L'article 22 du projet de loi de finances rectificative confie à l'office national d'indemnisation des accidents médicaux (Oniam) la mission de faciliter l'indemnisation des personnes ayant subi un dommage fonctionnel du fait du benfluorex. Ce système simple et propre à garantir les droits des victimes, mais inusité, trouve sa justification dans la crise sanitaire, et surtout dans la crise de confiance liée à « l'affaire du Mediator ».
Le benfluorex est le nom de la molécule commercialisée sous cette appellation par le laboratoire Servier. Celui-ci a obtenu, en 1974, une autorisation de mise sur le marché (AMM) dans l'indication d'« adjuvant d'un régime adapté dans les hypertriglycéridémies ou dans le diabète asymptomatique avec surcharge pondérale ». Le Mediator a été commercialisé sur cette base de 1976 à 2007, date à laquelle l'Afssaps a supprimé l'indication pour les hypertriglycéridémies ; l'AMM a cependant été renouvelée pour le diabète jusqu'en 2009.
Le nombre total de personnes qui se sont vu prescrire le médicament n'est pas connu avec certitude ; d'après les données de la Cnam, il est estimé à environ cinq millions, dont plus de la moitié l'a pris pendant près de trois ans en moyenne. Trois cent mille personnes auraient été chaque année exposées au Mediator.
Le succès de ce produit s'expliquerait, et c'est d'ailleurs un aspect qui fait débat, par son effet anorexigène. Deux autres médicaments, d'une composition proche, avaient été commercialisés comme anorexigènes par le même laboratoire Servier sous les noms de Pondéral et d'Isoméride jusqu'en 1997.
La proximité entre le benfluorex et les anorexigènes a conduit l'Afssaps, lors de l'interdiction de ces substances en 1995, à proscrire son utilisation dans les préparations magistrales, pour éviter les détournements d'usage. Le Mediator a cependant été maintenu sur le marché car son AMM ne visait que les troubles métaboliques.
En 1999, apparaissent les premiers signalements de pharmacovigilance concernant spécifiquement ce médicament : un cas de valvulopathie aortique, puis un cas d'hypertension artérielle pulmonaire.
Il faudra pourtant attendre encore quatre ans pour que la commission d'AMM décide, en novembre 2009, la suspension temporaire de l'autorisation, puis définitive le 10 juillet 2010.
La question que se posent donc naturellement nos concitoyens est la suivante : pourquoi le Mediator n'a-t-il pas été retiré plus tôt du marché en raison des risques qu'il présentait ? Ce retard apparaît d'autant plus regrettable que le service médical rendu était faible.
Cette question revêt deux aspects : judiciaire et politique. Il s'agit en effet de déterminer si le laboratoire Servier a volontairement caché aux autorités sanitaires la nature du benfluorex, alors même que les effets secondaires graves des anorexigènes étaient connus, comme le soutient l'Igas ainsi que la Cnam qui a engagé une action pénale contre le laboratoire Servier ; mais, dans le même temps, cette affaire met en cause la manière dont est gérée la sécurité sanitaire dans notre pays. Aucun de ces deux aspects n'a vocation à être traité dans le cadre de ce projet de loi de finances rectificative : il appartiendra au juge de trancher le premier et, sur le second, le Sénat a créé une mission d'information qui rendra son rapport à la fin du mois.
C'est l'accès le plus rapide à l'indemnisation pour les personnes ayant subi un dommage du fait du benfluorex qu'il s'agit aujourd'hui d'assurer.
Malgré les nombreux points en discussion, dont une querelle peut-être mal venue sur le nombre de décès, il existe un fait sur lequel tous s'accordent désormais : le Mediator a pu causer des valvulopathies et des hypertensions artérielles pulmonaires, maladies graves et souvent mortelles.
Le laboratoire Servier a reconnu ce risque et s'est déclaré, le 24 janvier 2011, « prêt à participer à la mise en oeuvre d'un fonds d'indemnisation (...) dans le cadre de la législation en vigueur et selon des modalités permettant une indemnisation rapide et juste ».
Le 1er février 2011, les ministres en charge de la santé et de la justice ont demandé à la Cour de cassation de prendre contact avec le laboratoire afin de recueillir ses propositions en matière d'indemnisation des victimes. Le 7 avril 2011, le ministre et les associations de patients ont jugé inacceptable sa dernière proposition sur les conditions d'accès au fonds car elle maintenait une indemnisation partielle, sans couvrir l'ensemble des préjudices, et qu'elle obligeait les victimes à renoncer parallèlement à toute possibilité de réparation civile devant la justice.
C'est à la suite de cet échec que le Gouvernement a décidé l'élaboration du dispositif présenté à l'article 22 du projet de loi de finances rectificative.