Intervention de Bruno Racine

Commission des affaires culturelles, familiales et sociales — Réunion du 2 avril 2008 : 1ère réunion
Enseignement scolaire — Audition de M. Bruno Racine président du haut conseil de l'éducation

Bruno Racine, président du Haut conseil de l'éducation, sur le premier rapport de cet organisme relatif à « l'école primaire » :

a rappelé que le Haut conseil de l'éducation avait été créé par la loi n° 2005-380 du 23 avril 2005 d'orientation et de programme pour l'avenir de l'école et s'était notamment substitué au Haut conseil de l'évaluation de l'école ainsi qu'à diverses autres instances, dont il diffère avant tout par la composition, puisqu'aucune personnalité n'y est nommée en raison des fonctions administratives, politiques ou syndicales qu'elle occupe.

Le Haut conseil de l'éducation s'est vu confier trois missions principales :

- il était chargé de définir le socle commun de connaissances et de compétences créées par la loi précitée et de proposer les modifications du cahier des charges de la formation des maîtres nécessaires pour le mettre en oeuvre. Cette mission ayant été accomplie, elle n'est donc plus mentionnée que pour mémoire ;

- à la demande du ministre de l'éducation nationale ou du ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche, il émet des avis et formule des propositions sur la pédagogie, les programmes, l'organisation, les résultats du système éducatif et la formation des enseignants ;

- il remet au président de la République un bilan annuel des résultats de l'école. Ce rapport a été rédigé pour la première fois en 2007 et le Haut conseil de l'éducation a choisi de le consacrer à la question de l'école primaire. Il a procédé pour ce faire à de nombreuses auditions et a également commandé des études spécifiques à des experts sur les sujets qui l'intéressaient plus particulièrement.

Soulignant que l'école primaire fait l'objet d'un large consensus social, M. Bruno Racine a mis en exergue le décalage qui semble exister entre cette très grande confiance et les performances effectives des écoles maternelles et élémentaires. Cela ne doit pas conduire à remettre en cause le travail des enseignants, dont la qualité est indiscutable, mais à formuler six constats sur le fonctionnement de l'école primaire dans son ensemble :

- chaque année, 300.000 élèves, soit 40 % d'une classe d'âge, entrent au collège avec de graves lacunes qui les empêcheront de poursuivre une scolarité normale. Pour 15 % des écoliers, ces difficultés sont d'une telle intensité qu'elles feront obstacle à toute réussite ultérieure. Ces données sont connues, elles sont établies par le ministère de l'éducation nationale et ont été rendues publiques à de nombreuses reprises ;

- les évaluations pratiquées aux différentes étapes de la scolarité, et notamment à l'entrée en cours préparatoire (CP), montrent que les 10 % d'élèves les plus faibles au début du CP forment l'essentiel des 10 % des écoliers qui connaissent le plus de difficultés à la fin de la deuxième année de cours moyen (CM2). Ces études soulignent également que l'écart de niveau entre les élèves les plus faibles et les meilleurs ne se réduit pas à l'école élémentaire, mais se creuse entre le CP et le CM2 ;

- bien qu'il ait reculé depuis une dizaine d'années, le recours au redoublement reste encore fréquent à l'école primaire. Certes, seul un écolier sur cinq a désormais redoublé, mais avec ce taux la France reste le pays d'Europe où les redoublements sont les plus nombreux. Pourtant, tout démontre que le redoublement à l'école primaire est profondément inefficace, les élèves qui l'ont subi progressant moins vite une fois parvenus dans la classe supérieure que leurs camarades qui y ont accédé avec des résultats médiocres ;

- le système scolaire fait preuve d'une grande inertie lorsqu'il doit mettre en oeuvre des transformations. Ainsi la décomposition de la scolarité primaire en trois cycles de trois années, introduite en 1989, reste largement formelle, les redoublements en cours de cycle continuant à être pratiqués et les enseignants n'ayant pas toujours tiré toutes les conséquences de leur intervention au sein d'un ensemble cohérent de trois ans ;

- entre 1990 et 2000, la baisse du nombre d'élèves scolarisés dans le primaire aurait dû permettre d'utiliser les marges de manoeuvre ainsi dégagées au profit d'actions pédagogiques. Tel n'a pas été le cas ;

- la structure administrative de l'école primaire reste imparfaite, l'absence de statut de directeur rendant fort difficile la conception d'un véritable projet d'établissement. Les inspecteurs de l'éducation nationale, qui exercent notamment le pouvoir de notation à l'endroit des professeurs des écoles, n'assument que partiellement leurs missions dès lors que leur temps est de plus en plus pris par les relations avec les élus et leur rôle de conseillers auprès des inspections d'académie. Le pilotage de l'enseignement primaire paraît donc encore insuffisant.

Un large débat a suivi l'intervention de l'orateur.

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