En premier lieu, je tiens à féliciter les auteurs du rapport sur l'avancée des travaux concernant le document cadre de la coopération française au développement, qui nous a été confié. N'ayant pas participé aux réunions de travail, j'ai un regard neuf à apporter pour proposer des améliorations à ce document.
Le document cadre présente une analyse excellente et très fine du problème de la coopération pour le développement dans le monde d'aujourd'hui, car il intègre à la fois la réalité, les enjeux et le phénomène de la globalisation.
Il s'agit toutefois d'un document trop général. C'est un document cadre, il est normal qu'il commence par une analyse contextuelle. Cependant, il faut sans doute mieux distinguer les objectifs de l'aide au développement en général, de ceux que la France souhaite poursuivre dans ce domaine compte tenu de ses intérêts et de ses moyens. S'agissant, par exemple, de l'aide bilatérale et de l'aide multilatérale pour le développement, il faut avoir à l'esprit que la position des instances multilatérales n'est pas forcément la même que celle des pouvoirs publics français.
En outre, l'APD désigne seulement une petite partie des flux de financement du Nord vers le Sud. L'APD française s'élève à environ 9 milliards d'euros, mais il faut opposer ce montant aux 600 milliards d'euros que représente le total.
Le document évoque, par exemple, la répartition des «clients» de l'aide en zones géographiques essentielles aux «intérêts français et européens» de la France. Il conviendrait de mieux définir ces intérêts. De même, la question du partage des tâches et des financements entre les pays du Nord selon les secteurs ou les pays mériterait d'être approfondie.
Je vais donc me concentrer sur des éléments de détail. Il faut bien distinguer les politiques d'aide publique au développement susceptibles d'être poursuivies dans les pays émergents de celles pratiquées dans les pays en développement et en particulier en Afrique subsaharienne.
En Afrique subsaharienne, il faut distinguer les pays stables pourvus d'une gouvernance satisfaisante des pays les plus vulnérables. Dans la première catégorie, on constate une modification des modalités de l'aide, avec les objectifs du millénaire pour le développement (OMD) et la Conférence de Monterrey en 2002. Depuis cette date, les gouvernements des pays aidés sont mieux impliqués dans la définition de la stratégie de développement poursuivie par les bailleurs de fonds. Le recours au soutien budgétaire a progressé dans les pays qui bénéficient d'une bonne gouvernance. Le modèle de politique de coopération soutenu par les organisations multilatérales, qui s'est ainsi imposée depuis les conférences de Monterrey et de Paris, donne globalement satisfaction.
En revanche, dans le cas des Etats dits fragiles, la différenciation entre aide bilatérale et aide multilatérale devient capitale. En effet, lorsque l'aide consiste à favoriser la reconstruction d'institutions, l'aide publique au développement dépasse la dimension strictement financière et monétaire et concerne des questions d'assistance technique et d'aide au maintien de l'ordre public et de la sécurité. Le document cadre doit rappeler que dans ces situations l'aide bilatérale doit être mobilisée car elle est plus appropriée.
Lorsqu'on considère les OMD, on constate qu'ils couvrent de nombreux domaines, comme la réduction de la pauvreté, l'amélioration de la santé, l'accès à l'eau potable, l'éducation. Mais les OMD n'insistent pas assez sur le rôle des dépenses d'infrastructures. Ces dernières ont un impact direct sur la croissance économique et expliquent, par exemple, la sympathie à l'égard des Chinois, dans les pays d'Afrique où ils construisent des infrastructures, même s'ils le font avec des ouvriers venus de Chine. Cependant, le financement des politiques d'infrastructures lourdes est plus difficile à justifier en raison des fuites potentielles de l'APD via la corruption.
Le rapport pose le problème de savoir en quoi consiste le développement africain. On observe, depuis plusieurs années, une croissance forte. Ce résultat est-il dû à un changement dans la gouvernance et les politiques économiques ? Est-il lié aux effets des politiques de formation et de consolidation des institutions ? Le développement africain a-t-il, à l'inverse, simplement bénéficié d'une conjoncture favorable des prix des matières premières ?
On peut se demander si les pays africains sont seulement des pays rentiers de ressources naturelles ou s'ils peuvent se diriger vers une réelle industrialisation, ce qui supposerait d'accorder à l'Afrique de réelles préférences commerciales, qui ne sont pas encore assez développées.
Du côté des pays émergents, la France peut jouer un rôle important, non pas en accordant des moyens de financement supplémentaires mais plutôt en termes de coopération technique, d'apport intellectuel en matière de coopération et de reconstruction institutionnelle.