Intervention de Josselin de Rohan

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 19 janvier 2011 : 1ère réunion
Déplacement en guyane dans le cadre de la mission harpie — Communication

Photo de Josselin de RohanJosselin de Rohan, président :

Avec nos collègues Bernadette Dupont, Jean-Etienne Antoinette et Jacques Berthou, nous nous sommes rendus en Guyane du 15 au 19 décembre dernier.

Cette mission s'inscrit dans le cadre de nos déplacements auprès des unités françaises engagées dans des opérations extérieures. La particularité de cette mission tient bien évidemment à ce qu'elle se déroule sur le territoire national bien que les difficultés du terrain et la dangerosité des actions qui sont menées l'apparente de manière claire à une OPEX.

Lors de notre séjour en Guyane, nous avons pu rencontrer l'ensemble des autorités politiques (Conseil régional et élus locaux), administratives (préfet) ainsi que les responsables militaires et de la gendarmerie. Elle s'est rendue successivement à Cayenne, à Maripasoula qui est le point de contrôle sur le fleuve Maroni, à Camopi, point de contrôle sur la rivière Oyapock, et enfin à Kourou.

Dans le cadre des attributions de notre commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, nous poursuivions deux objectifs :

- évaluer la mise en oeuvre de l'opération «HARPIE » de lutte contre l'orpaillage clandestin ;

- évaluer le dispositif de sécurité du centre spatial guyanais de Kourou.

Je voudrais tout d'abord insister sur les spécificités du terrain.

Le territoire du département fait partie intégrante du plateau des Guyanes partagé, pour l'essentiel, avec le Brésil, le Surinam et le Guyana. Il est recouvert à 96 % par la forêt amazonienne qui est à la fois un milieu très difficilement pénétrable et contrôlable mais aussi un atout extraordinaire du fait de sa biodiversité. C'est le plus grand département français (82 000 km²). Sa surface équivaut à celle du Portugal. Il est relativement peu peuplé avec environ 230 000 habitants mais un fort taux de progression qui devrait l'amener à un doublement en 2030.

On peut très difficilement parler de frontières avec les pays limitrophes dans la mesure où les fleuves qui le bordent, le Maroni et l'Oyapok, sont, comme les autres voies fluviales, les axes essentiels de communication.

De ces contraintes naturelles, il ressort que l'aéromobilité des personnes, mais surtout des opérations, est essentielle. Tous nos déplacements se sont du reste effectués en hélicoptère.

Quelles sont les missions confiées à nos forces armées en Guyane ? On peut distinguer des missions permanentes et des missions de crise.

Il existe quatre missions permanentes :

1 - assurer la sécurité externe du centre spatial guyanais. C'est la mission prioritaire du contrat opérationnel ;

2 - contribuer au maintien de la sécurité dans la zone de souveraineté : surveillance des frontières, présence militaire aux frontières ;

3 - affirmer la présence française dans la zone de responsabilité permanente et développer les actions de coopération régionale dans une optique sécuritaire zonale ;

4 - participer à l'action de l'Etat par la mise en oeuvre de capacités militaires : lutte contre l'orpaillage clandestin, lutte contre l'immigration clandestine, action de l'Etat en mer.

Les missions de crise consistent à conduire ou participer à des actions militaires régionales et à contribuer à des opérations de secours d'urgence (humanitaire, catastrophe naturelle...).

La définition de ces missions, qui relèvent très largement des missions traditionnelles de soutien des armées à l'Etat, repose sur une analyse et une évaluation des menaces spécifiques à la Guyane.

Nous avons pu constater, au travers des différents entretiens avec les autorités civiles et militaires, qu'il n'existe pas, à ce stade, de menaces militaires ou terroristes directes sur la Guyane. Des menaces, notamment la menace terroriste contre le CSG, ne peuvent naturellement pas être écartées. Même s'il n'existe pas de menace directe sur le site de Kourou et que la probabilité d'une attaque militaire reste faible, d'autres dangers subsistent : sabotage, espionnage industriel... D'autre part, les événements du 11 septembre montrent qu'une attaque terroriste n'est pas à exclure. La protection d'un site aussi stratégique pour la souveraineté nationale comme le CSG est donc essentielle.

Dans ce contexte, les actions de renseignement humain ou technologique sont particulièrement importantes.

Il peut également s'agir de menaces indirectes comme la recherche d'un effet médiatique en relation avec les activités du CSG ou encore l'instrumentalisation de la menace de risques potentiels ou la manipulation de la situation économique et sociale. Les menaces constituées par l'immigration clandestine, la pêche illicite, le narcotrafic, le trafic d'armes ou bien celles qui résultent de l'orpaillage clandestin avec ses conséquences sanitaires, économiques, environnementales ou sécuritaires (augmentation de la délinquance, prostitution...), sont également clairement identifiées.

