Je m'efforce d'être un honnête homme et j'ai partagé avec vous les difficultés de l'exercice. Certes, le gouvernement est en charge de ce dossier mais le traité donne également aux parlements nationaux la possibilité de se saisir de ces dossiers.
Nous entrons dans un monde où interagissent les exécutifs, le Conseil européen et le jeu complexe des parlements, notamment le Parlement européen. Nous avons voulu le renforcement du Parlement européen : désormais, nous l'avons ! Ne faisons pas mine de le découvrir ! Les parlementaires européens, y compris les Français, veulent asseoir leurs droits, et c'est bien normal. En outre, la Commission sait très bien s'arroger des pouvoirs supplémentaires, même si ensuite elle ne les exerce pas bien. L'alliance entre Commission et Parlement européen risque de donner du fil à retordre aux États qui auront du mal à défendre leur pré carré, surtout s'ils ne sont pas unis. Alors, avons-nous des alliés ?
Sur les 27, combien d'États ont une politique étrangère et de défense, autre que régionale, voire micro-régionale ? La France pense avoir un instrument de politique global comme les Anglais et les Allemands. Mais les autres ?
Ensuite, qui veut quoi ? Est-ce que certains pays trouveraient avantage à ce que ce service devienne n'importe quoi ? Oui ! D'autres veulent-ils en faire l'instrument d'une Europe puissante ? Nous ! Est-ce l'opinion partagée par tous ? Non ! Avec la présidence tournante, la Haute représentante, le vice-président de la Commission et quelques parlementaires, il devient très difficile d'agir. Nous avons donc discuté entre États, puis avec la Commission. Maintenant, nous entrons dans une étape beaucoup plus complexe et il faut faire du lobbying auprès des parlementaires. Je le fais et je vous invite à vous y livrer, vous aussi. Nous devons intensifier le dialogue avec les députés européens afin de leur rappeler en permanence qu'il y a un traité et qu'il convient de le respecter. Mais ce n'est pas simple à faire.
Nous allons être très vigilants sur la sélection des chefs de délégation, sur la gestion des fonds et des crédits. La Commission a présenté un projet de budget pour octobre-décembre 2010 de 9,5 millions d'euros. En année pleine, le budget devrait tourner autour de 35 à 40 millions, mais il s'agit uniquement de coûts de fonctionnement qui ne prennent pas en compte celui des diplomates ! Ce dialogue avec les parlementaires européens doit être mené par les parlementaires nationaux, majorité et opposition confondues, et par les exécutifs. Il faut veiller à ce que chacun reste à sa place.
Sur l'aide au développement, je vous rappelle qu'il y a une commission du développement au Parlement européen. Vous savez qui en est la présidente ? Eva Joly ! L'argent de l'aide au développement est pour l'essentiel communautarisé. Or certains considèrent qu'il ne faut pas confondre aide au développement et politique étrangère et que lorsqu'on est dans l'aide au développement, on est dans l'humanisme et la générosité et pas dans la politique étrangère. Avec l'accord qui a été passé, on a déconnecté les deux, alors que, depuis le début, j'insistais sur l'idée que la politique étrangère de l'Union devait inclure l'aide au développement. Il en a été décidé autrement. J'ai d'ailleurs eu avec Mme Joly une conversation sur le sujet, car elle n'était absolument pas d'accord avec mon approche. Mais que fait-on au Pakistan, en Afghanistan ou à Gaza quand on envoie de l'aide civile ? Ayons le courage d'ouvrir ce débat ! Souhaitons-nous continuer à communautariser notre aide si elle ne fait plus partie de la politique étrangère ? L'ambassadeur de l'exécutif que je suis ne peut pas résoudre seul cette question. Il s'agit d'un problème politique qui doit être traité comme tel.