Intervention de Marie-Jeanne Philippe

Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes — Réunion du 30 avril 2008 : 1ère réunion
Orientation et insertion professionnelles — Audition de Mme Marie-Jeanne Philippe recteur de l'académie de besançon présidente du comité de pilotage de la convention pour l'égalité entre les femmes et les hommes dans le système éducatif

Marie-Jeanne Philippe :

Evoquant sa formation, Mme Marie-Jeanne Philippe a indiqué qu'elle avait suivi des études scientifiques qui l'avaient conduite à soutenir deux thèses de doctorat, en physique et en chimie, puis à se spécialiser en métallurgie, remarquant qu'elle avait eu la chance de pouvoir librement suivre cette voie sans être confrontée aux entraves qui dissuadent souvent les femmes de choisir ce type d'orientation.

Elle a souhaité que le comité de pilotage de la convention pour l'égalité entre les femmes et les hommes dans le système éducatif, dont elle est ravie d'assurer la présidence, puisse tenir sa première réunion prochainement, de façon à coordonner l'action des huit ministères signataires de la convention, et à relancer une démarche administrative qui s'était interrompue. Elle a insisté sur la richesse de cette convention, estimant qu'elle contenait bien tous les éléments de nature à faire bouger les lignes.

S'appuyant sur son expérience de recteur, elle a estimé qu'un conditionnement différent des filles et des garçons s'effectuait dès le plus jeune âge, sans que les enseignants en soient nécessairement conscients. Elle a cité le cas, pour illustrer son propos, d'une école maternelle où une maîtresse n'avait pas perçu spontanément la dimension discriminatoire d'une pratique qui conduisait les petits garçons à se tourner vers l'atelier « train électrique » et les filles vers l'atelier « cuisine ». Elle a insisté sur les efforts que devait donc, consciemment, effectuer le système éducatif, pour gommer cette image sexuée des rôles.

Tout en relevant que les filles avaient, dans l'ensemble, de meilleurs résultats scolaires que les garçons, ce qui les conduisait à accéder dans une plus forte proportion que les garçons en classe de seconde, Mme Marie-Jeanne Philippe a déploré qu'elles semblent cependant moins confiantes en elles-mêmes et dans leurs capacités de réussite. Cette moindre confiance en soi lui a paru pouvoir s'expliquer notamment par une forme de conditionnement dont les enseignants ne sont pas eux-mêmes conscients, et qui les conduit, par exemple à interroger oralement les garçons plus souvent que les filles, particulièrement dès qu'il s'agit de matières scientifiques, et d'une façon générale, d'ailleurs, à encourager plus volontiers la prise de parole de ces derniers qui demandent plus souvent et plus facilement la parole.

Elle a donc jugé nécessaire d'effectuer un premier travail sur la représentation que les filles se font de leur propre réussite, considérant que cette représentation était à l'origine de leur sentiment de n'être pas aussi « bonnes » que ne l'indiquent leurs résultats scolaires.

Elle s'est appuyée sur les conclusions d'une étude réalisée par M. Jean-Marc Monteil, puis développée par un laboratoire de sociologie de l'Université de Marseille, qui a montré, expériences à l'appui, que les groupes d'élèves, placés en situation de stress, tendaient à obtenir des résultats plus conformes à la catégorie à laquelle ils pensaient appartenir qu'à leurs compétences réelles. Ainsi, confrontés à des exercices de restitution de figures et d'images, des groupes témoins d'élèves de niveaux scolaires différents obtenaient des résultats disparates, si on leur présentait ces exercices comme relevant de la géométrie, ou, au contraire, très comparables, si on ne les leur présentait que comme du dessin. Des expériences analogues, réalisées avec des groupes similaires de filles et de garçons, montrent que les garçons réussissent mieux que les filles ce type d'épreuves en mathématiques en situation de compétition, alors que dans un contexte dépourvu de tout enjeu, filles et garçons obtiennent des résultats similaires.

a estimé qu'il convenait de dénouer ce type de conditionnement si l'on voulait que les filles, qui réussissent dans l'ensemble mieux au baccalauréat que les garçons, surmontent leur réticence à s'engager dans des carrières scientifiques et des fonctions de direction.

Elle a également invité à ne pas sous-estimer les freins qui pouvaient exister à l'entrée dans la vie active, du fait des réticences de certains milieux professionnels, jusqu'alors très masculinisés, à confier des responsabilités d'encadrement à de jeunes diplômées, auxquelles s'ajoutent parfois des réticences des intéressées elles-mêmes, faute d'une confiance en soi suffisante.

Elle a estimé que la lutte contre les blocages qui s'installent dans le cours des études passait par une formation particulière des enseignants et a souhaité que des modules de formation adaptés, qui existent déjà dans certains instituts universitaires de formation des maîtres (IUFM), soient à l'avenir généralisés dans la totalité de ces établissements.

Elle a jugé qu'il convenait, en particulier, de rendre les enseignants plus attentifs à la façon dont ils conduisaient les interrogations orales, de façon à lutter contre l'appréhension qu'éprouvent généralement les filles, plus réservées que les garçons, face à la prise de parole. Elle a considéré que cette réticence des femmes à prendre la parole se retrouvait ensuite dans leur vie professionnelle.

a ensuite tracé un bilan nuancé de l'orientation scolaire actuelle des filles et des garçons.

Evoquant tout d'abord les filières générales, elle a estimé que le déséquilibre relatif entre filles et garçons dans les filières scientifiques s'expliquait principalement par la volonté des garçons de privilégier systématiquement ce type de sections, plutôt que par une désaffection des filles qui y sont normalement représentées. Selon elle, le déséquilibre était en revanche plus prononcé et plus préoccupant dans les filières professionnelles, où les filles privilégient trop souvent des formations conduisant à des emplois tertiaires, en particulier vers les métiers de la santé, du social et du secrétariat, pourtant déjà très encombrés, au détriment de celles qui débouchent sur des emplois industriels, pourtant plus porteurs et mieux rémunérés.

Elle a considéré que cette réticence des filles devant les filières scientifiques se retrouvait au niveau universitaire, phénomène accentué par le fait que les filles tendaient à arrêter leurs études plus tôt que les garçons, et à privilégier des filières courtes et professionnalisantes, et d'une manière générale, faisaient preuve d'une moindre ambition dans la poursuite de leurs études.

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