Les forces armées en Guyane (FAG) apportent au quotidien et sur l'ensemble du département, une contribution déterminante à la souveraineté de la France dans la région, au développement social et économique du département, et à l'action sécuritaire de l'Etat sur le territoire national, dans un environnement sensible et exposé.

Sous l'autorité du COMSUP (commandant supérieur), actuellement le général de brigade aérienne Jean-Pierre Hestin, et du colonel Didier Laumont, commandant de la gendarmerie, les effectifs civils et militaires basés en Guyane s'élèvent à près de 4 000 hommes. Ils sont en majeure partie constitués par 970 hommes du 9ème RIMA, 680 hommes du 3ème REI, 977 gendarmes, 220 hommes des forces aériennes et 130 marins. Il faut également citer 750 hommes du 3ème RSMA plus tournés vers des actions de formation.

S'agissant de la gendarmerie, elle est naturellement une force armée, ce dont nous ne pouvons que nous féliciter compte tenu des conditions d'engagement qu'elle connaît en Guyane. Cette appartenance est un atout fondamental avec notamment le régime de disponibilité et le logement par nécessité absolue de service.

Le commandement de la gendarmerie (COMGEND) de Guyane est composé de gendarmes départementaux, renforcé pour l'exécution de ses missions des escadrons de gendarmes mobiles. Il dispose de 977 hommes.

La gendarmerie de Guyane assume l'ensemble des missions dévolues à une force de police, notamment dans le domaine de la police judiciaire, de la police administrative et du maintien de l'ordre. Les spécificités du département conduisent par ailleurs le COMGEND à intervenir dans trois domaines particuliers, à savoir : la protection du centre spatial de Kourou, la lutte contre l'immigration clandestine et, bien sûr, la lutte contre l'orpaillage illégal.

Il est particulièrement important de souligner que la lutte contre l'orpaillage clandestin est une opération de police. Dans ses directives pour l'opération Harpie, le préfet rappelle que « s'agissant d'opérations de contrôle de police, elles sont juridiquement placées sous la direction des OPJ ou APJ compétents ». Cela implique un cadre juridique contraignant mais indispensable sur la base de réquisitions judiciaires et administratives.

Ainsi, le rôle de la gendarmerie nationale sera de mettre en oeuvre le dispositif territorial de l'opération Harpie, de constater les infractions, d'interpeller les auteurs de celle-ci et de les remettre à la justice.

L'opération Harpie était donc notre premier centre d'intérêt en Guyane. Il faut souligner d'emblée que la lutte contre l'orpaillage clandestin constitue un préalable absolu à toute action organisée d'accompagnement de la filière aurifère, et donc du développement endogène de la Guyane. L'orpaillage illégal constitue un véritable cancer économique et social qu'il faut, sinon éradiquer, du moins réduire. On estime à 120 tonnes d'or primaire le stock d'or à exploiter et à de très nombreuses années d'exploitation l'or secondaire contenu dans les alluvions où les dépôts fluviaux.

La problématique de l'or en Guyane est ainsi très clairement posée : comment en permettre l'exploitation (de l'or comme des autres ressources minérales), condition du développement endogène du département, tout en protégeant le patrimoine de la biodiversité que représente la forêt primaire amazonienne. Cette lutte est également la condition indispensable à une amélioration de la situation sécuritaire de la Guyane.

Je reviendrai dans un instant sur les conséquences dramatiques de l'orpaillage clandestin, mais je voudrais insister sur la difficulté pour concilier la protection de l'environnement et le développement de l'activité économique. Les zones aurifères sont en effet largement situées au coeur du parc amazonien de Guyane. Il vient d'être établi un schéma directeur pour l'exploitation minière en Guyane (SDOM). Ce schéma est contesté, non dans son principe puisqu'il est indispensable, mais dans son zonage. S'il n'appartient pas à notre commission de se prononcer sur la pertinence plus ou moins grande dans ce domaine, il me paraît pourtant évident de faire une remarque de bon sens : l'interdiction d'exploitation pénalisera l'exploitation aurifère légale, nécessaire au développement de la Guyane, et ne dissuadera en aucune façon l'orpaillage illégal. Il s'agit donc de trouver un point d'équilibre entre ces deux objectifs que sont le développement et la préservation de la biodiversité de la forêt guyanaise. Cette constatation est également faite par les professionnels, les élus locaux et la commission commune du Sénat sur les DOM.

