Intervention de Henri Verdier

Commission de la culture, de l'éducation et de la communication — Réunion du 24 mars 2010 : 1ère réunion
Audition de M. Henri Verdier président de cap digital pôle de compétitivité des contenus numériques

Henri Verdier, président de Cap Digital, pôle de compétitivité des contenus numériques :

a présenté, tout d'abord, le pôle de compétitivité Cap Digital, relais de la politique industrielle française dans le domaine des contenus et des usages numériques. Ce pôle qui permet le développement d'écosystèmes dans ces domaines est co-géré par les acteurs du secteur. Il rassemble environ 30 partenaires publics, 600 petites et moyennes entreprises (PME), 20 grands groupes et 200 laboratoires de recherche issus de 60 établissements publics d'enseignement supérieur et de recherche.

Afin de remplir ses missions de dynamisation de la créativité et de développement de la cohésion au sein de l'écosystème des industries de création, le pôle dispose de quatre leviers de création, à savoir, à due proportion :

- des financements publics en faveur de projets de recherche collaboratifs et structurants (200 projets en 2009 pour 70 millions d'euros de soutien public) ;

- des aides à la croissance des PME, d'autant plus nécessaires que l'Europe ne compte que quatre grandes entreprises de moins de vingt-cinq ans dans ce domaine ;

- la consolidation des écosystèmes, notamment par le biais d'un dialogue entre tous les acteurs ;

- l'insertion dans une dynamique internationale de coopération et de compétition, en particulier avec le Canada.

Puis, M. Henri Verdier a exposé son analyse des mutations en cours de notre société, équivalentes selon lui à celles ayant présidé à la révolution industrielle. Il a évoqué l'accélération des cinq flux d'innovation liés à :

- la recherche ;

- la puissance technologique ;

- l'évolution du monde économique avec la captation de la créativité des écosystèmes, loin donc d'une économie planifiée ;

- l'évolution de la gouvernance, tant des Etats que des entreprises, avec notamment une évolution des technologies du pouvoir, permettant la création de communautés ayant les moyens d'agir (comme pour la campagne du candidat Obama sur Facebook ou Twitter) ;

- l'évolution des aspirations sociales, avec une demande de co-création et d'échanges de pair à pair.

On est aujourd'hui à la recherche d'un modèle différent, nécessitant la collaboration d'acteurs issus de mondes très divers. Puis viendra le temps de la synthèse créative, donnant du sens à ces évolutions. Cette évolution passe par une phase de « destruction créative », caractérisée à la fois par la multiplication de contenus créés par les internautes et le développement d'une industrie de masse, dont la France ne doit pas être absente.

Or, si notre pays dispose d'atouts dans le design et la création ainsi que dans le domaine des infrastructures (éducation, très haut débit, qualité des centres villes, ...), il souffre de faiblesses s'agissant :

- des dispositifs permettant de capter la créativité des individus dans la nouvelle économie fondée sur la contribution des internautes, comme le font Facebook ou Google. C'est pourtant à l'intersection de l'informatique et des contenus numériques que se situe un quart du potentiel de croissance ;

- d'un fonctionnement en « silos » qu'illustre, par exemple, le fossé croissant entre les PME et les grandes entreprises ;

- du risque de rester à l'écart de la création d'évènements et de projets de grande ampleur.

Puis, M. Henri Verdier a relevé que ces défis industriels concernaient désormais le monde de la culture et il a cité la technologie de l'information dématérialisée dite du « cloud computing », avec des centrales de calculs très puissantes, qui dissimulent une hyper-concentration des informations, notamment chez Google. Se pose donc le problème de l'architecture du savoir et de la typologie des techniques d'indexation, qui portent une certaine vision du monde.

De façon paradoxale, si la France s'est historiquement battue en faveur du pluralisme des médias, elle a laissé Google contrôler 60 % du trafic des sites de contenus et se construire des mémoires numériques via les centrales de calculs américaines.

Au-delà de la préoccupation de sauvegarde de notre patrimoine, M. Henri Verdier a insisté sur l'importance de ce défi industriel, qui requiert le développement de filiales industrielles pérennes.

Il a ensuite évoqué un autre défi majeur pour l'avenir, lié à l'accès aux données publiques. A cet égard, les statistiques publiques (qu'elles concernent l'état civil, le cadastre ou la météorologie, par exemple ...) sont trop souvent enfermées dans des « silos administratifs », chacun souhaitant exploiter ses propres données.

a souligné à la fois la puissance de l'écosystème francilien (avec 180 000 entreprises, 400 000 emplois et 8 % des chercheurs) et l'excellent niveau mondial des aides françaises à la création et à l'innovation, dont on peut en revanche regretter la lenteur dans l'attribution et la complexité.

Il a ensuite jugé nécessaire de trouver des modèles permettant d'asseoir le préfinancement de la création sur les recettes, alors que celles-ci reposent aujourd'hui sur le préachat par les distributeurs. Il a aussi évoqué de nécessaires actions à conduire avec le monde de la culture et de l'éducation.

Par comparaison avec le Canada et les Etats-Unis d'Amérique, il a reproché au système éducatif français de ne pas encourager la confiance en soi, l'échec - pas admis dans notre pays - pouvant survenir à tout moment à la suite d'une erreur d'aiguillage sans possibilité de seconde chance.

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