Intervention de Marie Duru-Bellat

Commission de la culture, de l'éducation et de la communication — Réunion du 24 mars 2010 : 1ère réunion
Audition de Mme Marie duRu-bellat sociologue

Marie Duru-Bellat, sociologue de l'éducation :

Ensuite, la commission a procédé à l'audition de Mme Marie Duru-Bellat, sociologue de l'éducation.

A titre liminaire, Mme Marie Duru-Bellat a exposé sa réflexion sur la méritocratie telle qu'elle s'inscrit aujourd'hui dans la société française, à la suite de la parution récente de son essai intitulé « Le mérite contre la justice ». Alors que la plupart de ses travaux sur les inégalités reposent sur des enquêtes de terrain, elle a conduit dans cet ouvrage une réflexion plus politique sur l'idée de mérite, qui fait actuellement l'objet d'un engouement exagéré dans l'univers scolaire. Tout en précisant que ses propos ne devaient pas être entendus comme un rejet de la méritocratie, elle a relevé que la logique méritocratique pouvait aussi servir à justifier les inégalités.

Après avoir rappelé le consensus existant au sein de la société française autour de la méritocratie, elle a évoqué l'application de ce concept à l'univers scolaire. Elle a fait remarquer, tout d'abord, que si l'école fonctionne réellement sur la base du mérite, alors aucune corrélation entre réussite scolaire et origine sociale ne peut être mise en évidence. Or, l'ampleur des inégalités constatées permet d'infirmer ce postulat. Elle a observé ensuite le caractère très précoce des inégalités sociales dans le système scolaire qui ne sont compensées ni par la préscolarisation, ni par l'école primaire, et qui se révèlent relativement importantes au niveau du collège.

Par ailleurs, elle a précisé que les choix scolaires d'option, d'établissement et de filière étaient marqués par l'origine sociale des familles et se répercutaient sur le devenir des enfants. L'accès à des milieux scolaires d'inégale qualité a en effet une influence déterminante sur les chances de réussite scolaire des enfants et constitue un facteur d'accentuation des inégalités sociales. Elle a précisé que l'efficacité pédagogique, particulièrement à l'égard des enfants de milieux populaires, est un facteur identifié d'amélioration des résultats scolaires des élèves, quel que soit leur mérite individuel.

a ensuite critiqué la portée des dispositifs d'égalité des chances à l'issue du baccalauréat pour permettre l'accès de tous aux grandes écoles. Elle a considéré que ces mesures reposaient sur des postulats discutables, à savoir la capacité et le souhait de tous les enfants d'accéder aux grandes écoles. Sans remettre en cause les correctifs nécessaires pour que chaque enfant puisse réaliser ses projets, elle a souligné le déni de la société française face à l'ampleur des inégalités sociales, alors que les différences de niveau scolaire qui en résultent sont détectables dès les premières étapes de la scolarité. Elle a noté le caractère marginal des dispositifs d'égalité des chances qui interviennent très tardivement dans le système scolaire.

S'interrogeant sur la viabilité d'un système purement méritocratique, elle a considéré qu'un tel choix conduirait à privilégier la seule fonction de sélection au détriment de la fonction d'éducation qui incombe à l'école et à marginaliser une part importante de la population scolaire. Elle a jugé aussi que la seule réussite scolaire ne permettait pas d'appréhender toutes les qualités de l'enfant.

Elle a estimé, en conclusion, que, sans récuser l'importance du mérite individuel, il fallait le rééquilibrer par d'autres principes de justice sociale.

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