Les crédits de la mission « Défense » s'élèvent à 38,3 milliards d'euros en crédits de paiement et 40,2 milliards en autorisations d'engagement, pensions militaires comprises. Année après année, nous nous éloignons des objectifs fixés par la loi de programmation militaire : selon le ministère, 2 milliards d'euros en crédits de paiement devraient manquer entre 2009 et 2013, sous l'effet notamment de la loi de programmation des finances publiques, dans l'attente des choix budgétaires pour 2014. Étant donné le poids inhérent aux crédits de fonctionnement, ce sont les grands équipements, hors dissuasion nucléaire, qui seront le plus durement touchés : - 2,7 milliards par rapport à la loi de programmation militaire sur la période 2009-2013.
Les dotations du budget de la défense seront complétées par des recettes exceptionnelles issues de la cession de fréquences hertziennes. C'est une solution palliative, dénoncée comme telle lors de l'examen du projet de loi de programmation militaire. Le risque est double : que ces fréquences ne soient pas ou pas totalement cédées, ou pas pour le montant espéré, ou encore qu'une partie des recettes de la cession soit affectée par obligation budgétaire au désendettement de l'Etat, et non aux objectifs de la programmation militaire.
En 2008, le Livre blanc avait fixé des objectifs à l'horizon 2020 sur la base d'une croissance annuelle des dépenses de 1 % en volume. Or les crédits de paiement de la mission « Défense » ont été gelés en volume, malgré le coût de la modernisation des équipements. Selon que l'on adopte la norme zéro volume ou zéro valeur, il manquerait 10 à 30 milliards d'euros pour les dépenses cumulées jusqu'en 2020 par rapport aux objectifs du Livre blanc. La France n'est déjà plus en mesure d'assurer une capacité de projection de troupes terrestres à hauteur de 30 000 hommes pendant un an, sans relève : l'indicateur de performance associé à cet objectif est passé de 100 % en 2009 à 95 % en 2010 et 82,5 % cette année dans le projet de loi de finances pour 2012.
Les opérations extérieures (Opex) vont atteindre un coût record de 1,2 milliard d'euros en 2011, deux fois et demi leur montant en 2000 et 2001. Sommes-nous capables de mener à bien ces opérations ? Devons-nous adapter le format de notre armée à nos ambitions ou nos ambitions diplomatiques à nos capacités militaires ?
Ce sont seize Rafale, et non treize comme prévu l'an dernier, qui devront être achetés par l'Etat pour pallier le faible niveau d'exportation de cet avion, soit une dépense de plus d'un milliard d'euros qui s'impute sur les autres dépenses d'équipement. Pourrons-nous tenir ce niveau de commande si le marché mondial nous reste fermé ?
Certains programmes ne peuvent plus attendre si l'on veut maintenir les capacités opérationnelles de notre pays. Il en est ainsi de l'hélicoptère NH 90, de la Frégate multimission et du sous-marin nucléaire d'attaque Barracuda. Ces programmes doivent être menés essentiellement après 2014. Les menaces budgétaires présagent de cruels réexamens...
D'autres choix sont possibles. Les externalisations conduites par le ministère de la défense ont été épinglées par la Cour des comptes : certaines présentent un rapport coûts-bénéfices négatif, d'autres touchent le coeur de métier de notre armée. Que penser du montage financier du regroupement sur un même site des fonctions d'état-major à Balard ? Pour ce projet conçu sur le modèle du Pentagone, le promoteur retenu investira 700 millions, tandis que l'Etat versera 4,2 milliards d'euros dans le cadre d'un partenariat public-privé qui s'étalera sur vingt-sept ans.
Malgré ces critiques, compte tenu de l'engagement de nos armées sur les théâtres extérieurs, je m'en remets à la sagesse de notre commission sur le vote des crédits de la défense, ainsi que du compte d'affectation spéciale « Gestion et valorisation des ressources tirées de l'utilisation du spectre hertzien ». Pour ma part, je m'abstiendrai.