Chaque année, on estime à une dizaine de tonnes d'or l'exploitation clandestine. Ce sont entre 5 et 15 000 travailleurs clandestins, pour l'essentiel d'origine brésilienne, qui travaillent en Guyane. Cette activité illégale génère, par ailleurs, une activité très importante en matière d'approvisionnement et de fournitures.

La carte des flux logistiques illégaux qui acheminent hommes et matériel sur les champs aurifères permet d'illustrer de manière très simple le concept d'opérations communes entre les forces armées guyanaises et la gendarmerie. Celles-ci consistent, d'une part à bloquer au maximum les frontières, c'est-à-dire les flux logistiques d'approvisionnement par des barrages routiers et fluviaux et par une multiplication des patrouilles d'interception, et, d'autre part, à entreprendre un certain nombre d'opérations, pour la plupart héliportées, sur les sites d'orpaillage clandestins au coeur de la forêt amazonienne.

J'en viens à présent aux conséquences de l'orpaillage clandestin. Outre les conséquences économiques (pertes de revenus, manque à gagner pour l'Etat, dévalorisation de l'image du secteur légal) et en termes d'emplois (pertes estimées à 40 % du volume des emplois légaux), l'exploitation aurifère illégale entraîne de lourds effets environnementaux et sanitaires.

Sur le plan environnemental, les opérateurs illégaux utilisent du mercure pour amalgamer l'or (cette technique est interdite en France depuis le 1er janvier 2006). Cinq tonnes de mercure sont rejetées chaque année dans le milieu naturel (atmosphérique et fluvial) et empoisonnent l'ensemble de la chaîne alimentaire. Ces rejets provoquent, en effet, un phénomène de bioaccumulation dans les poissons qui sont ensuite consommés par les populations amérindiennes.

Les conséquences en termes de santé publique sont très inquiétantes : on décèle un taux d'imprégnation au mercure supérieur à la norme OMS chez plus de 70 % des enfants amérindiens Wayanas du Haut-Maroni (Inserm, 1998). Les Garimpeiros, pour la plupart miséreux exploités, parfois soumis au travail forcé, sont également les victimes et présentent généralement un statut sanitaire et vaccinal précaire susceptible de contribuer à la propagation des maladies.

L'orpaillage illégal provoque également une très forte augmentation des matières en suspension dans les cours d'eau, qui conduit à un phénomène d'asphyxie des criques avec des conséquences importantes sur la faune et la flore aquatiques.

Contrairement aux opérateurs légaux, les clandestins ne réhabilitent pas les zones orpaillées, ce qui provoque un grave problème de déforestation, et de très importantes modifications du lit des cours d'eau. On estime à 1 333 km les cours d'eau directement impactés (ONF 2006), et à 12 000 ha la surface de forêt guyanaise directement impactée (ONF 2006).

Par ailleurs, les opérateurs illégaux se sont développés, notamment au coeur du parc national, phénomène qui induit un problème pour la politique nationale des espaces protégés et met en doute la crédibilité de la France au niveau international.

Enfin, l'orpaillage clandestin entraîne une augmentation de la criminalité et de la délinquance. Autour des sites abritant les comptoirs logistiques mis en place par la filière minière clandestine - comme ceux que l'on peut observer sur la rive brésilienne de l'Oyapock ou sur la rive Surinamienne du Maroni - se développent des réseaux de drogue, de prostitution ainsi que des trafics d'armes. La violence, qui s'exerce également entre travailleurs clandestins, touche naturellement les populations locales. Cela se traduit, notamment, par des vols de moteurs de bateaux ou d'autres objets utiles pour les orpailleurs clandestins, mais également par des assassinats. Les communautés amérindiennes de Guyane sont très majoritairement opposées à des activités illégales qui provoquent des conflits en occupant les terres, en dégradant un milieu naturel auquel ils sont particulièrement attachés et en exerçant des pressions sur les ressources de pêche et de chasse dont ils tirent leur subsistance.

Ce sont l'ensemble de ces conséquences qui permettent de dire que l'orpaillage clandestin est un véritable fléau qu'il convient d'éradiquer. C'est la raison pour laquelle l'Etat met en oeuvre des moyens importants pour lutter contre ce phénomène.

Depuis son premier déplacement, en février 2008, le Président de la République s'est rendu quatre fois en Guyane. Ces déplacements manifestent la volonté politique de développement des territoires et départements d'outre-mer dans tous les domaines. Plus spécifiquement, les décisions prises à l'occasion de ces déplacements, dans les domaines d'intérêt de la commission (Sécurité et défense) et leur mise en oeuvre, ont permis de créer une dynamique forte.

