Bien que n'ayant pas été formellement désignée en qualité de rapporteur pour avis, je souhaite attirer votre attention sur un autre article, l'article 18 bis, de ce collectif budgétaire, que l'Assemblée nationale a ajouté contre l'avis du Gouvernement. Il concerne la tarification par les hôpitaux des dépenses liées à des patients couverts par l'aide médicale d'Etat (AME).
Nous avions déjà évoqué cette question lors du dernier PLFSS : notre rapporteur général, Alain Vasselle, avait proposé un amendement allant dans le même sens que cet article 18 bis, qu'il avait retiré en séance car il s'agissait surtout d'un amendement d'appel.
La mise en place de la tarification à l'activité (T2A) a été progressive et s'accompagnait d'une période transitoire en ce qui concerne les modalités de facturation par les hôpitaux à l'assurance maladie de leurs dépenses. Ils pouvaient ainsi continuer de facturer les dépenses liées à des patients AME selon l'ancienne tarification, appelée tarif journalier de prestation (TJP). Le TJP est différent selon les établissements et fixé par eux selon d'autres critères que les groupes homogènes de séjour (GHS) de la T2A.
Or, cette situation a malheureusement perduré, si bien qu'un hôpital facture aujourd'hui un tarif différent selon que le patient est couvert ou non par un régime d'assurance maladie. C'est cette absence de transparence et cette hétérogénéité qui avaient été critiquées par Alain Vasselle, la T2A devant plutôt conduire à une convergence des tarifs, quitte à ce que des dotations forfaitaires compensent un certain nombre de situations. D'ailleurs, une dotation au sein de l'enveloppe des missions d'intérêt général et d'aide à la contractualisation (Migac) est justement dédiée, depuis deux ans et demi, à la prise en charge de patients en situation de précarité.
L'article 18 bis va donc dans le sens que notre commission avait approuvé en novembre dernier. Pour autant, il ne saurait être satisfaisant parce que s'il affirme le passage à la facturation normale, celui-ci n'est accompagné d'aucun délai ou compensation.
Or, la différence entre les deux tarifs est estimée au total à environ 130 millions d'euros par an et cette somme est concentrée sur quelques hôpitaux accueillant plus de patients AME que d'autres ou ayant décidé un TJP nettement différent du GHS : supprimer la tarification dérogatoire coûtera environ 46 millions d'euros pour la seule AP-HP, 1,6 million pour le centre hospitalier d'Annecy ou celui de Cayenne, 1,8 million pour le centre hospitalier de Montreuil ou encore 3 millions pour l'hôpital Delafontaine de Saint-Denis. Ainsi, cette mesure augmentera mécaniquement le déficit de l'AP-HP de 50 %, sans aucun moyen pour l'établissement de s'adapter.
En conclusion, il me semble qu'unifier la tarification est une mesure de transparence et d'équité mais qu'elle devrait être accompagnée d'une augmentation de l'enveloppe des missions d'intérêt général pour les établissements concernés et d'une période de transition. Le Gouvernement, qui avait émis un avis défavorable lors du débat à l'Assemblée nationale, n'a pas encore pris une position définitive sur cet article 18 bis.
Dans ces conditions, je vous propose soit de laisser la responsabilité au Gouvernement de s'opposer à cet article ou de prévoir des modalités d'accompagnement, soit d'adopter un amendement visant simplement à différer l'entrée en vigueur de cette mesure au 1er mars 2012, le 1er mars étant la date habituelle de renouvellement de la tarification hospitalière. Ce délai permettrait de conserver le principe de l'unification de la tarification tout en se donnant le temps de trouver un mécanisme de financement équilibré et satisfaisant pour tous.