Sur le premier point, M. Guy Gilbert a précisé qu'il est difficile de mesurer le montant des inégalités financières entre collectivités territoriales. Il a indiqué qu'actuellement est mesuré le potentiel fiscal par habitant corrigé des « charges » de la collectivité, conformément au souhait du législateur. Il a rappelé que ces éléments peuvent être mesurés soit globalement, soit collectivité par collectivité.
Il jugé la notion de « charges » difficile à définir, soulignant la nécessité de la distinguer de celle de « dépenses » : une collectivité dépensera davantage si elle a davantage de ressources, ce qui ne signifie nullement qu'elle ait davantage de charges. Jugeant inévitable de calculer les charges de manière indirecte, il a indiqué que, en France, cet exercice passe d'abord par l'évaluation du niveau de dépenses potentielles par habitant que devrait réaliser une collectivité territoriale pour offrir à ses usagers les niveaux moyens de services publics locaux aux coûts moyens supportés par les collectivités équivalentes.
Sur la base de ces éléments, M. Guy Gilbert s'est ensuite livré à une analyse de l'évolution des inégalités entre collectivités territoriales sur la période 1994-2006. Il a indiqué que les inégalités entre communes demeurent bien plus importantes qu'entre départements ou entre régions, mais qu'elles ont eu tendance à diminuer du fait de l'érosion du potentiel fiscal. Il a jugé que la France est l'un des pays dans lesquels les inégalités financières entre collectivités territoriales sont les plus importantes, du fait de l'émiettement territorial et de la localisation du principal impôt local, la TP.
s'est ensuite interrogé sur la nécessité de corriger toutes les inégalités financières, rappelant que pour certains, la péréquation fausse le libre jeu de la concurrence entre collectivités territoriales et, pour que cette concurrence soit bénéfique, la localisation des activités et des résidents doit être totalement libre, alors que, pour d'autres, la péréquation engendre un « double dividende » : elle restaure la pleine efficacité de la concurrence en compensant des handicaps de situation et elle satisfait l'équité entre territoires.
Il a jugé nécessaire une évaluation de la performance de la péréquation financière afin, d'une part, de favoriser l'égalité entre collectivités territoriales, conformément à l'objectif fixé par le cinquième alinéa de l'article 72-2 de la Constitution, d'une part, et, d'autre part, de respecter l'obligation résultant de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) d'une évaluation quinquennale des fonds de péréquation.
Pour calculer cette performance, M. Guy Gilbert a considéré qu'il faut mesurer collectivité par collectivité le « pouvoir d'achat fiscal », c'est-à-dire le potentiel fiscal corrigé des charges, et y ajouter les dotations, le total des deux correspondant au « pouvoir d'achat financier » de la collectivité. La comparaison des inégalités de pouvoir d'achat financier avant et après péréquation donne la mesure de l'efficacité de celle-ci.
Ainsi évaluée, la péréquation a corrigé, sur la période considérée, entre 30 % et 37 % des inégalités entre communes, entre 42 % et 48 % des inégalités entre départements et entre 32 % et 45 % des inégalités entre régions.
a cependant noté que la péréquation, qui a permis de progresser vers une plus grande égalité jusqu'en 2001, marque depuis lors le pas pour les communes et les départements, en raison de l'effet mécanique de la suppression de la part salaire de la TP et de la réforme de la dotation de base de la DGF, qui a introduit le critère de population comme élément de répartition, favorisant ainsi les grandes villes. Par ailleurs, il a précisé que le taux de correction des inégalités est essentiellement imputable aux dotations péréquatrices pour les communes. En revanche, pour les départements et les régions, elle est intégralement le fait de dotations compensatrices.
Il a estimé que le système de péréquation a des effets :
- péréquateurs pour 71 % des communes, 75 départements et 18 régions ;
- sur-péréquateurs pour 24 % des communes, 19 départements et 4 régions ;
- contre-péréquateurs pour 8 % des communes et 1 département.
Il a conclu en soulignant que par ses effets, la péréquation en France apparaît verticale mais est de fait horizontale. Malgré l'existence d'inégalités financières importantes, il a jugé qu'elle a permis de réduire notablement les inégalités, tout en observant que son coût budgétaire est élevé, car elle est réalisée à partir de dotations compensatrices. Il a également mis en exergue la complexité des dispositifs de péréquation et la contradiction entre le maintien de l'autonomie financière et le développement de la péréquation à partir de dotations compensatrices.
Il a ainsi estimé que le système actuel est parvenu à ses limites et doit être profondément réformé.