adressé, dès l'année 2003, une lettre de mise en demeure à la France, afin que celle-ci mette sa législation en conformité avec les règles européennes. En 2004, la Cour de Cassation, en France, a jugé que plus rien ne justifiait la réserve de nationalité du capitaine.
Après avoir indiqué que le projet de loi s'inscrivait au terme d'un processus d'échanges de quatre ans avec la Commission, au cours duquel celle-ci a adressé à l'Etat français une lettre de mise en demeure, puis un avis motivé, puis un recours en manquement, M. Charles Revet, rapporteur, a souligné que l'ensemble des pays européens, à l'exception pour l'instant de la Bulgarie et de la Grèce, avaient supprimé la réserve de nationalité ou étaient en passe de le faire. Parmi eux, certains ne posent aucune condition de nationalité : tel est le cas par exemple de la Lettonie, du Luxembourg, de la Norvège ou encore du Royaume-Uni.
Abordant ensuite le contexte français du projet de loi, M. Charles Revet, rapporteur, a précisé que le texte avait été présenté aux partenaires sociaux le 26 janvier 2007 et avait fait l'objet d'un avis favorable du Conseil supérieur de la marine marchande le 7 février 2007. Il a ensuite relevé qu'il s'inscrivait dans un contexte général relativement préoccupant pour l'avenir de la filière maritime française. En effet, la France, comme d'ailleurs l'Europe, sont actuellement touchées par une pénurie d'officiers importante, évaluée à près de 600 officiers en France et 4.000 en Europe. Elle se manifeste également au niveau mondial, où elle est évaluée à environ 10.000, soit 2 % des effectifs globaux. Ses causes tiennent à l'insuffisance des entrées dans la profession et à un phénomène d'évasion très important, puisqu'environ 55 % des officiers au long cours démissionnent rapidement.
a ensuite souligné les conséquences de cette pénurie : tout d'abord, le vieillissement de la population des officiers, puisqu'il faut environ 15 ans pour faire d'un jeune officier sortant de l'école un capitaine. Elle se manifeste également par la grande difficulté des armateurs à recruter des officiers qualifiés, difficulté fortement soulignée par les représentants des Armateurs à la pêche et ceux des Armateurs de France. Cette difficulté serait telle, d'après ces derniers, que certains armateurs ne pourraient plus immatriculer leurs navires sous pavillon français, faute de trouver les officiers français pour les commander. M. Charles Revet, rapporteur, a, en conséquence, estimé que le projet de loi, dans un tel contexte de pénurie, n'aurait pas d'impact fort sur le marché français de l'emploi maritime, d'autant plus que les armateurs ont intérêt à avoir des officiers français à bord de leurs navires, qui travaillent ensuite souvent à terre dans leurs compagnies et les font profiter de leur expérience. Le texte pourrait en outre leur permettre d'inscrire davantage de navires sous pavillon français, ce qui constitue un gage supplémentaire en matière de sécurité maritime.
Pour ces raisons, M. Charles Revet, rapporteur, a proposé à la commission d'adopter le texte dans son économie générale, mais a estimé que le Gouvernement devait donner des gages sérieux, en séance publique, sur deux points. D'une part, des mesures urgentes doivent être prises pour relancer la filière maritime française, car l'existence d'un nombre suffisant d'officiers navigants est une condition impérative du maintien de la sécurité maritime à bord des côtes françaises et au-delà. En effet, après une carrière maritime, les personnels navigants deviennent fréquemment experts maritimes, pilotes maritimes et hauturiers et inspecteurs des affaires maritimes. Aussi bien, le maintien de cette filière est-il indissociable de l'existence d'un « savoir-faire » français, gage d'une exigence particulière en matière de sécurité maritime. Soulignant qu'il avait observé, au cours de ses auditions, qu'une prise de conscience générale s'était produite sur cette nécessité, M. Charles Revet, rapporteur, s'est félicité de l'annonce de la tenue, à l'automne, d'une table ronde sur les écoles de formation, leur organisation et leur visibilité. Celle-ci, a-t-il relevé, devrait être l'occasion de mettre en place des passerelles entre enseignement général et enseignement maritime et de réduire, le cas échéant, la durée de ces formations, particulièrement longues en France. S'agissant du deuxième point, M. Charles Revet, rapporteur, a indiqué qu'un certain nombre de pays européens comme l'Italie, le Danemark, la Norvège, la Suède ou encore les Pays Bas, attachés à maintenir une compétence maritime sur leur territoire, dans leurs administrations et pour la défense de leurs intérêts dans les instances communautaires et internationales, avaient mis en oeuvre des mesures fiscales et sociales attractives, que la France devrait également être en mesure d'instituer.
Abordant les dispositions du projet de loi, M. Charles Revet, rapporteur, a indiqué qu'il comportait deux chapitres. Le premier concerne la suppression de la réserve de nationalité sur tous les registres, registre métropolitain et des DOM, registre international français, à l'exception des registres des collectivités d'outre-mer. En outre, les articles 1er et 2 précisent que l'accès aux fonctions de capitaine sera subordonné à la maîtrise de connaissances linguistiques qui seront vérifiées selon des modalités précisées par décret en Conseil d'Etat. Le chapitre II encadre les pouvoirs du capitaine en matière pénale et les place sous le contrôle de l'autorité judiciaire afin d'éviter le risque d'inconstitutionnalité qui naîtrait de l'exercice par des non-nationaux de prérogatives de puissance publique. En effet, le Conseil d'Etat a précisé, dans un avis de 2004, qu'un acte de police relève de l'exercice des conditions essentielles de la souveraineté nationale dès lors qu'il implique l'usage de la contrainte et qu'il est susceptible de conduire à une privation de liberté. En conséquence, il ne peut être exécuté que par une autorité publique française, ou du moins sous son contrôle. Or dans l'actuel code disciplinaire et pénal de la marine marchande, le capitaine est investi de la totalité des pouvoirs d'enquête préliminaire prévus par le code de procédure pénale, dont celui de prendre des mesures privatives de liberté. Aussi bien, l'article 4 prévoit-il que ces prérogatives seront exercées sous le contrôle du procureur de la République et, plus généralement, des autorités françaises. M. Charles Revet, rapporteur, a conclu, sous réserve de ses observations, qu'il suggérait d'adopter le projet de loi, assorti des amendements proposés.