Intervention de Dominique Hoorens

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 10 février 2010 : 1ère réunion
Table ronde sur la péréquation

Dominique Hoorens, directeur des études économiques et financières de l'Union sociale pour l'habitat :

A titre liminaire, M. Dominique Hoorens, directeur des études économiques et financières de l'Union sociale pour l'habitat, a souligné que la question de la péréquation se pose dans tous les pays européens, tous les dirigeants souhaitant que les conditions de vie de la population soient autant que possible similaires dans les différentes parties du territoire national.

Il s'est ensuite attaché à présenter, au moyen d'une vidéoprojection, les différents dispositifs de péréquation mis en place dans les principaux pays européens.

Il a d'abord rappelé que l'objectif de la péréquation est d'assurer à chaque collectivité territoriale les moyens de faire face à ses compétences obligatoires et de fournir un « panier » de services à la population à des conditions abordables.

Il a considéré que, dans les pays où elle s'effectue par la seule voie de dotations de l'État ou des régions, la question de la péréquation revient à celle de la redistribution de ces dotations, et notamment à celle du choix des critères selon lesquels elle s'opère.

Il a fait observer que cette question se double de grandes difficultés politiques dans les pays où les collectivités locales disposent en outre de ressources fiscales. Il a d'abord souligné que l'absence d'adéquation spontanée entre celles-ci et les besoins à couvrir conduit à des débats sur les inégalités à prendre en considération, qu'elles soient de service ou de pression fiscale, et sur l'ampleur de leur réduction. Il a ensuite estimé que l'autonomie fiscale des collectivités territoriales ajoute à la complexité du problème, dans la mesure où elle peut être vue comme un facteur d'augmentation des inégalités de ressources et donc des inégalités de service. Enfin, se référant aux discussions en cours dans des pays comme l'Espagne, la Belgique ou l'Italie, il a considéré que ces débats politiques risquent de mettre face à face deux logiques différentes, en l'occurrence celle de la solidarité et celle de l'assistanat, les territoires contribuant le plus à la péréquation pouvant finir par considérer comme atteintes les limites du supportable et remettre en cause le principe même de l'organisation administrative du pays.

a présenté les deux types de péréquations concevables : d'une part, la péréquation horizontale, consistant à aménager la répartition de la ressource fiscale en remédiant aux situations extrêmes par une redistribution entre les collectivités disposant de bases fiscales importantes et celles qui en sont dépourvues ; d'autre part, la péréquation verticale basée sur une adaptation de la répartition des dotations ou de la fiscalité partagée, en fonction des besoins et parfois des ressources des territoires.

Puis, il a exposé quatre exemples européens tout en précisant qu'il n'existe pas de « formule magique ».

Présentant le dispositif suédois, axé sur la péréquation horizontale, il a indiqué que les collectivités territoriales bénéficient de ressources alimentées par un impôt sur le revenu des habitants, toutes celles qui disposent d'un revenu de base par habitant supérieur à 115 % de la moyenne nationale contribuant à financer celles dont le revenu de base est inférieur à 90 % de la moyenne. Il a ajouté que la Suède est, en outre, le seul pays, à sa connaissance, à avoir également mis en place un système de péréquation horizontale calculée sur les coûts, les collectivités à faible niveau de dépenses aidant à financer celles dont les dépenses sont supérieures à la moyenne.

Abordant l'exemple du Danemark, il a indiqué que ce pays est passé d'une péréquation proche du système suédois, portant sur les coûts et sur les ressources, à un système prenant comme critère de répartition l'écart entre « besoins » et « recettes fiscales potentielles ».

Il a ensuite décrit le système des ressources des Länder allemands, qu'il a présenté comme reposant pour l'essentiel sur des impôts partagés avec l'État fédéral : 45 % du produit de la TVA sont ainsi reversés aux Länder, 75 % des sommes correspondantes étant réparties entre eux en fonction de leur population et 25 % étant réservés à des actions de péréquation ; 42 % du produit de l'impôt sur le revenu sont également reversés aux Länder, les sommes correspondantes étant réparties entre eux en fonction de leur richesse respective ; enfin, la moitié du produit de l'impôt sur les bénéfices des entreprises est reversé aux Länder, les sommes correspondantes étant réparties entre eux en fonction de l'implantation des entreprises et des emplois. M. Dominique Hoorens a indiqué que, à ce système d'impôts partagés, s'ajoutent des dotations réparties en fonction de plusieurs paramètres tels que les revenus fiscaux, la population, le taux de chômage ainsi qu'un objectif de rattrapage pour les Länder de l'Est. Il a précisé que la finalité du système allemand est de faire en sorte que, au final, chaque Land dispose d'au moins 99 % de la moyenne des ressources fiscales avant péréquation.

a expliqué que le Royaume-Uni vient de réformer son système de péréquation, reposant sur le « Revenue Support Grant », soit l'équivalent de la DGF en France. Il a indiqué que, auparavant, le dispositif reposait sur une estimation des plus complexes des charges des collectivités sur la base de multiples paramètres, qui était ensuite comparée à leurs ressources fiscales pour déterminer les collectivités susceptibles de bénéficier d'une redistribution. Il a déclaré que le Royaume-Uni a opté pour un système plus simple, dans lequel le calcul de la péréquation s'effectue en fonction de quatre critères seulement, à savoir les besoins, les ressources, une évolution garantie de la dotation année après année et un forfait par habitant.

a vu dans certaines spécificités françaises, telles que le nombre et la taille des communes, l'existence de dotations essentiellement « nationales » ou la distinction faite entre richesse des collectivités et celle de la population, des considérations de nature à compliquer le débat sur la péréquation. En revanche, il a considéré que le caractère essentiellement national de la protection sociale et de la santé rend la donne moins compliquée que dans les États où ces secteurs sont « régionalisés ».

Il a ensuite fait part des limites du critère des besoins pour répartir les dotations, dans la mesure où les charges budgétaires ne sont pas forcément un bon indicateur des besoins à couvrir.

Il a également souligné la difficulté de mesurer le coût des services, citant le cas des routes dont les frais de réalisation peuvent être fort différents selon que l'on se situe dans une commune de montagne ou en milieu urbain.

Il a jugé fondamental de ne pas déconnecter la question de la péréquation d'autres questions telles que l'actualisation des valeurs locatives, dont le caractère obsolète a forcément des conséquences inadaptées sur les dotations calculées à partir de ces bases.

Il a conclu son propos en appelant à « péréquer l'autonomie » et à « autonomiser la péréquation » : péréquer l'autonomie en se penchant sur l'autonomie de chaque collectivité, alors que la Constitution envisage de manière globale la notion d'autonomie des collectivités territoriales ; autonomiser la péréquation en la décentralisant, afin de la rapprocher du terrain et de mieux prendre en compte les spécificités des territoires.

Puis M. Guy Gilbert, professeur à l'Ecole normale supérieure de Cachan, a présenté, à l'aide d'une vidéoprojection, les principales questions posées par la péréquation : à combien s'élèvent les inégalités financières entre collectivités ? Toutes les inégalités financières entre collectivités doivent-elles être corrigées ? La performance de la péréquation financière peut-elle être évaluée ? Quelle a été la performance du système français de péréquation jusqu'en 2009 ?

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion