Rappelant que les applications nucléaires produisaient des déchets, comme toutes les activités humaines, M. Henri Revol, rapporteur, a précisé que la particularité des déchets radioactifs résidait dans l'émission de rayonnements ionisants potentiellement toxiques. Précisant que les déchets radioactifs produits en France représentaient chaque année un kilogramme par habitant, à rapporter aux 200 kilos d'autres déchets industriels toxiques, il a indiqué que 85 % de ces déchets radioactifs étaient issus des différentes étapes de l'industrie électronucléaire, depuis l'extraction de l'uranium de la mine jusqu'à la conservation des déchets ultimes. Sur ce point comme sur d'autres, il a projeté des transparents destinés à faciliter une compréhension plus aisée des éléments techniques.
Puis il a souligné que, seule, une infime partie de déchets radioactifs -représentant moins d'un gramme- posait des problèmes très spécifiques en raison de son niveau de radioactivité et surtout de sa durée de vie, celle-ci pouvant atteindre des milliers, voire des centaines de milliers d'années.
Précisant que les déchets les plus toxiques étaient précisément ceux pour lesquels la France ne mettait pas encore en oeuvre de solution définitive, c'est-à-dire de solution qui permette de neutraliser les dangers de la radioactivité pendant toute la durée nécessaire, il a expliqué que la France, comme tous les autres pays concernés, s'était retrouvée face à un choix concernant les déchets les plus toxiques :
- ou bien reporter sur les générations futures le soin de trouver des solutions, en particulier grâce aux progrès scientifiques à venir ;
- ou bien décider tout de suite d'un stockage, c'est-à-dire d'un système de conservation définitif.
Rappelant que cette question avait été débattue et tranchée par le Parlement en 1991, à l'occasion de l'examen de la loi dite « Bataille », il a indiqué que cette dernière proposait de mener pendant 15 ans des recherches selon trois axes complémentaires :
- tout d'abord, la séparation et la transmutation des déchets radioactifs ;
- ensuite, le stockage en couche géologique profonde, dont il a souligné qu'il s'agissait d'une solution définitive ;
- et enfin, le conditionnement et l'entreposage de longue durée, c'est-à-dire la conservation dans les meilleures conditions possibles des déchets avant que ne leur soit appliquée une solution définitive.
Remarquant que la loi de 1991 ne s'était pas contentée de fixer trois axes de recherche, mais avait également mis en place un dispositif d'évaluation et de suivi en continu associant l'Office parlementaire des choix scientifiques et technologiques (OPECST) et une commission nationale d'évaluation indépendante composée de scientifiques français et étrangers de très haut niveau, il a précisé qu'était prévu, au terme de ce processus, un nouveau rendez-vous législatif en 2006 auquel chaque parlementaire était convié. Notant que les recherches menées pendant quinze ans avaient mobilisé plus de 2,5 milliards d'euros, financées pour l'essentiel par les producteurs de déchets, il s'est réjoui de ce qu'elles aient abouti à des résultats permettant aujourd'hui de confirmer les trois axes de la loi « Bataille ».
Pour le premier de ces axes, il a souligné la faisabilité expérimentale de la séparation et de la transmutation d'une grande part des actinides mineurs, qui sont les éléments les plus radioactifs, tout en relevant que la mise en oeuvre industrielle de ce procédé devrait toutefois attendre l'entrée en service des réacteurs nucléaires dits de quatrième génération, à l'horizon 2040.
Concernant le stockage, il a fait valoir que la création en 2000 du laboratoire de Bure, situé à la limite de la Meuse et de la Haute-Marne, avait permis à l'Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (ANDRA), et à la commission nationale d'évaluation de valider en 2005 le principe du stockage en couche géologique profonde dans l'argilite de ce site.
Enfin, pour l'entreposage de longue durée, qui porte sur des recherches moins lourdes, il a précisé que seules les questions encore à l'étude concernaient l'ingénierie et la construction concrète des centres.
Insistant sur le caractère exemplaire de l'ensemble de la démarche menée sur la base de la loi de 1991, il a estimé que le principe d'un choix parlementaire sur les recherches à mener et les solutions à long terme constituait un modèle de transparence et de démocratie très observé à l'étranger. Rappelant que la loi « Bataille » avait été adoptée à l'unanimité, il a jugé que le présent projet de loi proposant d'honorer le rendez-vous législatif fixé en 2006, qui comprend trois titres et 25 articles, dont 6 avaient été ajoutés par l'Assemblée nationale en première lecture, devrait faire l'objet d'un relatif consensus.
Il a ainsi fait valoir que ce texte prolongeait la démarche initiée par la loi « Bataille » en précisant les dates auxquelles les différentes solutions pourraient entrer en vigueur sur le fondement des études déjà réalisées ou restant à mener. Il a observé que c'était des perspectives industrielles liées aux recherches sur la quatrième génération que dépendraient la réalisation de la séparation et la transmutation. Il a souligné qu'il était prévu, pour le stockage en couche géologique profonde, de réunir en 2015 tous les éléments nécessaires à une autorisation. Il a aussi indiqué que l'échéance de mise en fonctionnement du centre éventuel était fixée à 2025, ce qu'il a jugé parfaitement compatible avec le calendrier de production des déchets à haute activité et à vie longue issus du cycle nucléaire français ainsi que du démantèlement des centrales.
Il a par ailleurs estimé que ce texte était ambitieux, dans la mesure où il permettait deux progrès essentiels dans des domaines non couverts par la loi de 1991, à savoir :
- d'une part, une véritable politique de gestion nationale pour l'ensemble des déchets, mais aussi pour les matières radioactives, c'est-à-dire toutes les substances, valorisables ou non, en instituant un plan national de gestion des déchets radioactifs, demandé depuis plusieurs années par l'OPECST et par les associations ;
- d'autre part, un cadre législatif pour le démantèlement des installations nucléaires, et en particulier la question des provisions financières totalement sécurisées constituées par les exploitants pour que le montant de 68 milliards d'euros aujourd'hui jugé nécessaire par la Cour des comptes soit disponible le jour où il devra être mobilisé. A cet égard, il a souhaité que le Parlement participe très activement au contrôle de ces provisions financières et de leur « sanctuarisation » dans les comptes des entreprises.
Enfin, indiquant que le texte renforçait l'accompagnement des territoires concernés par un éventuel centre de stockage, il a précisé qu'à la différence de 1991, la perspective d'un centre de stockage concernait aujourd'hui la seule zone de Bure. Il a ajouté que le projet de loi renforçait les groupements d'intérêt public de développement local déjà créés, impliquait davantage les industriels du nucléaire dans des projets locaux et assurait le statut de la structure locale de concertation et d'information des élus et des populations.
Puis abordant les modifications adoptées par l'Assemblée nationale, il a insisté sur le principe de réversibilité du stockage pendant au moins cent ans, qui consiste en la possibilité, pour les générations futures, de choisir à l'issue de cette période entre trois options :
- la sortie des colis de déchets du centre en vue de les stocker ailleurs ou de les traiter avec des méthodes que la science aurait découvertes entre temps ;
- la fermeture définitive du site ;
- et, enfin, une éventuelle prolongation de la période de réversibilité.
Annonçant qu'il allait présenter trente-cinq amendements, il a indiqué que si une grande partie d'entre eux était d'ordre apparemment rédactionnel, il convenait de relever qu'en matière de déchets nucléaires, chaque mot comptait, comme en témoignait le harcèlement contentieux dont l'usine de traitement de La Hague était l'objet de la part d'associations anti-nucléaires. Quant aux amendements de fond, il a souhaité attirer l'attention sur celui donnant compétence au Parlement pour bloquer ou permettre l'autorisation d'un centre de stockage en couche géologique profonde, laquelle devrait intervenir en 2015.
Enfin, après s'être félicité que les parlementaires aient obtenu l'engagement que le Gouvernement n'utiliserait pas la procédure d'urgence ayant été déclarée sur le texte, il a conclu en soulignant que le projet de loi sur les déchets radioactifs était parfaitement complémentaire de celui sur la transparence et la sécurité en matière nucléaire (TSN). A cet égard, il a fait valoir que le droit nucléaire français, malgré ses grandes qualités, souffrait traditionnellement de deux lacunes portant, d'une part, sur l'absence d'un cadre législatif transparent et, d'autre part, sur la gestion de l'aval du cycle, c'est-à-dire des déchets et du démantèlement des centrales. Il a estimé que les deux textes complémentaires proposés cette année permettaient d'y remédier, confortant ainsi le pacte de confiance entre les Français et le nucléaire dans la perspective d'un développement nouveau de cette énergie dans les années et les décennies à venir.