L'article 8 du projet de loi de finances rectificative pour 2011 porte sur un thème qui m'est cher : celui du développement de l'apprentissage et de l'alternance. Le taux de chômage des jeunes était encore au niveau intolérable de 21,4 % à la fin de l'année 2010. Il était donc devenu urgent d'actionner tous les leviers permettant d'assurer leur insertion rapide et durable sur le marché du travail.
Cet article est, pour partie, la traduction législative des mesures annoncées par le Président de la République dans son discours du 1er mars 2011 à Bobigny. Avec comme objectif de porter à 800 000 le nombre de jeunes suivant une formation en alternance d'ici à 2015, contre 600 000 aujourd'hui, il a invité le Gouvernement à agir de manière volontariste en faveur de l'alternance.
Nous aurons, dès la semaine prochaine, l'occasion d'examiner plus en détail les mesures envisagées par la proposition de loi de Gérard Cherpion, en cours d'adoption à l'Assemblée nationale, sur le développement de l'alternance et la sécurisation des parcours professionnels. Le présent article en faisait d'ailleurs initialement partie. Néanmoins, cette mesure à l'incidence fiscale certaine trouve plus naturellement sa place dans une loi de finances, et tout particulièrement au moment où nous nous prononçons sur le projet de loi constitutionnelle proposant d'instaurer le monopole des lois de finances sur ces matières.
Venons-en au contenu de cet article, qui comprend deux mesures distinctes. Le texte nous propose, en premier lieu, la création d'un compte d'affectation spéciale qui viendrait remplacer le fonds national de développement et de modernisation de l'apprentissage (FNDMA). Celui-ci est aujourd'hui chargé de la péréquation de la taxe d'apprentissage entre les régions et du financement des actions de soutien et de promotion de l'Etat en faveur de l'apprentissage, notamment au titre de la contractualisation avec les régions.
Cette mesure de technique financière constitue une avancée notable qu'il convient de saluer car elle permettra de sanctuariser les moyens aujourd'hui consacrés au FNDMA. Un compte d'affectation spéciale est en effet le seul moyen, en droit budgétaire, d'affecter directement une recette à une dépense. Le compte d'affectation spéciale échappe également aux contraintes de rigueur touchant les finances publiques, au respect de la norme de dépense et à la régulation budgétaire. Je vous indique, par ailleurs, que l'information du Parlement sur les dépenses et recettes de ce compte sera très supérieure à celle dont nous disposions pour le FNDMA : chaque année, un projet annuel de performance et un rapport annuel de performance seront publiés à l'occasion de la présentation du budget.
La seconde innovation, à visée incitatrice, renforce les obligations pesant sur les employeurs en matière d'embauche d'alternants. Elle réforme la contribution supplémentaire à l'apprentissage de l'article 230 H du code général des impôts et instaure un système de « bonus-malus » récompensant les comportements vertueux et sanctionnant de manière proportionnelle les écarts au seuil minimal de salariés en alternance qui s'impose à chaque entreprise.
Il s'agit de mieux calibrer la sanction applicable lorsque le quota d'apprentis imposé par la loi aux entreprises de plus de deux cent cinquante salariés n'est pas respecté : les entreprises réfractaires paieront davantage ; celles employant beaucoup d'alternants percevront un bonus.
Les entreprises seront désormais plus fortement incitées à recruter des salariés en alternance, avec le relèvement de 3 % à 4 % du quota de salariés en alternance qu'une entreprise doit respecter pour ne pas être redevable de la contribution. Les comportements vertueux seront récompensés et la sanction sera proportionnelle à l'écart par rapport au seuil minimal de 4 %. Il s'agit d'une mesure de justice et d'équité, qui va permettre de donner un signal positif aux employeurs. Désormais, les entreprises qui ne font aucun effort en matière d'alternance paieront six fois plus que celles qui se rapprocheront du quota.
J'ai pourtant trois réserves à émettre.
Tout d'abord, les modalités de mise en oeuvre du bonus et notamment son montant ne sont pas définis par le texte mais renvoyés à un décret. Il faudrait s'assurer que son financement ne se fera pas au détriment de celui d'actions plus structurelles en faveur de l'apprentissage.
On peut ensuite regretter que cette budgétisation du financement de l'alternance soit inachevée. Les dépenses de l'Etat en faveur de l'apprentissage et de l'alternance restent dispersées au sein du budget, ce qui nuit à la lisibilité de l'action publique et à l'évaluation de la politique en faveur de l'alternance.
Enfin, l'accord national interprofessionnel sur l'accès des jeunes aux formations en alternance et aux stages en entreprise, conclu par les partenaires sociaux le 7 juin 2011, demande au législateur d'apporter des modifications au système de bonus-malus initialement envisagé dans la proposition de loi Cherpion. Il propose de substituer à ce mécanisme un régime reposant sur un objectif de progression du nombre d'alternants à l'échelle de la branche. Les signataires souhaitent que l'atteinte de cet objectif, obligatoirement supérieur ou égal à 10 % par rapport aux résultats de l'année précédente, puisse exonérer de la taxe les entreprises. Un tel mécanisme constitue surtout un affaiblissement du dispositif initial, qui allie quant à lui de manière équilibré incitation et sanction financières.
Quoi qu'il en soit, cet article 8 a le mérite de relancer le débat sur le rôle de l'alternance dans l'accès des jeunes et des publics à la recherche d'un emploi au marché du travail et sur les moyens à lui accorder. Le dispositif financier qui est proposé ici contribue à une stratégie d'ensemble, qui mobilise tous les moyens de l'action publique, en concertation avec les partenaires sociaux. C'est pourquoi je vous invite à donner un avis favorable à l'adoption de cet article sans modification.