Intervention de Robert Launois

Office parlementaire d'évaluation des politiques de santé — Réunion du 30 mai 2007 : 1ère réunion
Prise en charge précoce des accidents vasculaires cérébraux — Présentation par m. robert launois rees-france des résultats de l'étude

Robert Launois, directeur scientifique de la société REES-France :

L'office a entendu M. Robert Launois, directeur scientifique de la société REES-France, sur la présentation des conclusions de l'étude sur la prise en charge précoce des personnes victimes d'un accident vasculaire cérébral (AVC). Sachant qu'un accident survient en moyenne toutes les quatre minutes en France, les AVC constituent la troisième cause de décès dans notre pays, après les accidents coronariens et les cancers, ainsi que la première cause de handicap. Il s'agit donc d'un important problème de santé publique, qui ne doit pas être considéré comme une fatalité mais faire l'objet d'une meilleure prise en charge.

On distingue deux principaux types d'AVC, qui sont traités différemment : d'une part, les infarctus cérébraux, résultant de l'obstruction d'un vaisseau sanguin, d'autre part, les hémorragies cérébrales, consécutives à la rupture d'une artère.

L'étude vise, à partir d'un bilan du dispositif actuel de prise en charge des victimes d'AVC et d'une évaluation du besoin sanitaire, à définir les conditions d'amélioration de cette prise en charge et à en estimer le coût pour la collectivité. L'objectif est de mettre en place un dispositif d'accueil permettant de répondre de façon optimale aux besoins sanitaires, dans un cadre géographique cohérent et en tenant compte des surcoûts prévisibles attachés à la mise en place et au fonctionnement des unités hospitalières de prise en charge précoce.

La prise en charge précoce des AVC repose sur des traitements thrombolytiques et sur la création d'unités de soins spécialisées, les unités neurovasculaires, ces deux techniques étant dans les faits complémentaires.

Depuis les premiers essais de traitement des AVC par thrombolyse en 1996, plusieurs études et méta-analyses ont été menées, avec des résultats parfois controversés, ce qui explique que l'autorisation de mise sur le marché des thrombolytiques ait été plus tardive et plus restrictive en France qu'aux Etats-Unis, par exemple. Aujourd'hui, bien que l'efficacité de cette technique soit unanimement reconnue dans le délai des trois heures suivant l'AVC, on constate que la France pratique peu de thrombolyses : 1 080 en 2005, soit 1 % des cas d'AVC constitués. La faiblesse de ce taux est en partie liée aux contraintes propres à cette technique, difficile à pratiquer et contre-indiquée dans de nombreux cas, mais aussi à des défauts organisationnels.

Quant aux unités neurovasculaires, la littérature internationale en recense plusieurs types : des unités cérébrovasculaires intensives avec des dispositifs de ventilation assistée, des unités quasi intensives offrant une surveillance permanente du patient, des unités intégrées assurant à la fois une surveillance rapprochée et des soins de rééducation, ainsi que des unités de médecine physique et de réhabilitation dédiées aux patients victimes d'AVC. Ces unités permettent de réduire le risque de mortalité, comme le risque de handicap, de 5 % à 6 %, même si on ne sait pas encore précisément l'impact spécifique du traitement précoce, de la surveillance régulière et de la réhabilitation précoce, laquelle peut être engagée parfois dès huit heures après l'accident.

L'ampleur des besoins sanitaires français en matière de prise en charge des AVC est cependant difficile à établir : ainsi, le nombre annuel d'AVC est estimé à 90 000, selon les projections établies à partir des données du registre de Dijon, contre 162 000 selon la Haute autorité de santé en 2002. Les schémas régionaux d'organisation sanitaire de troisième génération (SROS III), pourtant censés procéder à une évaluation des besoins sanitaires à l'échelle du territoire de santé, ne fournissent pas de données plus précises. Au contraire, l'élaboration des volets cérébrovasculaires des SROS a pris du retard dans certaines régions, tandis qu'au ministère de la santé, la synthèse des données relatives aux territoires de santé n'est pas facilement disponible. En outre, les annexes opposables des SROS sont souvent difficiles à comparer, malgré l'unification de la terminologie effectuée par la circulaire du 22 mars 2007. Sous ces réserves, on recense 49 unités neurovasculaires installées et 119 autres dont la création est prévue d'ici 2011.

La société REES-France a utilisé les données du programme de médicalisation des systèmes d'information (PMSI) à des fins d'identification des besoins. Il faut préciser que l'accès à ces données est d'autant moins facile que la liste des territoires de santé est mal connue. Cette liste a été testée au fur et à mesure des travaux et il a été procédé à une extraction des données par territoire de santé en utilisant les codes signes.

Sur ces bases, on peut estimer que les AVC sont à l'origine de 160 000 hospitalisations en France, sachant que ce chiffre inclut les séquelles de ces accidents ainsi que d'autres pathologies ne relevant pas stricto sensu des unités de soins. En ne retenant que les AVC clairement identifiés en tant que tels, y compris les AVC indéterminés, et les accidents ischémiques transitoires (AIT), on arrive au chiffre de 130 000 hospitalisations annuelles. Ce chiffre, qui est le plus sûr que l'on puisse présenter, se décompose en 94 000 AVC constitués et 36 000 AIT. Il faut préciser que les récidives étant incluses dans ce chiffre, celui-ci ne représente pas le nombre des cas incidents. Ces données permettent cependant d'évaluer les besoins pour chaque territoire de santé.

L'étude confronte ensuite les besoins par territoire de santé aux capacités d'accueil des services de neurologie des établissements. Cependant, l'écart entre ces deux données ne peut véritablement permettre d'évaluer les besoins dès lors que tous les AVC ne sont pas admis dans des services de neurologie et que la répartition des admissions entre les services spécialisés et les autres n'est pas connue. Il a donc été fait l'hypothèse d'un taux d'admission des deux tiers dans des services de neurologie, ce qui est une hypothèse plutôt optimiste. Sur cette base, on peut estimer que 50 000 patients sont pris en charge par des services de neurologie - qui ne disposent d'ailleurs pas tous d'unité neurovasculaire (UNV) - et 80 000 dans d'autres services hospitaliers.

S'agissant de la prise en charge précoce des AVC, il faut savoir que l'élément clé du traitement est le délai entre l'accident vasculaire et sa prise en charge : d'une part, le délai de trois heures pour que le patient puisse bénéficier d'une thrombolyse, d'autre part, le délai de prise en charge par une UNV. La société REES-France a donc procédé à une enquête portant sur 61 services d'urgence, dont il résulte que le délai de prise en charge est en moyenne de sept heures lorsque l'heure exacte d'apparition des symptômes est connue, soit dans 34 % des cas. Pour les autres patients, il est en moyenne de dix heures. Ces délais résultent d'une part de la méconnaissance des signes d'alerte par les victimes d'un AVC - 50 % de Français ne les connaissent pas - d'autre part, des délais d'obtention des examens d'imagerie : deux heures trente en moyenne. Très peu de patients, 2 % seulement, bénéficient ainsi d'un examen d'imagerie par résonnance magnétique (IRM).

En conclusion, M. Robert Launois a souligné que, quelles que soient les estimations de l'incidence des AVC, le nombre des UNV apparaît clairement insuffisant et qu'il faudrait en créer environ 180.

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