Intervention de Charles Revet

Commission des affaires économiques — Réunion du 17 mai 2006 : 1ère réunion
Résolutions européennes — Services publics de transports de voyageurs - examen du rapport et des amendements - adoption de la proposition de résolution

Photo de Charles RevetCharles Revet, rapporteur :

A titre liminaire, M. Charles Revet, rapporteur, a indiqué que le projet de réforme communautaire visait à adapter la législation du secteur des transports publics de voyageurs par chemin de fer et par route, dont les principes essentiels datent de 1969, aux évolutions connues depuis lors en matière d'ouverture des marchés, d'émergence d'opérateurs internationaux et de consolidation du Marché unique. Pour démontrer que l'enjeu politique et économique du processus de réforme n'était pas négligeable et que la sécurisation du cadre communautaire semblait nécessaire à tous les acteurs concernés, il s'est rapporté aux statistiques de la Commission européenne, laquelle estimait qu'en 2004, dans l'Union à Quinze, les transports publics terrestres de personnes (train, métro, tram et bus urbain) représentaient environ 150 millions de passagers transportés par jour, 1,5 million d'emplois et un chiffre d'affaires annuel de l'ordre de 100 milliards d'euros.

Puis après avoir souligné que la première proposition de la Commission européenne datait de 2000, et précisé que son rapport écrit présenterait en détail l'historique de son examen depuis lors, il a indiqué que la dernière version de ce texte, présentée en juillet 2005, était celle ayant fait l'objet de la proposition de résolution de M. Roland Ries et devant être discutée les 8 et 9 juin prochain lors d'une réunion du Conseil « Transports ».

Abordant ensuite le contenu de la proposition de règlement, M. Charles Revet, rapporteur, a relevé que son texte prévoyait tout d'abord que, pour la fourniture de services d'intérêt général de transports publics terrestres de voyageurs, les autorités compétentes seraient autorisées à compenser les opérateurs de transport des coûts supportés pour respecter les obligations de service public et à accorder des droits exclusifs pour l'exploitation, c'est-à-dire à interdire le développement de services privés de transports collectifs concurrents. Ajoutant qu'alors, l'autorité serait contrainte de passer avec l'opérateur retenu un contrat de service public devant répondre à un certain nombre de prescriptions fixées par le règlement communautaire en matière de transparence du calcul des compensations ainsi que de durée, il a précisé que cette durée était fixée à huit ans au maximum pour les services d'autobus et à quinze ans pour les services de transports par rail ou pour les services multimodaux, sachant que ces durées maximales étaient susceptibles d'être augmentées de 50 % pour tenir compte des conditions d'amortissement des actifs.

Puis il a souligné que les contrats pourraient être attribués directement à un opérateur interne, c'est-à-dire une entreprise complètement contrôlée par l'autorité compétente et n'exerçant son activité que dans le territoire géographique de celle-ci, ainsi que dans trois autres circonstances : quand leur valeur annuelle moyenne serait estimée à moins d'un million d'euros, en cas d'urgence, ou enfin lorsqu'ils porteraient sur du transport régional ou de longue distance par chemin de fer. Il a ajouté que, dans tous les autres cas, les contrats devraient être attribués par appel d'offres équitable, transparent et non discriminatoire.

Enfin, il a précisé que, pour mettre en oeuvre le règlement, était instituée une période transitoire, fixée à huit ans pour les autobus et à dix ans pour les transports par rail, sachant que la moitié des contrats de service public de chaque catégorie devrait être attribuée au bout de la première moitié de la période et que, durant la seconde moitié de celle-ci, les autorités pourraient exclure de leurs appels d'offres les opérateurs dont plus de la moitié de l'activité ne résulterait pas des nouvelles dispositions du règlement.

Puis présentant à ses collègues la proposition de résolution de la délégation pour l'Union européenne, M. Charles Revet, rapporteur, a observé que, tout en approuvant le principe et la plupart des dispositions du texte communautaire, celle-ci émettait certaines réserves et demandait au Gouvernement de favoriser l'adoption de diverses améliorations.

Pour ce qui concerne les réserves, il a indiqué que, estimant que la durée maximale des contrats, susceptible d'atteindre douze ans pour les autobus et vingt-deux ans et demi pour le rail, pourrait s'avérer insuffisante dans le cas d'investissements lourds nécessitant de longues périodes d'amortissement, la délégation avait demandé qu'en application du principe de subsidiarité, la fixation de cette durée relève directement des collectivités territoriales organisatrices. Il a précisé qu'elle avait fait une demande similaire s'agissant de la définition de la notion de transport régional, qui devrait relever des Etats membres afin d'éviter divers problèmes d'application pour les services ferroviaires urbains et périurbains, et, observant que la scission en deux étapes de la période de transition risquait d'obliger à segmenter des réseaux jusque-là cohérents, qu'elle avait proposé que la première période soit simplement consacrée à la mise en conformité juridique de la totalité des contrats.

