Monsieur le président, mes chers collègues, l'entraide judiciaire en matière pénale entre les différents États du Conseil de l'Europe, auxquels s'ajoute Israël, seul État non membre à y avoir adhéré, est régie par la convention européenne d'entraide judiciaire en matière pénale, signée à Strasbourg le 20 avril 1959, et ratifiée par la France en 1967. Un protocole additionnel à la convention a été signé à Strasbourg le 17 mars 1978, ratifié par la France en 1991, qui complète la convention initiale.
Au sein du Conseil de l'Europe, un comité d'experts chargé d'examiner le fonctionnement et l'application des conventions et accords a relevé certaines difficultés que les États ont rencontrées dans le cadre de l'application de la convention européenne d'entraide en matière pénale et du protocole s'y rapportant. Il a également recensé des situations qui, sans se situer dans le champ d'application de cette convention, s'en rapprochent. La conclusion a été qu'un deuxième protocole additionnel à la convention était la façon la plus appropriée de remédier à certaines des difficultés rencontrées. Il a donc établi un projet de deuxième protocole additionnel, dont le Sénat est aujourd'hui saisi du projet de loi autorisant son approbation.
Le deuxième protocole a pour but de renforcer la capacité des États membres et des États partenaires à réagir de manière adéquate à la criminalité, en actualisant les dispositions régissant actuellement l'entraide judiciaire, en diversifiant les situations dans lesquelles celle-ci peut être demandée, en facilitant cette entraide et en la rendant plus rapide et plus souple. Il comporte 35 articles, articulés dans 3 chapitres.
Le chapitre Ier regroupe un ensemble de dispositions modifiant, réécrivant ou complétant les stipulations de la convention du 20 avril 1959. Ces dispositions sont relatives au champ d'application de la convention, élargi à l'ensemble du droit pénal administratif (article 1er), à la présence des autorités de la Partie requérante dans l'exécution de la demande (article 2), au transfèrement temporaire, sur le territoire de la Partie requérante, de personnes détenues à des fins d'instruction (article 3), aux voies et aux formes de transmission des demandes (article 4), aux frais découlant de l'entraide (article 5) et à la désignation des autorités judiciaires compétentes (article 6).
Le chapitre II regroupe les dispositions qui complètent la convention, soit en assouplissant et en renforçant les formes traditionnelles de l'entraide, soit en y ajoutant de nouveaux modes de coopération.
Dans le premier cas, les dispositions de ce deuxième protocole sont relatives à la possibilité de report de l'exécution des demandes d'entraide (article 7), au respect du formalisme demandé par la Partie requérante (article 8), à la transmission spontanée d'informations (article 11), à la restitution du produit des infractions (article 12), aux langues des actes de procédures et décisions judiciaires à remettre (article 15), à la remise par voie postale des actes de procédure (article 16), à la protection des témoins (article 23), aux mesures provisoires (article 24), à la confidentialité (article 25) et à la protection des données (article 26).
Dans le second cas, les dispositions sont relatives à l'audition par vidéoconférence et conférence téléphonique (articles 9 et 10), au transfèrement, dans le cadre de l'entraide, des personnes condamnées (articles 13 et 14), à l'observation transfrontalière (article 17), aux livraisons surveillées (article 18), aux enquêtes discrètes (article 19) et aux équipes communes d'enquête (article 20).
Enfin, le chapitre III regroupe les dispositions finales traditionnelles dans les conventions du Conseil de l'Europe (signature et entrée en vigueur, adhésion, application territoriale, réserves, dénonciation et notifications).
Ce deuxième protocole additionnel prévoit la possibilité pour les États d'émettre des réserves et fait obligation aux États Parties d'effectuer diverses déclarations, afin notamment d'indiquer les autorités compétentes pour la mise en oeuvre de certains modes de coopération, et de préciser les modalités selon lesquelles cette coopération pourra être accordée.
Concernant les réserves, l'article 33, paragraphe 2, du protocole interdit toute réserve, à l'exception de la possibilité pour les parties de se prévaloir du « droit de ne pas accepter, en tout ou partie, un ou plusieurs des articles 16, 17, 18, 19 et 20 », permettant ainsi aux Parties d'exclure certains modes de coopération considérés comme les plus intrusifs. Ces articles sont ceux relatifs à la remise des actes de procédure et des décisions judiciaires par voie postale (article 16) ; aux observations transfrontalières (article 17) ; aux livraisons surveillées (article 18) ; aux enquêtes discrètes (article 19) ; aux équipes communes d'enquête (article 20).
D'ores et déjà, il nous a été indiqué que la France émettrait une réserve sur l'application de l'article 17, en particulier son deuxième paragraphe. En effet, celui-ci couvre le champ de l'observation transfrontalière en urgence, et prévoit la possibilité, pour des agents étrangers, de pénétrer sans autorisation préalable sur le territoire français. Il est tout à fait inenvisageable pour la France d'accepter une telle disposition, c'est pourquoi une réserve sera émise afin d'exclure toute possibilité d'observation transfrontalière en urgence. Plusieurs États parties au protocole ont également expressément écarté l'application de l'article 17 (c'est le cas par exemple d'Israël, de la Lettonie, de la Pologne, ou encore du Royaume-Uni).
Il s'agit du seul point susceptible de poser problème, et donc de la seule réserve que la France émettra.
Ce deuxième protocole additionnel s'articule en effet parfaitement avec le droit français en vigueur, celui-ci permet dès à présent la mise en oeuvre de tous les mécanismes d'entraide prévus dès l'intégration de l'instrument dans l'ordre juridique interne.
A ce jour, vingt-deux États ont ratifié ce protocole, dont treize États membres de l'Union européenne et neuf États non membres.
C'est pourquoi je vous recommande d'adopter le présent projet de loi, qui pourrait faire l'objet d'une procédure d'examen simplifié en séance publique.