Il est vrai que, depuis l'arrivée au pouvoir de Vladimir Poutine, la Russie a fait son retour sur la scène internationale et qu'elle est un partenaire parfois difficile pour les Etats-Unis, l'OTAN et l'Union européenne sur un certain nombre de sujets.
Compte tenu du fait qu'elle occupe un siège de membre permanent du conseil de sécurité des Nations unies, qu'elle est membre du Quartet sur le processus de paix au Proche-Orient, du groupe de contact sur les Balkans occidentaux, et qu'elle joue un rôle important sur les grands dossiers internationaux, comme le nucléaire iranien, il est toutefois indispensable d'entretenir un dialogue étroit avec la Russie. Je rappelle notamment que récemment la Russie a fait preuve d'une plus grande ouverture sur le dossier du nucléaire iranien, qu'elle s'est abstenue sur le vote de la résolution autorisant l'intervention en Libye, qu'elle a renforcé sa coopération avec l'OTAN sur l'Afghanistan en matière de transit sur son territoire, qu'elle apporte une contribution notable à l'Union européenne pour l'opération EUFOR-Tchad et pour l'opération Atalanta de lutte contre la piraterie maritime et qu'elle a accepté de renforcer sa coopération avec l'OTAN dans une série de domaine, y compris la défense anti-missiles.
Je considère donc qu'il est indispensable de renforcer les relations entre l'Union européenne et la Russie, comme entre l'OTAN et la Russie, car nous partageons un grand nombre d'intérêts communs et nous devons faire face aux mêmes menaces, comme le terrorisme ou l'instabilité.
Certes, la Russie se montre hostile au vote d'une résolution au Conseil de sécurité des Nations unies condamnant la répression en Syrie, au nom du principe de non ingérence dans les affaires intérieures et du risque de déstabilisation de l'ensemble de la région, mais ce n'est pas le seul grand pays dans ce cas. Elle s'appuie sur le précédent de la Libye, dont l'intervention de l'OTAN dépasse d'après elle de loin le mandat donné par l'ONU. N'oublions pas non plus que les européens ont une part de responsabilité dans les évènements actuels au Sud de la méditerranée car nos pays ont soutenu pendant longtemps des dictatures qui nous semblaient être le meilleur rempart face à la menace islamiste. D'ailleurs, la Russie, qui est elle-même confrontée au risque terroriste et à la montée de l'islamisme radical, en Tchétchénie, mais plus largement dans tout le Caucase du Nord, craint par-dessus tout des risques de déstabilisation sur son territoire. C'est aussi un facteur qui explique son attitude concernant la Syrie.
S'agissant de la proposition du Président Dimitri Medvedev sur un nouveau traité de sécurité en Europe, qui a été évoquée en juin 2008 à Berlin et présentée fin 2009, et qui serait un instrument juridiquement contraignant, sa principale nouveauté repose sur le principe de «sécurité indivisible», selon lequel toute mesure de sécurité prise par un État ou par une organisation (OTAN, Union européenne) devra prendre en compte «les intérêts de sécurité» des autres parties membres du traité. Ainsi, la Russie accepterait par ce traité de restreindre sa liberté de recourir à la force de manière unilatérale à condition que les pays européens et les Etats-Unis en fassent de même.
Cette proposition russe représente à mes yeux une contribution utile à la réflexion sur l'avenir de l'architecture de la sécurité en Europe.
Toutefois, tel qu'il a été présenté par la partie russe, ce projet de traité emporterait des conséquences importantes pour les mécanismes actuels de sécurité en Europe.
Tout d'abord, ce traité viendrait en quelque sorte remplacer l'Acte final de la conférence d'Helsinki, acte fondateur dans le domaine de la sécurité en Europe. Le projet russe met davantage l'accent sur la dimension politico-militaire de la sécurité et ne reprend pas la dimension humaine de la « troisième corbeille » d'Helsinki, comme la défense des droits de l'Homme.
Ce traité aurait également des conséquences importantes pour l'Organisation du Traité de l'Atlantique Nord et le rôle des Etats-Unis en tant qu'acteur de la sécurité européenne. Ainsi, ce traité, s'il était accepté tel quel, reléguerait l'OTAN au second plan en forçant les États signataires à s'en remettre, en dernière instance, au Conseil de sécurité des Nations unies. L'Alliance atlantique n'aurait ainsi pas pu engager la guerre en Yougoslavie, en 1999, sans un aval onusien.
Si la France et d'autres pays ont salué cette initiative et se sont déclarés prêts à en discuter, ils estiment toutefois nécessaire d'en débattre au sein de l'Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe, qui est l'enceinte de discussion en matière de sécurité en Europe.