Intervention de Christian Cointat

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 16 novembre 2011 : 1ère réunion
Loi de finances pour 2012 — Mission outre-mer - collectivités d'outre-mer nouvelle-calédonie et taaf - examen du rapport pour avis

Photo de Christian CointatChristian Cointat, rapporteur :

Je serai bref sur les crédits de la mission « Outre-mer » qui ont déjà été examinés hier à l'occasion du rapport de M. Desplan, mais je ferai quelques observations sur la mission.

Premièrement, ce budget est presque à volume constant malgré la période de crise ; cette absence de recul est une bonne chose, notamment parce qu'entre 2008 et 2012, les crédits ont augmenté de 22 % en crédits de paiement.

Deuxièmement, je me réjouis de la stabilisation du périmètre de la mission, même si celle-ci continue de ne représenter que 15 % de l'effort total de l'Etat en faveur des territoires ultra-marins.

Ensuite, un troisième point plus embarrassant : j'ai demandé depuis plusieurs années à savoir qui déterminait la politique financière de l'outre-mer ; le ministère de l'outre-mer ou les ministères dépensiers ? Il s'avère finalement, selon la Délégation générale à l'outre-mer, que c'est un peu tout le monde ; la Délégation estime d'ailleurs que c'est une bonne chose, puisque cela permet aux autres ministères de se sentir davantage impliqués. Je continue de penser qu'il faut un chef d'orchestre pour diriger une partition : des progrès restent à faire pour atteindre ce but, et il faudra avant tout que la DéGéOM soit dotée des moyens nécessaires à la conduite de ses missions.

Enfin, un budget doit poursuivre trois objectifs : récolter de l'argent pour l'Etat, répartir les crédits entre différentes actions et inciter les citoyens à dépenser dans un sens utile à la Nation. Or, sur ce troisième point, je constate que la défiscalisation est un élément essentiel de la politique ultra-marine et qu'en dépit de cela, aucune évaluation n'a été conduite sur son impact, à part en matière de logement social. C'est un problème majeur, vu les montants en cause : plus de trois milliards d'euros ! Nous pilotons un avion sans savoir où l'on se trouve ni ou l'on va.

J'en viens à l'état des lieux dans chacune des collectivités concernées par mon rapport.

En Nouvelle-Calédonie, comme j'avais pu le constater lors de la mission que j'ai menée avec Bernard Frimat en 2010, les transferts de compétences avancent de manière satisfaisante ; on ne peut que se féliciter de cette prise de conscience qui a amené l'ensemble des acteurs à prendre les problèmes à bras le corps. Par ailleurs, tous se souviennent de la crise politique du début de l'année 2011 : force est de constater que la loi organique adoptée en août dernier a permis de calmer les esprits, même si des difficultés persistent en province Sud.

En matière économique, la crise financière liée au nickel est en voie de résolution ; les usines du Nord et du Sud sont progressivement mises en place. Précisons que l'usine du Nord repose sur la technique de pyrométallurgie et exploite des minerais à haute teneur, alors que l'usine du Sud utilise l'hydrométallurgie, c'est-à-dire les minerais à basse teneur qui sont traités avec de l'acide sulfurique : cette différence technique explique les problèmes de sécurité rencontrés par l'usine de Goro.

Concernant le centre pénitentiaire de Nouméa, son état est catastrophique. Malgré quelques aménagements, le taux d'occupation continue d'avoisiner les 200 % et de forcer les détenus à vivre dans des conditions abominables. Un nouveau centre sera prochainement construit et devrait être implanté dans le grand Nouméa pour rester accessible aux familles.

Pour la Polynésie française, gageons que la loi organique de l'été dernier signera la fin d'une instabilité paralysante. Ce texte semble effectivement avoir remis les pendules à l'heure : malgré de fortes pressions pour faire chuter le gouvernement, celui-ci est resté en place. Or, la stabilité est le début de la confiance qui elle-même conditionne la reprise économique.

