Intervention de Joseph Maïla

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 23 juin 2010 : 2ème réunion
Audition de M. Joseph Maïla responsable du pôle religions à la direction de la prospective du ministère des affaires étrangères et européennes

Joseph Maïla :

Le port de la burqa est une pratique très minoritaire au sein des sociétés musulmanes. La perception de ce projet par les opinions publiques musulmanes est néanmoins celle d'un ciblage d'une communauté comme cela avait déjà été le cas en 2004 avec le débat puis la loi sur les signes ostentatoires. Le débat le plus intense qui anime les enceintes internationales porte, comme je l'ai déjà évoqué, sur le caractère universel des droits de l'homme, régulièrement contesté par certains pays comme le Pakistan ou, par ailleurs, où sont durement réprimés le changement de religion ou l'apostasie. Il faut cependant être conscient que la plupart des pays de l'Union européenne, à l'exception de la Belgique qui a déjà légiféré, ou de la région espagnole de Catalogne, qui envisage de le faire, sont réservés, essentiellement par prudence, sur l'opportunité de réprimer par voix législative le port de la burqa. L'argumentation française, sur ce point, repose sur notre modèle d'intégration et non pas sur des arguments religieux.

Par ailleurs, l'Union européenne, comme la France, ne reste pas insensible au sort des minorités religieuses dans le monde. Ainsi, le Conseil européen, dans ses Conclusions du 16 novembre 2009, a estimé qu'il incombait à l'Union de défendre ces minorités partout dans le monde. Le pôle religions a, pour sa part, participé à une audition publique organisée au Parlement européen sur les outils de promotion de la liberté de religion ou de conviction dans le monde. L'Union européenne, dans le cadre de la mise en place d'un Service européen d'action extérieure, s'intéresse en effet de plus en plus à cette question de la défense de la liberté de religion, encouragée dans cet effort par la mise en application de l'article 17 alinéa 3 du Traité de Lisbonne, qui fait désormais obligation à l'UE de dialoguer avec les autorités religieuses et les courants humanistes, sans que soient précisés les interlocuteurs et les thèmes.

La position française est loin de faire l'unanimité au sein des pays occidentaux, comme le démontre le rapport annuel publié, depuis 1994, par le département d'Etat américain sur l'état de la liberté religieuse dans le monde. La France y est régulièrement critiquée pour sa législation sur la prohibition des signes religieux ostentatoires à l'école et pour sa position face à l'Eglise de scientologie. Ces critiques témoignent d'une incompréhension de la réalité française qui doit être prise en compte et expliquée en rappelant, notamment, que les activités de l'Eglise de scientologie ne sont pas condamnées sur un plan religieux, mais font, parfois, l'objet de poursuites judiciaires du fait de l'attitude pénalement répréhensible de certains de ses dirigeants ou de ses fidèles à des occasions déterminées (pression sur les esprits ou malversation financière).

Antérieurement à la création du pôle que j'anime au sein du ministère des affaires étrangères et européennes, ce dernier comptait déjà dans ses rangs depuis la reprise des relations diplomatiques de la France avec l'Etat du Vatican en 1921, un Conseiller pour les affaires religieuses, dont la fonction est d'informer le cabinet du ministre sur des éléments de diplomatie pratique et est le vis-à-vis des autorités religieuses. Le pôle religions a une fonction prospective. Nos rôles respectifs sont donc complémentaires.

La France s'expose vraisemblablement, sur la question du voile, devenue projet de loi sur la « dissimulation du visage », à des recours devant la Cour européenne des droits de l'Homme.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion