Intervention de Jean-Pierre Sotura

Mission commune d'information sur la sécurité d'approvisionnement électrique de la France et les moyens de la préserver — Réunion du 2 mai 2007 : 1ère réunion
Audition de M. Jean-Pierre Sotura responsable des questions économiques et industrielles à la fédération nationale des mines et de l'énergie de la confédération générale du travail cgt accompagné de Mm. Jean Barra spécialiste des questions énergétiques à la cgt et dominique loret membre du conseil de surveillance de réseau de transport d'électricité rte

Jean-Pierre Sotura, responsable des questions économiques et industrielles à la Fédération nationale des mines et de l'énergie de la CGT :

Après avoir rappelé que la sécurité d'approvisionnement en électricité reposait sur trois piliers que sont des moyens de production aptes à répondre à la consommation à tout instant et en tout point du territoire, des réseaux d'acheminement d'électricité bien dimensionnés, et une gestion efficace de l'équilibre entre l'offre et la demande, M. Jean-Pierre Sotura, responsable des questions économiques et industrielles à la Fédération nationale des mines et de l'énergie de la CGT, a estimé que trois phénomènes fragilisent l'équilibre du système électrique : la faiblesse des investissements, la déréglementation du secteur de l'énergie et les nouvelles propositions présentées par la Commission européenne dans le cadre du « paquet énergie ».

Sur le premier point, il a observé que le fonctionnement actuel du marché de l'énergie ne permet pas la réalisation d'investissements de production à un niveau suffisant pour satisfaire la demande d'électricité. Une étude réalisée par le cabinet Energie et Développement, pour le compte du conseil supérieur consultatif des comités mixtes à la production (CSC - CMP) d'EDF-GDF, met en évidence la nécessité d'investissements importants dans la production électrique pour assurer l'équilibre entre l'offre et la demande, tant en base qu'en pointe. Aussi, face aux choix politiques lourds qui s'imposent aujourd'hui à l'Union européenne (UE), il a préconisé la coordination des politiques énergétiques des Etats-membres au niveau européen, grâce notamment à la création d'une Agence européenne de l'énergie. Par ailleurs, il a affirmé que si la CGT était favorable à la construction d'un second réacteur nucléaire de troisième génération, elle souhaite également une intensification des efforts en matière tant d'économies d'énergie et d'efficacité énergétique que de développement des énergies renouvelables (ENR).

Sur le deuxième point, M. Jean-Pierre Sotura a estimé que le processus de déréglementation du secteur de l'énergie au sein de l'UE est de nature à fragiliser la sécurité du système. Lors de la panne européenne d'électricité du 4 novembre 2006 et du black-out du 28 septembre 2003 en Italie, la consommation n'était pas particulièrement élevée mais les échanges d'électricité entre les pays interconnectés étaient en revanche importants. Il a ainsi considéré que l'augmentation des échanges transfrontaliers d'électricité implique un coût pour le système électrique et une complexité croissante de gestion des réseaux qu'il convenait de comparer aux effets positifs attendus de la libéralisation. Aussi a-t-il déploré que la Commission européenne défende avec autant de force la nécessité de développer les interconnexions entre les pays membres afin de favoriser la recherche permanente par les consommateurs de la fourniture d'électricité au prix le plus bas possible. Il a en outre noté que la gestion du système électrique est plus aisée dans le cadre d'une entreprise intégrée puisqu'en cas d'incident, le dispacheur peut intervenir plus rapidement que lorsque les sociétés sont différentes et nombreuses.

Enfin, développant le troisième et dernier point de sa présentation, M. Jean-Pierre Sotura a jugé que l'adoption par les Etats-membres du « paquet énergie » va renforcer les effets pervers décrits précédemment au moment même où devient évidente la nécessité d'améliorer la coordination entre les gestionnaires des réseaux de transport (GRT) et d'harmoniser les règles de sécurité des réseaux. Jugeant indispensable la tenue d'un débat sur l'opportunité de la déréglementation du secteur de l'énergie, il a estimé que les principes fondamentaux de la concurrence libre et non faussée, qui favorise l'entrée de nouveaux concurrents sur les marchés de l'énergie, sont en contradiction avec les impératifs de sécurité du réseau. Il a cité la situation du GRT qui, pour équilibrer l'offre et la demande, devrait déconnecter du réseau un producteur éolien, alors que le régime de l'obligation d'achat interdit aujourd'hui toute déconnection imposée.

Il a ensuite évoqué l'ouverture totale à la concurrence des marchés de l'énergie, prévue pour le 1er juillet 2007, en soulignant que les directives européennes ne sont pas encore totalement applicables faute de mesures réglementaires d'application. Réaffirmant l'opposition de la CGT à cette évolution ainsi qu'à la disparition programmée des tarifs réglementés de vente d'énergie, il a jugé inacceptable que le Conseil supérieur de l'énergie ait été réuni entre les deux tours de l'élection présidentielle pour émettre son avis sur le décret d'application prévoyant l'ouverture totale à la concurrence.

Puis relevant que la Commission européenne préconise l'augmentation des échanges d'électricité à des fins commerciales entre les différents pays grâce au développement des interconnexions, il a réaffirmé qu'une augmentation des flux rend plus délicate la gestion des réseaux et est de nature à multiplier les pannes et jugé préférable de chercher à rapprocher les lieux de production d'électricité des lieux de consommation.

En conclusion, M. Jean-Pierre Sotura a indiqué que la CGT défendait cinq grandes orientations stratégiques en matière énergétique : amplifier les efforts de maîtrise de la demande d'énergie ; mobiliser les atouts de la filière nucléaire française à un moment où de nombreux pays redécouvrent les vertus de cette énergie et où la Commission européenne les reconnaît ; développer les ENR afin de contribuer à diminuer les émissions de dioxyde de carbone (CO2) ; créer, en France, un pôle public de l'énergie regroupant EDF et GDF, et, au niveau communautaire, une Agence européenne de l'énergie ; maintenir les tarifs réglementés de vente d'électricité et de gaz.

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