Intervention de Odette Terrade

Commission des affaires économiques — Réunion du 14 novembre 2007 : 1ère réunion
Pjlf pour 2008 — Mission « pilotage de l'économie française » - examen du rapport pour avis

Photo de Odette TerradeOdette Terrade, rapporteur pour avis :

a indiqué que la mission « Pilotage de l'économie française » ne présentait pas de gros enjeux budgétaires en tant que tels, puisque sur les 841 millions d'euros dont elle est dotée pour 2008, 70 % sont des crédits de personnel, le reste portant essentiellement sur des crédits de fonctionnement. En revanche, a-t-elle estimé, elle soulève des questions cruciales s'agissant des outils de pilotage de l'économie française, puisque la moitié de ses crédits concerne le financement de l'Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE), qui se trouve cette année au coeur de plusieurs débats importants, l'autre moitié concernant les personnels de la direction du Trésor, en charge, notamment, de l'élaboration de la prévision de croissance.

a ensuite précisé que le premier programme de la mission, intitulé « Statistiques et études économiques », regroupait les crédits relatifs aux 6.131 équivalents temps plein travaillés de l'INSEE, ce qui représente 84 % des 448 millions d'euros du programme et a observé que cette direction avait été marquée, récemment, par plusieurs débats largement relayés par la presse. S'agissant du premier d'entre eux (l'indice des prix), elle a relevé que la commission s'en était largement fait l'écho l'an dernier et jugé que, depuis, les points principaux expliquant le décalage entre l'indice des prix et la perception des Français avaient été identifiés. Le premier point est l'insuffisante prise en compte des dépenses liées au logement : les achats immobiliers, considérés comme de l'investissement, ne sont pas pris en compte dans l'indice en tant que tels alors qu'ils pèsent durant de longues années sur le budget des ménages. Le deuxième point concerne les « dépenses contraintes », qui ont fortement augmenté et comprennent par exemple les assurances et les abonnements divers : l'INSEE a montré que le poids de ces dépenses avait fortement crû ces dernières années et était particulièrement élevé pour les plus bas revenus. Le troisième point porte sur l'hétérogénéité des structures de consommation suivant les ménages : l'INSEE a publié, pour la période 1996-2006, des indices de prix catégoriels, qui révèlent qu'il y a eu une plus forte inflation pour les ménages pauvres et les ménages ruraux. Enfin, le quatrième point est « l'effet qualité » : quand le prix d'un produit augmente du fait de son amélioration, cette hausse n'est pas prise en compte dans l'indice, alors même que pour les ménages, qui n'ont plus le choix d'acheter un produit moins cher, il s'agit bien d'une amputation supplémentaire de leur budget.

a expliqué que la ministre de l'économie, des finances et de l'emploi, Mme Christine Lagarde, avait annoncé la constitution d'une commission consacrée à la mesure du pouvoir d'achat, qui proposera de nouveaux indicateurs pouvant être publiés dans le courant de l'année 2008. Celle-ci devrait notamment aboutir à une définition consensuelle des dépenses contraintes et mettre au point des indicateurs distinguant l'évolution du coût de la vie pour les locataires et pour les propriétaires.

a estimé que la commission pouvait se féliciter de cette prise de conscience, mais a regretté que, d'après les informations lui ayant été communiquées, il n'était pas envisagé de modifier l'indice des prix lui-même. Elle a relevé à ce sujet que cet indice, qui reflète mal l'évolution réelle de l'inflation pour les ménages les plus pauvres, servait aujourd'hui, par exemple, à calculer l'augmentation du SMIC. Elle a jugé opportun, en conséquence, d'engager une réflexion afin que l'inflation subie soit réellement prise en compte dans le pilotage des politiques économiques et sociales.