Quant aux améliorations à apporter, M. Charles Revet, rapporteur, a relevé que la délégation avait demandé :

- en premier lieu, que la notion d'opérateur interne soit précisée afin d'être compatible avec le statut des sociétés d'économie mixte, sociétés qui, en l'état, ne rentraient pas dans la définition communautaire de l'opérateur interne imposant que l'autorité compétente exerce sur celui-ci un « contrôle complet » puisqu'au terme de la législation française, elles ne pouvaient être détenues à plus de 85 % par des personnes publiques ;

- en deuxième lieu, que l'obligation de cantonnement géographique de l'opérateur interne dans le territoire de l'autorité soit assouplie afin de permettre l'exploitation de certaines parties de ligne, qualifiées de « lignes sortantes », qui pouvaient être essentielles à la cohérence du réseau ;

- en dernier lieu, que le règlement couvre aussi les transports fluviaux et maritimes, qui pouvaient être parfois partie intégrante des réseaux de transport urbain ou périurbain, d'autant que la première version du texte de la Commission européenne concernait bien les transports par voie navigable.

a ensuite présenté à ses collègues la proposition de résolution qu'il soumettait à leur approbation.

Tout en leur proposant d'approuver le principe et les grandes lignes de la proposition de résolution de la délégation pour l'Union européenne, dont il a souligné que son rapporteur, M. Roland Ries, avait parfaitement su cerner les enjeux de la proposition de règlement révisée et soulever les difficultés que son texte, bien que profondément amélioré par rapport à sa version initiale et devenu très largement satisfaisant, pouvaient encore poser, il a indiqué que les quelques précisions et compléments qu'il suggérait d'apporter le conduisaient à présenter une proposition de résolution dont l'architecture formelle était substantiellement différente de celle de la délégation.

Ainsi, il a jugé essentiel de manifester clairement, de manière liminaire, la satisfaction du Sénat quant au fait que, dans son principe, le futur règlement communautaire étende à l'ensemble de l'Union européenne le modèle français de gestion des services publics locaux de transports terrestres de voyageurs, qui a fait ses preuves depuis des décennies. A cet égard, il a relevé que cette mention permettait notamment de faire figurer dans le texte l'importante notion de « concurrence régulée » et de souligner l'intérêt qu'elle présentait pour les trois catégories d'acteurs concernés :

- les usagers, dont le rappel de leurs droits au bénéfice des transports publics permettait de reprendre le considérant de la délégation pour l'Union européenne relatif à la légitimité des compensations de service public ;

- les collectivités territoriales, la formule de la délégation étant au demeurant complétée par une mention importante portant sur la multimodalité ;

- les opérateurs, la reprise des termes de la délégation étant là aussi complétée par une référence à la possible mixité du capital afin, en particulier, de viser les sociétés d'économie mixte.

Puis M. Charles Revet, rapporteur, a proposé de suggérer au Gouvernement, comme l'avait fait M. Roland Ries, de se montrer favorable à l'adoption rapide du texte proposé par la Commission européenne, tout en apportant dans le texte de la proposition de résolution des précisions destinées à :

- rappeler que l'objectif principal de la réforme était de rendre plus sûr le cadre juridique communautaire ;

- prendre acte de l'un de ses aspects les plus importants, c'est-à-dire la fixation, au regard notamment de la jurisprudence communautaire, de règles précises concernant le financement des obligations de service public ;

- souligner l'opportunité de cette sécurisation pour le développement du secteur, cette notion de développement étant entendue non seulement par opposition au transport individuel par voiture dans une perspective de développement durable et de désengorgement des réseaux, mais aussi dans une optique économique, M. Charles Revet, rapporteur, observant qu'avec Connex, Transdev ou encore Eolis ou la RATP, la France disposait en effet de champions nationaux des transports urbains ayant tout intérêt à l'ouverture du secteur à la concurrence et à son essor au niveau communautaire.

a ensuite abordé les trois séries d'améliorations qu'il lui semblait opportun de demander au Gouvernement de susciter.