La réforme de la dotation générale de développement économique n'a pas permis de couvrir les besoins des communes -qui sont d'ailleurs handicapées par le mauvais fonctionnement du fonds intercommunal de péréquation. Plusieurs options de réforme de ce fonds sont aujourd'hui sur la table ; j'attire votre attention sur le fait que certains proposent de recentraliser les compétences au profit de la Polynésie française, alors même que les communes polynésiennes doivent être des communes comme les autres et exercer les mêmes missions que celles de métropole, quitte à percevoir des dotations de fonctionnement renforcées.

La situation économique de la Polynésie continue de se dégrader en raison de la cherté des transports, produite par une absence de concurrence et le manque de compétitivité de l'industrie hôtelière : à titre personnel, je nourris de fortes inquiétudes.

Quant au centre de Faa'a, il demeure l'un des plus fortement occupés au monde mais les prisonniers ne sont pas enfermés dans leur cellule, sauf la nuit ; par ailleurs, l'établissement est particulièrement bien organisé. Toutefois, il suffirait d'une étincelle pour que tout explose...

J'en viens à Saint-Pierre-et-Miquelon. Je suis triste de voir que cet archipel à la beauté sauvage, et qui contient la seule forêt boréale française, est en sommeil. Les résistances au changement sont fortes (comme me l'a confirmé l'ancien préfet Claude Valleix) : il est effrayant de voir que localement, de véritables clans empêchent toute réforme. La coopération régionale avec le Canada me semble être la meilleure porte de sortie. Saint-Pierre-et-Miquelon pourrait être une porte d'accès à l'Europe pour le Canada, en même temps qu'elle pourrait redevenir une station service pour ceux qui pratiquent la pêche.

Wallis-et-Futuna, composé de trois royaumes où les rois exercent réellement leur autorité et s'affirment face au préfet, est le seul territoire à ne pas avoir vu son statut être mis en conformité à la Constitution après la révision de 2003. Sur place, le principal problème est la non-consommation des crédits. Par exemple, en matière de santé, en dépit du fait que les équipements soient anciens et plus que spartiates, les crédits ne sont pas dépensés : cette situation est inacceptable. De même, après le passage du cyclone Tomas il y a plus d'un an, il reste des zones à Futuna où le téléphone est coupé et la seule route de l'île est toujours éventrée : il est anormal que le gouvernement ne débloque pas les crédits nécessaires.

Sur Saint-Martin, je me contenterai de signaler un point : la frontière avec Sint Maarten est une frontière géographique, mais non politique ; or, Sint Maarten est un PTOM alors que Saint-Martin est une RUP qui appartient pleinement à l'Union européenne : la limite entre ces deux territoires est donc de facto une frontière extérieure de l'Union qui n'est pas contrôlée.

Pour Saint-Barthélemy, je relève qu'en raison d'une appréciation discutable de la notion de potentiel fiscal, la collectivité est censée payer chaque année 5,6 millions d'euros à l'Etat, qui lui seront réclamés à compter de cette année : cette situation est aberrante et oblige Saint-Barthélemy à subventionner la métropole.

Les TAAF sont le seul territoire où l'on assiste à une chute libre des crédits, alors même qu'il s'agit d'un centre de recherches remarquable. En outre, l'îlot de Clipperton est devenu une base arrière des narcotrafiquants et est laissé à la merci des pollueurs : en ne protégeant pas ce territoire, le gouvernement abandonne l'un des joyaux de notre planète.

Pour finir, mes chers collègues, je ne formulerai pas d'avis sur les crédits de la mission : après l'avis défavorable adopté hier soir lors de l'examen de l'avis de M. Desplan sur les départements d'outre-mer, il m'est impossible de demander à la commission de modifier sa position. A titre personnel, j'aurais, à l'instar de Jean-René Lecerf, vu le verre à moitié plein et proposé l'adoption d'un avis favorable.

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