Abordant ensuite le deuxième débat ayant concerné l'INSEE cette année, elle a rappelé le report, par l'institut, au mois de mars, de la publication du chiffre du chômage 2006. A l'époque, selon les données fournies par l'Agence nationale pour l'emploi (ANPE), le chômage 2006 se situait aux alentours de 9,1 %, c'est-à-dire en nette baisse par rapport à 2005. Or les résultats de l'enquête Emploi effectuée par l'INSEE, qui ont été disponibles en mars, étaient divergents, puisque le taux de chômage 2006 s'établissait, selon cette enquête, plutôt aux alentours de 9,8 %. Mme Odette Terrade, rapporteur pour avis, a indiqué que ce débat montrait qu'il était difficile d'évaluer l'ampleur de la baisse du chômage depuis deux ans et qu'une réflexion avait été engagée à ce sujet, au sein du Conseil de la statistique, afin d'améliorer les outils de suivi du chômage. Observant que l'INSEE venait de publier le taux de chômage 2006 et avait, à cette occasion, modifié assez profondément sa méthode de calcul, aboutissant ainsi à réduire le taux de chômage de 0,9 point, elle a regretté que l'institut n'ait pas attendu les conclusions de la mission confiée au Conseil national de la statistique avant de modifier ses méthodes de calcul.

a ensuite indiqué que les résultats de l'enquête Emploi étaient marqués par une marge d'imprécision que, seul, un doublement de la taille de l'échantillon interrogé pourrait réduire. Elle a relevé que ce doublement nécessiterait une augmentation des moyens de l'INSEE, notamment en personnels.

Abordant le troisième sujet de débat, relatif à l'indépendance de l'INSEE, elle a précisé que le code de bonnes pratiques de la statistique européenne, promulgué en 2005, prévoit que l'indépendance de l'autorité statistique est inscrite dans le droit, la France étant l'un des rares pays européens où tel n'est pas le cas. Observant qu'une réflexion était en cours à l'INSEE sur ce sujet, elle a jugé souhaitable qu'au-delà de l'inscription, formelle, de son indépendance dans une loi, celle-ci soit garantie, en pratique, par la création d'un Haut conseil composé de personnalités qualifiées et indépendantes. En tout état de cause, elle a souligné qu'il serait très préjudiciable de transformer l'INSEE en établissement public ou en agence, le statut public des administrateurs de l'institut garantissant à la fois leur indépendance, leur très grande compétence, leur polyvalence et leur rôle de coordinateur de l'ensemble des statistiques produites par les différents ministères.

a ensuite présenté le deuxième programme de la mission, doté de 392,7 millions d'euros, qui regroupe notamment les crédits des personnels de la direction générale du Trésor. Ce programme a subi directement les conséquences des modifications intervenues au mois de mai dans les structures ministérielles, puisque la politique économique et la politique de l'emploi ont été regroupées sous l'autorité d'un même ministère. Conséquence de ce changement, le programme « Politique économique et de l'emploi » comprend désormais les moyens de fonctionnement de la Direction générale du trésor et ceux de la Délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle auparavant rattachés au ministère de l'emploi. Ce regroupement a pour objectif affiché de faciliter la fluidité des personnels entre l'économie et l'emploi, mais présente toutefois comme inconvénient de déconnecter totalement, au niveau budgétaire, les personnels en charge de la politique de l'emploi des crédits d'intervention en faveur de l'emploi, qui sont restés dans la mission « Travail et emploi ». En outre, ce changement s'est effectué dans une certaine précipitation, ce qui explique sans doute que le programme ne comporte aucun objectif ni aucun indicateur de performance relatif à la politique de l'emploi.

En conclusion, Mme Odette Terrade, rapporteur pour avis, a indiqué que les crédits de la mission étaient globalement stables dans le budget 2008, mais que les récents débats sur le chiffre du chômage et sur l'indice des prix attestaient du besoin croissant de statistiques, y compris au niveau local, et qu'on pouvait en conséquence s'interroger sur l'opportunité d'une réduction mécanique d'année en année des effectifs de l'INSEE. Sous le bénéfice de ces observations, elle a proposé à la commission d'adopter un avis d'abstention sur les crédits de cette mission.

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