Sous le chapitre d'une meilleure prise en compte du principe de subsidiarité, il a suggéré de placer la fixation de la durée des contrats, sans limite maximale, par les collectivités territoriales, comme le recommandait la délégation, tout en ajoutant au texte de celle-ci une référence aux projets réalisés sous forme concessive ou sous celle de partenariat public-privé, qui sont les plus susceptibles d'être concernés par une durée excédant vingt ans, voire trente ans. Il a également proposé de reprendre la demande de M. Roland Ries consistant à laisser à l'appréciation des Etats membres la définition du transport ferroviaire régional, observant que cela ne conditionnait pas seulement la possibilité d'attribution directe des lignes concernées, mais aussi, plus largement, le traitement approprié, équitable et efficace, des services ferroviaires urbains et périurbains, dans la mesure où cela garantissait l'absence de solution de continuité dans les réseaux des grandes conurbations.

Dans la deuxième série de demandes, qui porte sur des modifications relatives au champ d'application du règlement et sur la définition de certaines des notions qu'il utilise, M. Charles Revet, rapporteur, a placé celle de la délégation relative à l'élargissement du champ de la directive aux transports de voyageurs par voie navigable, à laquelle il a ajouté, estimant que les choses n'étaient pas suffisamment explicites dans le texte de la Commission européenne, une demande de clarification de l'articulation entre le règlement et les directives « marchés publics » afin de définir précisément le régime adapté applicable aux différents types de contrats.

S'agissant des définitions, il a exprimé son inquiétude, identique à celle de la délégation pour l'Union européenne, quant à l'avenir des sociétés d'économie mixte dans le nouveau cadre réglementaire. Après avoir indiqué qu'il était naturellement favorable à ce qu'elles soient confrontées à la concurrence, il a relevé qu'avec le texte de la Commission européenne, les collectivités ne pourraient toutefois plus faire appel à elles pour l'attribution directe de marchés et seraient obligées d'en passer par des régies, dont l'expérience a démontré qu'elles ne constituaient pas toujours le système le plus efficace. Aussi, tout en estimant nécessaire de mener prochainement une nouvelle réflexion sur le statut des sociétés d'économie mixte, il a jugé important, en attendant, que le Gouvernement obtienne une modification de la notion d'opérateur interne définie par le règlement de manière à la rendre compatible avec la variété des organisations institutionnelles locales, et notamment le statut des sociétés d'économie mixte. Il a par ailleurs proposé de reprendre l'opportune demande de M. Roland Ries concernant l'assouplissement du principe de spécialisation géographique pour permettre l'inclusion de certaines « lignes sortantes » dans le périmètre territorial du service.

Abordant enfin la troisième série de demandes, qui suggère des aménagements au mécanisme de la période de transition, M. Charles Revet, rapporteur, a observé qu'au contraire des précédentes, elle se distinguait plus nettement des propositions de la délégation pour l'Union européenne.

Craignant tout d'abord que la suggestion de celle-ci tendant à ne rendre obligatoire à mi-parcours de la période de transition que la mise en conformité de la totalité des contrats de service public soit elle-même très délicate à mettre en oeuvre matériellement, d'autant que le contenu exact de la notion de mise en conformité était lui-même imprécis, il a proposé de demander directement la suppression de l'étape intermédiaire afin, en particulier, de ne pas pénaliser les autorités ayant opté pour un contrat multimodal unique. Considérant ensuite, contrairement à l'affirmation de la délégation, que la clause de réciprocité n'était pas équitable en ce qu'elle créait, pour l'accès au marché, une discrimination entre les entreprises fondée sur des décisions qui ne leur appartenaient pas, puisqu'elles relevaient des collectivités territoriales, il a proposé la suppression de cette clause afin d'éviter que certains opérateurs soient pénalisés par des décisions quasi régaliennes. Il a enfin estimé nécessaire, pour assurer la stabilité juridique des contrats passés dans ce secteur très capitalistique, qui requiert des investissements importants, d'élargir les situations dans lesquelles les contrats attribués sans mise en concurrence avant l'entrée en vigueur du règlement pourraient être poursuivis jusqu'au terme de leur échéance, dès lors que leur durée ne serait pas incompatible avec celles dudit règlement.

