Intervention de Sophie Boissard

Mission commune d'information sur le fonctionnement des dispositifs de formation professionnelle — Réunion du 28 mars 2007 : 1ère réunion
Audition de Mme Sophie Boissard directrice générale du centre d'analyse stratégique

Sophie Boissard, directrice générale du Centre d'analyse stratégique :

a d'abord souligné que la formation professionnelle continue est une des clés de la capacité à modifier la structure du marché du travail, dont l'évolution est un des thèmes principaux des travaux menés par le Centre d'analyse stratégique. Elle a indiqué que ses observations s'appuient notamment sur les projections effectuées au sein du groupe de travail interministériel « Prospective des métiers et des qualifications ».

En s'y référant, elle a présenté les hypothèses d'évolution du marché du travail permettant de construire les politiques publiques adaptées. Ainsi, une phase de bouleversement inédit est en cours : avec 6 millions de cessations d'activité d'ici à 2015, si la dynamique de création d'emplois reste celle des dix dernières années, 7,5 millions d'emplois vont changer de main, ce qui correspond à plus du tiers des emplois salariés. L'adaptation du marché du travail dépend dès lors de la capacité d'orientation des flux d'individus entrant sur le marché du travail vers les emplois disponibles les plus productifs. Ainsi, du fait de la tertiarisation de l'économie, les créations d'emploi vont être concentrées, d'une part sur les emplois de cadres et de techniciens dans les services à l'industrie, d'autre part sur les employés non qualifiés dans les services à l'industrie et les services à la personne.

Concernant le diagnostic des besoins en formation, Mme Sophie Boissard a indiqué que la projection macroéconomique du Centre d'analyse stratégique a été réalisée en association avec l'ensemble des parties prenantes au niveau national. Il est, toutefois, plus difficile de tirer les conséquences précises des diagnostics émis au niveau territorial en termes de qualification. Elle a donc préconisé une démarche macroéconomique conduite au niveau régional, la région détenant 70 % des compétences dans le domaine de la formation. Elle a considéré qu'il n'est pas raisonnable de fonder le diagnostic à un échelon inférieur, notamment celui du bassin d'emploi et de superposer ainsi des acteurs ayant des assises territoriales différentes. L'outil reste cependant à construire au niveau régional.

S'agissant de la formation des salariés à mi-carrière, Mme Sophie Boissard a cité l'exemple d'une opération de reconversion réussie dans un grand groupe du secteur de l'assurance. Du fait de l'automatisation des activités de « back office », des employés âgés de quarante à cinquante ans ont pu ainsi se reconvertir vers des activités de « front office » nécessitant des compétences différentes. Cette réussite s'explique, certes, par les moyens internes d'un groupe appartenant à un secteur florissant, mais aussi par la sensibilisation des syndicats à la nécessité de formation professionnelle. La motivation des salariés a donc été un levier de réussite pour ces requalifications, contrairement à la validation des acquis de l'expérience qui n'a pas été, en l'occurrence, un sujet porteur.

Si ce type d'opération interne est exemplaire, la reconversion au sein des petites et moyennes entreprises (PME) soulève des difficultés majeures. En cas de reconversion dans une même branche, les PME ne sont pas en mesure de connaître les besoins en qualification à moyen terme et ne disposent pas du soutien logistique nécessaire. Dans le secteur de la métallurgie par exemple, certaines activités de fonderie tendent à disparaître au profit de la fonderie haut de gamme, sans que les PME du secteur soient capables d'évaluer les besoins en qualification sur un horizon de cinq à dix ans. En cas de reconversion vers une autre branche, la spécialisation des qualifications peut aussi être un handicap. A partir de ce constat, il semble nécessaire de concentrer le financement de la formation professionnelle continue vers les PME, notamment dans les secteurs ne pouvant pas s'auto-organiser.

a ensuite confirmé l'analyse selon laquelle le scénario traditionnel d'une phase d'apprentissage, où tout se joue en début de vie, s'estompe au profit d'une dynamique permanente d'acquisition des savoirs, même si cette logique peine à s'imposer en France. Avec l'accélération des cycles technologiques et de la mobilité des salariés, le système de formation professionnelle continue doit évoluer. Pour cela, les dispositifs d'orientation doivent être renforcés et s'adresser à tous les publics. Il faut encore améliorer la qualité des prestataires de la formation professionnelle et rationaliser un système aujourd'hui trop éclaté.

Par ailleurs, Mme Sophie Boissard a souhaité que la logique de branche soit abandonnée afin de mieux intégrer la formation professionnelle au marché du travail, et considéré que le nombre d'organismes paritaires collecteurs agréés (OPCA) de branche est sans doute trop élevé. Elle a également émis des doutes quant à l'efficacité du Fonds unique de péréquation (FUP). Enfin, jugeant que la frontière entre la formation initiale et la formation professionnelle continue doit être réduite, elle a préconisé que la période de stabilisation des jeunes sur le marché du travail, qui atteint aujourd'hui dix ans, soit une phase d'acquisition des savoirs de base et d'aller-retour entre le monde professionnel et la formation. En s'inspirant du modèle danois, pourrait ainsi être instauré un droit de tirage ouvrant, sur une période décennale, à chaque jeune un droit à six ans de formation, grâce à un financement mixte d'allocations et de prêt, lui garantissant 1 000 euros par mois.

a insisté sur la nécessité de s'appuyer sur les bénéficiaires de la formation professionnelle plus que sur l'Etat et les partenaires sociaux. Elle a proposé que les périodes d'inactivité des demandeurs d'emploi soient utilisées, dans une logique de responsabilisation, pour organiser leur parcours de formation et mobiliser les financements. Elle a estimé que la multiplication des acteurs - Etat, collectivités territoriales, partenaires sociaux et financeurs - dilue les responsabilités et nuit à l'efficacité des dispositifs de formation.

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