Intervention de Yves Pozzo di Borgo

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 22 juin 2011 : 1ère réunion
Les relations entre l'union européenne et la russie — Examen du rapport d'information

Photo de Yves Pozzo di BorgoYves Pozzo di Borgo, rapporteur :

Je me suis efforcé dans mon rapport d'avoir une approche aussi précise et complète que possible de la situation des droits de l'homme en Russie. J'ai notamment rencontré des représentants d'organisations non-gouvernementales russes et européennes, dont la représentante de la fédération internationale des ligues des droits de l'homme chargée de suivre la situation en Russie.

En ce qui concerne la démocratie et la situation des droits de l'homme, il est indéniable que la situation s'est dégradée par rapport aux années 1990. Le régime actuel se caractérise par la toute puissance de l'exécutif et l'absence de véritables contre-pouvoirs. Le Parlement est dominé par le parti pro-Poutine « Russie unie » et ne joue qu'un rôle limité. Il existe également des atteintes à la liberté de réunion et de manifestation, comme on a pu le constater par exemple avec la répression policière brutale de la Gay Pride à Moscou ou des manifestations pacifiques de l'opposition. Il y a également les assassinats de journalistes et les atteintes aux activités des ONG ou des défenseurs des droits de l'homme.

Si les libertés politiques sont très limitées, on constate en revanche que la société russe est relativement libre dès lors qu'elle ne s'occupe pas de politique. Ainsi, l'Internet est totalement libre et il existe également des journaux et des radios indépendants.

Par ailleurs, il faut aussi prendre en compte le fait que les années 1990 sont synonymes pour les Russes d'un affaiblissement de l'autorité de l'Etat, d'un effondrement de l'économie et d'un « pillage » des ressources par les oligarques.

On peut également relever certains progrès ces dernières années, comme le maintien du moratoire sur la peine de mort, la création d'un conseil des droits de l'homme auprès du président ou encore la ratification par la Russie du protocole n° 14 sur la réforme de la Cour européenne des droits de l'homme.

Quelle doit être l'attitude de l'Union européenne face à cette situation ?

Peut-on demander à la Russie, qui est passée de l'empire tsariste au régime communiste, avant de découvrir la démocratie dans les années 1990, de réaliser en vingt ans ce que nos démocraties occidentales ont mis plusieurs siècles à accomplir ?

Plutôt qu'un discours purement incantatoire sur les droits de l'homme et la démocratie en Russie, qui suscite des tensions avec le gouvernement et qui ne recueille d'ailleurs qu'un faible écho en Russie, je crois qu'il serait plus utile pour l'Union européenne d'évoquer ces questions avec fermeté, sans renoncer à nos valeurs, mais dans le cadre d'un véritable dialogue avec les autorités russes.

Ainsi, le mécanisme actuel de consultations sur les droits de l'homme entre l'Union européenne et la Russie mériterait d'après moi d'être renforcé, notamment concernant son articulation avec les instances politiques et les Sommets.

En ce qui concerne les visas, je comprends vos réserves mais je ne les partage pas.

Le risque migratoire en provenance de Russie paraît peu élevé et, en ce qui concerne la criminalité organisée, je ne pense pas que le maintien des visas ait une grande influence. En effet, le système des visas pèse surtout sur les simples citoyens, qui ne peuvent voyager librement, tandis que les organisations criminelles peuvent facilement avoir recours aux faux documents, voire à la corruption pour obtenir les formalités nécessaires.

Je rappelle que la Russie est aujourd'hui l'un des premiers pays en termes de demandes de visas pour l'Union européenne et pour la France, avec environ 350 000 visas par an pour notre pays. Cela représente une charge non négligeable pour les consulats européens, notamment dans la perspective de la biométrie.

La suppression des visas permettrait de renforcer nos échanges économiques et de développer le tourisme. Elle permettrait surtout de renforcer les échanges humains et de multiplier les contacts au niveau de la société civile.

Or, il existe dans ce domaine une forte attente de la part des ressortissants russes, notamment issus de la classe moyenne, qui désirent voyager en Europe.

Les échanges constituent un vecteur important de rapprochement entre les peuples. C'est aussi d'après moi le meilleur moyen de renforcer la protection des droits de l'homme et la démocratie en Russie. C'est la raison pour laquelle je suis personnellement favorable à la suppression des visas.

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