C'est ainsi qu'en février 2008, le Président a affirmé son ambition de construire une filière aurifère exemplaire en mettant en place une véritable politique minière et industrielle de long terme qui garantisse, dans le respect des engagements du Grenelle de l'Environnement, un développement économique de la Guyane. Il a, en parallèle, lancé la réalisation d'un « schéma départemental d'orientation minière et d'aménagement » qui définisse de façon claire, des zones ouvertes et des zones interdites à l'exploitation minière. Le Président a également renforcé, puis pérennisé, les moyens de lutte contre l'orpaillage clandestin. En février 2010, lors de son quatrième voyage en Guyane, il a annoncé le caractère permanent de l'opération Harpie à compter du 1er mars 2010, le renforcement de la coopération avec le Brésil afin de trouver un règlement concerté à la question de l'orpaillage et la création en 2011 d'une cour d'appel en Guyane qui permettra de traiter sur place les affaires. Il s'agit donc d'une politique globale et cohérente qui lie et conditionne le développement endogène de la Guyane, qui suppose la mise en valeur de ses ressources naturelles, dans le respect de son environnement exceptionnel, à la lutte contre l'insécurité et les activités illégales. Compte tenu du contexte régional et des problématiques partagées, cette politique nationale s'inscrit également dans un cadre international avec le Brésil et le Surinam. Nous aurons du reste à examiner prochainement la convention entre le Brésil et la France pour lutter contre l'exploitation aurifère clandestine pour laquelle nous avons nommé Jean-Etienne Antoinette, rapporteur.

Les objectifs fixés par le préfet à l'opération Harpie, énoncés dans les directives de 2010, sont les suivants :

1 - identifier, paralyser et désorganiser les flux logistiques d'approvisionnement ;

2 - identifier les individus compromis (commerçants/commanditaires, piroguiers assurant les transports, passeurs de clandestins, « veilleurs » etc....) ;

3 - incriminer les auteurs de crimes et délits ;

4 - reconduire les étrangers en situation irrégulière (ESI) à la frontière ;

5 - détruire, après autorisation du Parquet, les matériels servant à l'extraction aurifère illégale ou assurant l'approvisionnement logistiques des sites clandestins ;

6 - remettre en état les sites.

Il est important de souligner que la lutte de l'Etat contre l'orpaillage clandestin est une opération interministérielle qui fait intervenir la plupart des administrations de l'Etat en Guyane : armée, gendarmerie, police, douanes, justice, PAF, immigration, ONF, DRIRE etc.... Elle fait l'objet, sous l'autorité du préfet de Guyane, préfet de la région, d'une coordination étroite.

Le dispositif actuel engage de 350 à 400 hommes des FAG en permanence et 170 gendarmes dont nous avons pu constater la parfaite collaboration.

Ce que nous pouvons dire de ce dispositif, c'est qu'il nous a paru tout à fait opérationnel. Des postes de contrôles fluviaux sont construits par les sapeurs des FAG et armés par des détachements mixtes de gendarmerie et de l'armée de terre. Ces barrages sont évidemment indispensables dans un pays où la voie fluviale est la voie de communication essentielle. Ce sont des barrages dissuasifs empêchant le franchissement illégal à différents points d'entrée des fleuves Maroni et Oyapok. La mission a pu se rendre compte sur place, en visitant les barrages de Saut Tonnelle et de Cayodé, de l'efficacité du dispositif. Pourtant, il y a de régulières tentatives de passage en force et c'est lors de l'une d'elles, en juillet dernier, qu'un de nos soldats a perdu la vie.

Il faut rendre hommage au professionnalisme des militaires engagés sur le terrain dont le sang-froid et la maîtrise méritent d'être soulignés alors même qu'ils interviennent dans un contexte de grande violence, du reste exacerbé par la réussite de l'opération Harpie.

Les résultats de ces opérations sont probants et tout à fait satisfaisants. Le bilan opérationnel 2010 fait état de :

- 1 750 patrouilles d'environ 24 heures autour des PCF ;

- 91 missions de moins de 6 jours (234 jours) ;

- 31 missions de plus de 6 jours (541 jours) ;

- 2 134 heures de vol (avions + hélicoptères) ;

- 5 378 personnes (dont 1 134 gendarmes) et 979 T de fret (dont 237 T pour la gendarmerie) transportées par aéronefs ;

- 17 475 personnes et 723 T de fret transportées par pirogues.

