a rappelé que la coque Q 790, « ex-porte-avions Clemenceau », avait appareillé le 31 décembre 2005, vers l'Inde, à destination de son chantier de démantèlement. Il a indiqué que le Conseil d'Etat, statuant en cassation sur les ordonnances du 30 décembre 2005 du tribunal administratif de Paris, prises en référé, avait suspendu l'autorisation d'exportation de la coque Q 790, ce qui avait conduit le Président de la République à décider le retour en France de la coque.
Il a estimé que le cas de l'ex-Clemenceau soulevait la question du démantèlement des équipements militaires à laquelle étaient confrontés la France, les pays européens et les Etats-Unis, face au vieillissement de leurs matériels.
a considéré que le démantèlement des avions militaires semblait en voie de résolution, grâce à la réalisation d'une cartographie de l'amiante présente dans ces équipements, et aux bases de déconstruction situées à Châteaudun, Châteauroux et Tarbes. Il a noté que, pour les armements nucléaires en fin de vie, une fois la partie nucléaire traitée, la problématique du démantèlement était identique à celle rencontrée dans le cas de l'ex-Clemenceau.
Il a observé que l'utilisation de l'amiante dans la construction des navires, tant civils que militaires, s'était imposée en raison de ses propriétés dans la lutte contre la propagation des incendies à bord. Il a souligné que deux types de matériaux étaient ainsi installés, lors de la construction des bateaux, l'amiante friable, très dangereuse pour la santé, et l'amiante piégée, moins nocive.
Abordant le cas de l'ex-porte-avions, M. Yves Fréville, rapporteur spécial, a rappelé que la procédure de démantèlement d'un navire débutait par la cessation de son activité opérationnelle et par son désarmement. Il a indiqué que le navire était alors placé en réserve, puis que la commission de condamnation devait décider du démantèlement de l'équipement concerné. Il a observé que celle-ci avait statué en faveur du démantèlement du Clemenceau en février 2002.
Il a relevé que, lorsqu'un navire était placé en réserve, plusieurs possibilités pouvaient être envisagées : la vente, l'immersion ou le démantèlement. Il a rappelé que le porte-avions Foch avait été acquis par le Brésil, et que les transports de chalands de débarquements (TCD), l'Ouragan et l'Orage, devraient être, prochainement, achetés par l'Argentine. Il a souligné que bon nombre de bâtiments en fin de vie étaient coulés à l'occasion d'exercices militaires de tirs, précisant que la convention OSPAR, du 22 septembre 1992, pour la protection du milieu marin de l'Atlantique Nord-Est, avait encadré et réduit cette possibilité. Il a observé que, jusqu'à son entrée en vigueur, et aujourd'hui encore, en dehors de la zone géographique à laquelle elle s'appliquait, les Français avaient immergé de nombreux navires, comme les Américains et les Britanniques.
a indiqué que, lorsque la décision de condamnation était prise et que le démantèlement du navire était décidé, la procédure mise en oeuvre débutait par le transfert du matériel de la marine nationale à la direction nationale des interventions domaniales (DNID).
Il a expliqué que la présence d'amiante, dans les anciens navires, rendait plus complexe leur déconstruction. Il a constaté que, depuis 1996, l'amiante friable n'était plus utilisée pour la construction des navires, et que, depuis 2002, l'amiante piégée était également interdite. Il a, toutefois, relevé que les navires construits avant ces dates contenaient de l'amiante, notamment le porte-hélicoptères, bâtiment-école, la Jeanne d'Arc, ainsi que les avisos, les frégates anti-sous-marines et les frégates anti-aériennes. Il a précisé que l'amiante friable était désormais systématiquement retirée des bâtiments passant en IPER (indisponibilité périodique pour entretien et réparation). Enfin, il a souligné que les Etats-Unis, le Royaume-Uni, les Pays-Bas, notamment, étaient confrontés aux mêmes difficultés que la France, et possédaient également des navires contenant de l'amiante et arrivant en fin de période opérationnelle.
a indiqué qu'un problème de qualification juridique des bâtiments, passés en commission de condamnation et contenant de l'amiante, se posait en droit interne. Il a rappelé que, même après le transfert de propriété à la DNID d'une coque, celle-ci conservait son statut de matériel de guerre et était, en tant que telle, soumise à des conditions d'exportation très strictes, afin de permettre le respect des embargos de livraison d'armement. Il a constaté que la décision du Conseil d'Etat, du 15 février 2006, fondée, notamment, sur le règlement (CEE) n° 259/93 du Conseil, du 1er février 1993, concernant la surveillance et le contrôle des transferts de déchets à l'entrée et à la sortie de la Communauté européenne, conduisait à assimiler la coque Q 790 à un déchet, et, par conséquent, à en interdire l'exportation.