Pour conclure, M. Charles Revet, rapporteur, a précisé qu'il ne proposait pas de conserver les mentions de la proposition de résolution de la délégation pour l'Union européenne portant sur deux points résiduels :

- la première, relative au fait que le droit communautaire n'impose aucune privatisation, parce qu'en faisant référence à un considérant non normatif du règlement, elle ne paraissait pas pertinente pour le Gouvernement dans le cadre de sa négociation en juin prochain, d'autant qu'il était expressément fait référence, dans la proposition de résolution soumise à l'approbation de la commission, au capital public ou mixte de certains des opérateurs autorisés à se porter candidats à l'attribution d'un marché ;

- la seconde, concernant le souhait du Sénat de voir adoptée une directive-cadre générale sur les services publics avant l'entrée en vigueur de directives sectorielles, dans la mesure où elle apparaissait contradictoire avec la demande faite au Gouvernement de favoriser l'adoption rapide du présent règlement sectoriel relatif aux services publics de transports de voyageurs par chemin de fer et par route.

A la suite de cette présentation, M. Roland Ries a souligné que l'examen des actes communautaires serait sans doute rendu moins ardu si le système français distinguant la loi du règlement était appliqué par les institutions européennes pour laisser au Conseil et au Parlement européen le soin de définir les orientations politiques et renvoyer leur mise en oeuvre pratique à des textes d'application technique hiérarchiquement inférieurs. Il a ensuite confirmé qu'à l'occasion des auditions qu'il avait menées dans le cadre de la préparation de son rapport pour la délégation pour l'Union européenne, tous ses interlocuteurs, qu'ils s'agisse des représentants des collectivités territoriales ou de ceux des opérateurs de transports, étaient convenus de la nécessité d'adopter rapidement la proposition de règlement qui, considérablement améliorée par rapport à sa version initiale de 2000 et sa première révision de 2002, était importante pour favoriser la mise en oeuvre d'un dispositif de concurrence régulée du secteur des transports publics urbains et suburbains dans l'ensemble de l'Union européenne. Puis après avoir rappelé les principales dispositions du texte, il a exprimé la crainte que la suppression de l'étape intermédiaire à l'intérieur de la période de transition ne conduise à retarder l'entrée en vigueur effective des dispositions du règlement, les collectivités pouvant trouver intérêt à ne se soumettre aux nouvelles obligations qu'à la toute fin de la période de transition. Enfin, il a regretté la suppression des mentions de la proposition de résolution de la délégation pour l'Union européenne relatives au fait que le droit communautaire n'imposait aucune privatisation et à la nécessité d'adopter rapidement une directive-cadre sur les services publics.

En réponse, M. Charles Revet, rapporteur, a tout d'abord expliqué que sa proposition de donner, en application du principe de subsidiarité, toute latitude aux collectivités territoriales dans la gestion de leurs contrats de service public pendant la phase de transition ne devrait nullement retarder la mise en oeuvre du règlement dès lors que tous les contrats, dont la durée d'application sera normalement supérieure à celle de la période transitoire, devront bien être conformes aux nouvelles dispositions communautaires à l'issue de celle-ci : ainsi, la suppression de la période intermédiaire aurait comme conséquences d'assouplir et de faciliter la gestion de leurs contrats par les collectivités, et de garantir à celles dont le réseau est couvert par un seul contrat multimodal qu'elle n'auront pas à renoncer à ce choix.

Par ailleurs, il a justifié la suppression de la référence à la non-obligation de privatisation par la double observation que :

- d'une part, la mention de la proposition de résolution de la délégation ne se référait qu'à un considérant de la proposition de règlement de la Commission européenne, et non à son texte même qui, seul, avait un caractère normatif ;

- d'autre part, en tout état de cause, le quatrième alinéa de la proposition de résolution qu'il soumettait à ses collègues mentionnait explicitement la neutralité du capital des opérateurs, qui pouvait être public ou privé, lui-même ayant ajouté à la formule retenue par M. Roland Ries la notion de « mixité » du capital afin de couvrir en particulier les sociétés d'économie mixte.

Enfin, M. Charles Revet, rapporteur, a souligné le danger qu'il y aurait à conclure la proposition de résolution par une disposition réclamant la subordination de la mise en oeuvre des législations sectorielles à l'adoption préalable d'une directive-cadre puisque, au-delà de l'incohérence que cela constituerait au regard de la demande, faite par le même texte au Gouvernement, de favoriser l'adoption rapide d'un règlement sectoriel, une telle mention pourrait être entendue par le Gouvernement comme une « réserve parlementaire » dirimante lui interdisant la poursuite du processus d'examen de la présente proposition de règlement.

A l'issue de ce débat, la commission a adopté sans modification la proposition de résolution présentée par M. Charles Revet, rapporteur, le groupe communiste républicain et citoyen s'abstenant.

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