Le bilan des prises 2010 fait état de 312 étrangers en situation irrégulière, 257 pirogues, 111 quads, 2 787 carbets, 542 pompes, 124 groupes électrogènes, 323 tables de levée, 281 m3 de carburant, 137 T de vivres, 52 BLU, 173 armes, 107 kg de mercure, 10 kg d'or (1g = 33 euros), ... pour un total de 9 466 793 euros.

Au vu de ces chiffres, l'opération Harpie donne à l'évidence des résultats probants grâce à sa pérennisation décidée par le Président de la République, à l'excellente coopération interministérielle mise en oeuvre sous l'autorité de préfet et grâce au professionnalisme des forces armées en Guyane (FAG et Gendarmerie).

Le dispositif mis en place est crédible mais il n'est naturellement pas étanche à 100 %. Il est évident que le remède essentiel contre l'orpaillage clandestin sera le développement de l'activité aurifère légale dans des conditions de sécurité et de rentabilité satisfaisantes. Comme je l'ai déjà souligné, cette activité ne pourra se développer qu'avec une extension des possibilités d'exploitation dans un SDOM révisé. Enfin, un accroissement de la coopération avec le Brésil et le Surinam est une condition indispensable du succès.

On constate à l'heure actuelle l'arrêt de l'extension de l'orpaillage clandestin, en particulier par la limitation des flux logistiques. La dégradation des conditions de vie des Garimpeiros, due à l'efficacité des actions entreprises, a de plus une action non négligeable sur leur moral.

Il faut toutefois souligner un certain nombre de difficultés présentes ou à venir dont la première est l'extraordinaire résilience des Garimpeiros qui disposent par ailleurs d'une organisation très sophistiquée.

L'ensemble des interlocuteurs de la mission a souligné les qualités de résilience de l'adversaire, les Garimpeiros brésiliens. Ces hommes, qui travaillent dans des conditions très difficiles, au coeur de la forêt amazonienne, sont particulièrement « rustiques », fatalistes et adaptés au milieu. Leurs qualités de travailleurs ont été particulièrement soulignées. Ils sont exploités et font, pour certains, l'objet d'un travail forcé. Les piroguiers du Maroni, bushinengue surinamais, qui assurent les flux logistiques illégaux, ont une parfaite connaissance du fleuve. Ces hommes sont pour la plupart armés et violents. Ils bénéficient d'évidentes complicités locales dans les pays limitrophes. Le trafic et la consommation de drogue contribuent également à l'augmentation de la violence générale.

L'extrême difficulté de l'acheminement de matériels et de fournitures au coeur de la forêt suppose une organisation sophistiquée à la fois des bases arrières fournissant les approvisionnements et du circuit d'acheminement.

Le moyen de transport le plus évident est bien entendu la pirogue. Compte tenu de l'établissement de barrages fluviaux, des itinéraires de contournement ont été organisés avec un transport des marchandises par quads ou par porteurs. Une fois le contournement effectué, les marchandises sont à nouveau chargées sur des pirogues.

Par ailleurs, les Garimpeiros ont mis en place un réseau de veille et d'alerte très sophistiqué. Des guetteurs sont postés sur tous les axes de communication et avertissent les travailleurs illégaux du départ et de la progression des patrouilles par radio BLU, bénéficiant des dernières technologies. De même, dans les villes, et en particulier à Cayenne, des guetteurs comptent les véhicules de gendarmerie et peuvent en déduire le nombre de ceux qui sont partis en opération.

Afin de compenser les destructions, les Garimpeiros acheminent des matériels de remplacement qui sont cachés dans la forêt et qui pourront être très rapidement mis en oeuvre pour recommencer une exploitation après une opération des forces françaises.

Compte tenu du réseau de veille et d'alerte précédemment signalé, l'effet de surprise n'est pas toujours possible. En prévision de ces interventions, les Garimpeiros peuvent cacher du matériel et s'enfuir momentanément et très rapidement (en quad) dans la forêt avec le stock d'or extrait. Ceci même en cas d'opérations aéroportées par hélicoptères. Notre mission a pu constater en survolant un site d'orpaillage clandestin la remarquable vitesse d'évacuation des Garimpeiros.

Enfin, on remarque un camouflage systématique des installations et le développement de chantiers primaires plus discrets que l'exploitation de l'or secondaire dans les alluvions, les terrasses fluviales ou les éluvions, facilement repérables par la turbidité des cours d'eau qui en résulte.

Deuxième objectif de notre mission : évaluer le dispositif de sécurité déployé autour du centre spatial guyanais de Kourou. Je n'ai pas besoin de souligner le caractère évidemment stratégique pour la France et pour l'Europe de ce centre idéalement placé pour les lancements spatiaux.

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