Intervention de Edmond Hervé

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 16 novembre 2011 : 1ère réunion
Loi de finances pour 2012 — Mission justice - examen du rapport spécial

Photo de Edmond HervéEdmond Hervé, rapporteur spécial :

La mission « Justice » est dotée de 7 420 millions de crédits de paiement, soit une augmentation de 3,5 %. Les dépenses de personnel représentent 60 %, en progression de 2,9 %. La révision générale des politiques publiques (RGPP) s'applique bien évidement à la justice : il y a donc une réduction de 400 ETPT. Pour la période 2011 - 2013, cette réduction portera sur 1 726 ETPT.

Pour le programme « Justice judiciaire », les crédits de paiement se montent à 2 978 millions, soit une augmentation de 0,6 %. La part du pénal est majoritaire avec 51,6 % des crédits.

L'administration pénitentiaire totalise 35 511 ETPT, soit une augmentation de 4 564 postes, mais il n'y a que 145 créations nettes de postes pour 2012 puisqu'au cours des deux dernières années, dix établissements pénitentiaires ont été ouverts.

Les crédits de la protection judiciaire se montent à 772,6 millions d'euros en crédits de paiement, soit une augmentation de 2 %, tandis que ceux consacrés à l'accès au droit et à la justice se montent à 354,8 millions d'euros, soit plus 7,1 %.

Nous avons voulu que le budget du Conseil supérieur de la magistrature (CSM) soit autonome. Au nom de cette autonomie, le CSM a quitté le Palais de l'Elysée pour s'installer rue de Ségur, mais il doit déménager au cours de l'année prochaine sans que nous sachions pour l'instant quelle sera sa nouvelle adresse. Si le président du CSM décide des engagements de crédits, l'effectivité des paiements continue à s'opérer par l'informatique du ministère de la justice, ce qui génère des retards. Alors que 478 842 euros ont été engagés, seuls 227 798 euros ont été payés. Cela pénalise les agences de voyages, car les membres du CSM ne sont pas tous parisiens et ils se déplacent dans toute la France.

J'en arrive à mes observations générales. Je m'interroge sur la politique, les moyens, la gestion et la transparence de ce ministère. Je suis frappé par la sous-estimation budgétaire. Ainsi en est-il des frais de justice qui concernent les dépenses occasionnées par les demandes d'expertise et de contrôle et qui participent au principe de vérité. En 2011, ces frais de justice étaient fixés à 436,4 millions d'euros et il a fallu, fin août, réévaluer ce montant pour atteindre 462,7 millions d'euros. Pour 2011, les retards de paiement, et donc le report de charge, seront de l'ordre de 100 millions d'euros. En 2012, le budget consacré aux frais de justice prévoit 470 millions d'euros, soit une augmentation de 2,3 %. La dépense moyenne par affaire pénale devrait être, pour 2011, de 250 euros (contre 288 euros en 2010). Sur la suggestion de notre collègue Roland du Luart, notre commission avait commandé une enquête à la Cour des comptes sur les frais de justice. Si notre droit de tirage nous le permet, il serait bon que nous puissions commander un nouveau rapport sur cette question. On oppose souvent la procédure accusatoire à la procédure inquisitoire : lorsqu'on évoque les frais de justice, nous sommes à la frontière de ces deux systèmes. En outre, des frais de justice dépendent les investigations nécessaires et la garantie des droits de la défense.

J'en viens au budget alloué à la réforme de la carte judiciaire et qui, d'après le ministère, a été surévalué. Ce budget ne comprend pas le projet de réaménagement du TGI de Paris, dont le coût est estimé à 623,5 millions.

J'ai été choqué de constater que l'allocation mensuelle pour les incarcérés indigents était de 20 euros.

Venons-en à la dotation du secteur associatif habilité. La protection judiciaire de l'enfance est dans une situation dramatique, alors que le monde associatif gère près des trois-quarts des établissements. Du fait d'une sous-estimation systématique, les reports de charge d'année en année sont récurrents. Entre 2009 et 2010, 27 millions d'euros, entre 2010 et 2011, 34 millions d'euros, soit un mois de fonctionnement de ce secteur associatif, entre 2011 et 2012, 40 millions d'euros de report. En 2011, il y a eu de très nombreux contrats d'agents spécialisés privés qui, au cours de l'été, n'ont pas été reconduits faute de moyens. En outre, vingt centres éducatifs fermés ont été créés : le prix par journée est de 575 euros pour 2012, contre 642 euros en 2007 et 594 euros en 2011. Pour parvenir à réduire les coûts, on diminue l'encadrement. Les subventions du secteur associatif habilité ont régressé de 21 %. A l'heure où je vous parle, beaucoup d'associations n'ont pas reçu d'accord budgétaire définitif pour 2011.

Ce budget est également marqué par la RGPP. Le ministère reconnaît le risque de sous-encadrement lors des transfèrements des détenus qui était auparavant effectué par la gendarmerie ou la police. Progressivement, le secteur pénitentiaire prend la relève, mais avec difficulté. Le nombre d'agent du service pénitentiaire d'insertion et de protection (SPIP) affecté au service du bracelet électronique est également insuffisant.

Le ratio idéal entre les magistrats et les greffiers serait de un pour un, mais il ne sera atteint qu'en 2014, ce qui perturbe la fonction magistrale.

La protection judiciaire de la jeunesse a perdu en trois ans 420 postes et, en 2012, 106 postes supplémentaires seront supprimés.

Je m'interroge sur les annonces successives du président de la République sur la création de places en prison : début 2011, promesse de 60 000 places en 2017. Après Pornic, il fut question de 70 000 places. Enfin, le 13 septembre, 80 000 places pour 2017 étaient annoncées.

L'Etat ne dispose pas de programme pluriannuel foncier immobilier et j'ai des doutes sur les partenariats publics privés alors que les coûts de loyer ne cessent d'augmenter.

La justice est complexe, mais le Parlement a une part de responsabilité, notamment lorsqu'il vote des lois complexes. Avec les jurys populaires en correctionnelle, nous passerons de deux types de formation correctionnelle à cinq.

Si l'enfermement n'est pas contestable, il faut avoir conscience qu'il y a un avant et un après. Or, 95 % des jeunes qui dépendent de la protection judicaire de la jeunesse sont en milieu ouvert. Sur le coût d'accès à la justice, je proposerai l'annulation de la taxe de 35 euros. Enfin, je reste marqué par la grande insuffisance du dialogue social dans ce ministère.

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