a déclaré partager l'essentiel de ces analyses, et a formulé plusieurs observations complémentaires.
En amont de la crise, il a mis en relief « l'excroissance » du secteur financier, en indiquant que la part de celui-ci, aux Etats-Unis, dans le total des profits du secteur privé, s'était élevé à 40 % en 2007, contre environ 10 % dans les années 1980, alors que ce secteur ne représentait que 15 % de la valeur ajoutée et 5 % des emplois privés américains. Cette « rente financière » avait été prélevée, essentiellement, au bénéfice des intermédiaires de la finance de marché, dont les banques d'investissement et les « hedge funds ».
En effet, il a estimé qu'un nouveau « modèle » de crédit avait été mis en place. Au modèle « classique » de la banque de détail, dans lequel le profit est fonction du risque supporté par la banque qui a accordé le crédit, s'était substitué le modèle de la banque d'investissement, dans lequel le crédit est vendu par les établissements financiers, au lieu d'être porté à leur bilan, de telle sorte que le risque associé à ce crédit se trouve éloigné. Ce modèle emportait deux conséquences : d'une part, une asymétrie de l'information entre les emprunteurs et les investisseurs, porteurs du risque afférent au crédit ; d'autre part, une dégradation massive de la qualité de ce crédit, les informations habituelles n'étant plus recueillies auprès des emprunteurs.
Il a mis en évidence l'intervention, dans le processus de la titrisation, de banques dites « fantômes », structures externalisées par les banques d'affaires afin d'éviter d'inscrire à leur bilan les crédits titrisés. Ce système porte des actifs « illiquides » (dont les RMBS et les CDO, « collateralized debt obligations »), se finance à très court terme et ne fait pas l'objet d'une régulation. Pour M. Michel Aglietta, il se situe au coeur des dysfonctionnements qui ont conduit à la crise financière de l'été 2007, le marché n'ayant pas joué de rôle « autorégulateur ».
En aval de la crise, il a estimé que les banques centrales, afin d'assurer le « sauvetage » des banques, avaient innové. En effet, leur rôle traditionnel de « prêteur en dernier ressort », consistant à injecter de la liquidité pour garantir l'effectivité du système de paiement, avait eu tendance à céder le pas, selon lui, à une fonction de « socialisation des pertes », assurant la stabilité du système financier dans son ensemble. Ce changement s'était traduit, notamment, par le rachat de prêts immobiliers de la part de la Réserve fédérale américaine, qui avait ainsi décidé de prendre un risque collectif. Il a reconnu que cette action de la puissance publique avait « évité le pire » au système financier américain, dans l'incapacité de s'autoréguler.
Au-delà de ces mesures d'urgence, il a évoqué deux interventions nécessaires de « remise en ordre » du système financier. La première consiste à placer les banques de dépôt, les banques d'investissement et les banques « fantômes » sous un même contrôle des banques centrales. Selon lui, il s'agit de la conséquence à tirer du développement de la titrisation, et d'une contrepartie légitime de la nouvelle mission des banques centrales tendant à garantir l'équilibre du système bancaire. Parallèlement, il a appelé de ses voeux la régulation des places actuellement « off shore ». A défaut, les efforts de régulation déployés en direction des banques d'investissement resteraient vraisemblablement illusoires.
La seconde évolution préconisée tient au passage de l'actuelle domination du système financier par des investisseurs aux préoccupations de rendement à court terme, vers un système assis sur des investisseurs institutionnels en capital, publics ou privés, privilégiant le long terme. A cette fin, il a proposé que la réglementation soit modifiée pour permettre à ces investisseurs d'évaluer, notamment, les crédits titrisés. Il a souligné que cette évaluation restait impossible tant que les agences de notation ne détaillaient pas la composition des actifs sur lesquels se trouvaient assis les titres dérivés. Il a également appelé à une plus grande transparence, de la part des banques d'investissement comme des agences de notation, afin d'autoriser une évaluation contradictoire des risques.