Il a observé que le règlement européen précité avait été rédigé en anglais, langue qui distinguait les déchets recyclables (scrap) des déchets définitifs (waste) ; la version française ne distinguait pas les « déchets » en fonction de leur caractère recyclable ou non, alors qu'il semblait que la coque Q 790, en acier, doive être considérée comme un déchet recyclable.
a noté que les règles concernant le démantèlement des bateaux étaient en cours d'élaboration par trois organismes, l'Organisation maritime internationale (OMI), l'Organisation internationale du travail (OIT) et l'organisation de la Convention de Bâle. Il a estimé que la parution de ces textes ne devrait pas intervenir avant 2008 ou 2009, et qu'ils ne seraient probablement pas ratifiés avant 2011 ou 2012.
Il a considéré que les grandes recommandations de l'OMI, de l'OIT et de la Convention de Bâle, seules références internationales en l'état du droit, avaient été suivies par la France. Il a cité, en illustration de ces propos, un article de la revue « Pour la Science » du mois d'avril 2006, selon lequel des experts britanniques et américains estimaient que « le travail qui avait été réalisé pour nettoyer le navire avant son arrivée, la programmation des travaux sur le site de démolition étaient l'exemple de ce qui devrait toujours être fait. Les critiques avaient pris ce bateau pour cible, alors qu'il était l'exemple de ce qu'il fallait faire ».
a ensuite abordé l'aspect industriel du démantèlement de navires en fin de vie. Il a rappelé que la question de la dangerosité de l'amiante ne se posait pas, en Europe, dans les années 1970, époque à laquelle l'acier issu de la déconstruction de bâtiments militaires trouvait un débouché naturel sur le territoire communautaire, notamment en Italie. Il a observé que l'industrie de déconstruction était essentiellement une industrie de main-d'oeuvre, et que les industries du Sud asiatique disposaient d'un réel avantage compétitif dans ce secteur. Il a indiqué que la France avait confié le démantèlement de la coque Q 790 au consortium Ship Decomissioning Industries Corporation, SID, filiale du groupe allemand Thyssen, et que les chantiers de démolition retenus étaient ceux d'Alang-Sosiya, site administré par le Gujarat Maritime Board, institution semi-publique indienne.
Il a estimé que les conditions de démantèlement prévues par la France étaient exemplaires :
- la France restait propriétaire de la coque jusqu'à son démantèlement ; tout le désamiantage techniquement réalisable en France y étant opéré ;
- le chantier choisi en Inde pour le démantèlement disposait de toutes les certifications internationales en matière de protection des travailleurs et de l'environnement ;
- un transfert de compétences était prévu au bénéfice du chantier indien ;
- l'encadrement du chantier de désamiantage résiduel et de démantèlement en Inde devait être effectué par des ingénieurs français, aux côtés de leurs homologues indiens, formés à cet effet en France ;
- enfin, le contrôle du chantier devait être garanti par un expert indépendant, qui certifierait le retrait des pièces amiantées, dans le respect des réglementations françaises et européennes.
a indiqué que si l'exportation de coques n'était plus possible en raison de la présence d'amiante, il faudrait envisager de créer en Europe un chantier de démolition, alors même qu'il n'était pas évident de trouver les infrastructures adéquates, que les opinions publiques pourraient être opposées à un tel projet, et qu'il n'existait plus en Europe de demande pour l'acier issu des chantiers de déconstruction.
Il a constaté que l'autre possibilité était de mettre en place un partenariat industriel entre l'Europe et les pays émergents pour assurer le démantèlement des navires, sur le modèle de la procédure initialement prévue pour la déconstruction de la coque Q 790.
Abordant la question du coût de l'opération de démantèlement de cette coque, M. Yves Fréville, rapporteur spécial, a rappelé que le désamiantage et la déconstruction ne devaient pas être financés par l'Etat français, mais par la société SID, qui se serait « remboursée » sur la vente à l'Inde des matières premières issues de la coque, à la fin de l'opération. La société SID aurait dû payer, après transfert de la propriété de la coque à son bénéfice, un « prix d'achat », réduit, à la DNID.
Il a indiqué que le contrat entre la société SID et l'Etat français avait été rompu d'un commun accord après que la décision ait été prise de rapatrier l'ex-Clemenceau. Il a précisé que le coût total de l'opération de désamiantage, du transport vers l'Inde et du remorquage vers la France de la coque Q 790 devrait atteindre 12,3 millions d'euros, ainsi répartis :
- 11 millions d'euros, comprenant entre 4,5 et 5 millions d'euros pour le désamiantage mené en France, divers frais et l'indemnité de rupture de contrat avec la société SID ;
- 1,3 million d'euros de remorquage vers la France
a observé que le ministère de la défense et le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie pourraient assumer, à parts égales, les dépenses afférentes à la rupture de contrat avec la société SID, le remorquage et le désamiantage initial de la coque Q 790 restant à la charge de l'armée.
Enfin, il a conclu que la procédure prévue pour le démantèlement de la coque Q 790 avait été exemplaire et qu'il était regrettable que l'imprécision de l'estimation de la quantité d'amiante, présente à bord du navire, ait nui à l'ensemble du projet.