Le Gouvernement a entamé, il y a plusieurs mois, la rédaction du document cadre de coopération au développement qui doit fixer la stratégie de la France en matière de coopération pour la décennie à venir. L'absence d'une doctrine des pouvoirs publics français dans ce domaine a été soulignée à de nombreuses reprises. La préparation de ce document sera d'autant plus utile qu'elle est concomitante avec de nombreuses échéances telles que la préparation du prochain triennum budgétaire, la Conférence des Nations unies sur les objectifs du millénaire pour le développement, en septembre prochain, ou encore la préparation de la présidence française du G20 en 2011.
La rédaction de ce document se situe dans un contexte international qui contribue autant à renforcer la légitimité de l'aide au développement qu'à la remettre en cause.
Renforcer, parce que, depuis le début du siècle, de nombreuses crises ont montré combien le sous-développement du Sud, dans un monde de plus en plus interdépendant, pouvait être une menace pour le Nord. Le terrorisme comme la piraterie naissent dans des États en crises et des zones abandonnées du développement. Les grandes pandémies apparaissent dans les maillons faibles des systèmes de santé humaine et animale. Dans ce contexte, l'aide au développement est, avec notre diplomatie et notre défense, une dimension essentielle de la contribution de la France à un monde plus sûr.
Remise en cause, parce que, d'une part, l'essor de nouvelles puissances comme la Chine ou le Brésil remet en cause la catégorie même de pays en voie de développement et que, d'autre part, l'augmentation des risques liés au réchauffement climatique remet en cause le modèle de développement sur lequel s'était fondé, depuis un demi-siècle, ce type de politique.
Le ministre des affaires étrangères et européennes a souhaité consulter nos deux commissions sur un avant-projet qui vous a été communiqué. Nous avons voulu, avant de nous prononcer sur ce document, recueillir l'avis de quatre personnalités particulièrement qualifiées.
Cette table ronde sera suivie, le 26 mai prochain, par l'audition du ministre des affaires étrangères et européennes, qui viendra présenter le projet de document cadre devant nos deux commissions.
Pour nous éclairer sur les enjeux, les points forts ou les lacunes de ce document, quatre experts ont donc bien voulu répondre à notre invitation : M. François Bourguignon, ancien chef économiste de la Banque mondiale et directeur de la Paris School of economics ; M. Serge Michaïlof, consultant international, professeur à l'Institut d'études politiques de Paris, ancien directeur régional à la Banque mondiale, et auteur, le mois dernier, d'une somme sur ce sujet intitulée « Notre maison brûle au Sud» ; M. Jean-Michel Severino, qui était, il y a encore un mois, le directeur général de l'Agence française pour le développement (AFD), et dont le dernier ouvrage, « Le temps de l'Afrique » fera date ; enfin, M. Jean-Louis Vielajus, président de Coordination Sud, qui fédère l'ensemble des organisations non gouvernementales spécialisées dans l'aide au développement.