Intervention de Adrien Gouteyron

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 9 avril 2008 : 2ème réunion
Contrôle budgétaire — Hauts fonctionnaires du ministère des affaires étrangères et européennes - communication

Photo de Adrien GouteyronAdrien Gouteyron, rapporteur spécial :

Au cours d'une seconde séance tenue dans l'après-midi, la commission a enfin entendu une communication de M. Adrien Gouteyron, rapporteur spécial, sur la gestion des carrières des hauts fonctionnaires du ministère des affaires étrangères et européennes.

a indiqué avoir souhaité réaliser un « contrôle à chaud », visant à faire preuve de réactivité, vis-à-vis de l'administration du Quai d'Orsay, à la lecture d'un référé de la Cour des comptes transmis le 6 mars 2008.

Procédant à l'aide d'une vidéo-projection, il a précisé que la lecture de ce référé l'avait en effet préoccupé, puisque la Cour des comptes considérait que 51 hauts fonctionnaires étaient sans affectation et, au total, 164 agents, des grades les plus élevés, sans affectation adéquate.

Ainsi, la formule des ambassadeurs en mission souffrirait « d'insuffisances dans la définition du contenu des missions et partant d'un défaut de légitimité vis-à-vis des services », tandis que la « définition des fonctions de conseiller diplomatique du gouvernement n'avait jamais été prévue et ne correspondait guère à la responsabilité éminente que laisserait espérer cette réalité prestigieuse ».

Par conséquent, M. Adrien Gouteyron, rapporteur spécial, avait souhaité, en application de l'article 57 de la LOLF, réaliser un contrôle « sur pièces et sur place » ponctuel. Il a rappelé qu'il s'était par ailleurs intéressé aux hauts fonctionnaires sans affectation début 2006, sans beaucoup de succès, ayant obtenu peu de chiffres. Le référé de la Cour des comptes, conjugué à ses pouvoirs de contrôle « sur pièces et sur place », lui avait permis de répondre à une double préoccupation :

- une préoccupation budgétaire, puisque l'existence de hauts fonctionnaires ayant un emploi sans rapport complet avec leur grade et leur expérience professionnelle reflétait un problème de sur-effectifs qu'il convenait de corriger ;

- une préoccupation « humaniste », visant à une rénovation de la gestion des ressources humaines de l'Etat, qui consistait à ne pas « gâcher » les talents et l'énergie de ceux qui s'étaient mis au service de notre pays.

a donc rencontré le secrétaire général du ministère des affaires étrangères, M. Gérard Errera, et le directeur général de l'administration, M. Xavier Driencourt. Il a eu également communication du fichier non nominatif des affectations des diplomates de grade le plus élevé (ministre plénipotentiaire et conseiller des affaires étrangères hors classe) le 7 avril 2008.

a fait valoir que le problème démographique de l'encadrement supérieur du Quai d'Orsay était incontestable, sans être d'ailleurs unique dans la fonction publique aujourd'hui. Analysant les affectations des diplomates de haut niveau, il s'est interrogé sur le moment auquel on pouvait considérer qu'il y avait un écart entre la responsabilité et le grade, tout en notant, à quelques exceptions près, que les fonctions occupées étaient réelles, même si certains postes de chargés de mission avaient une portée limitée. Il a souligné les difficultés des diplomates d'avenir à exercer des responsabilités, en raison de « l'embouteillage » des carrières.

A partir des fichiers reçus, il a considéré qu'il existait une tension sur les carrières, persistante et préoccupante. Même s'il était toujours possible de discuter ces chiffres, il a relevé un écart entre les grades (370) et les postes à responsabilité (300) d'environ 70, près d'1 sur cinq, et noté que ces 70 personnes correspondaient en partie à des postes pouvant être resserrés et, en partie, à des postes devant être occupés par des fonctionnaires plus jeunes, et donc moins rémunérés.

a précisé que le contrat de modernisation du Quai d'Orsay 2006-2008, signé entre le ministre des affaires étrangères de l'époque et son homologue du budget, prévoyait déjà la diminution et le « repyramidage » des effectifs d'encadrement supérieur à hauteur de 73 postes, mais qu'au total, seulement une cinquantaine de départs « bruts » avaient eu lieu. Or il a indiqué que le nombre de départs à la retraite en 2008 (17) était proche du nombre attendu de promus (14), même si, pour 2008, on recensait 7 diplomates concernés par un congé de fin d'activité.

a regretté que le contrat de modernisation 2006-2008 ait été imparfaitement respecté par les parties. En effet, il a précisé que, d'une part, le ratio promus/promouvables, déjà faible, n'avait pas pu être abaissé pour des raisons « sociales » évidentes, et que, d'autre part, la politique de placement des cadres en dehors du ministère restait très embryonnaire. Le ministère du budget n'avait donné que fin 2007 son accord au dispositif de fin d'activité, qui équivalait, pour 20 personnes, à une préretraite, alors qu'il se terminait au 30 juin 2008. Enfin, il a précisé que la gestion prévisionnelle des effectifs, des emplois et des compétences n'en était qu'à ses tous débuts.

S'agissant du dispositif de fin d'activité, il a indiqué que le délai de deux ans entre l'élaboration du dispositif et son lancement était imputable à la direction du budget, qui avait résisté à la mise en place d'une mesure pourtant prévue par le contrat de modernisation qu'elle avait signé.

a noté que le phénomène pourrait s'aggraver à l'avenir, le nombre de consulats généraux ayant tendance à se réduire. La modernisation des structures pourrait aussi réduire les postes disponibles. Dans ce contexte, les nominations « à la discrétion du gouvernement » avivaient les tensions. Le rapprochement des corps de conseiller économique et de conseiller des affaires étrangères devait être programmé, en application de la révision générale des politiques publiques. De manière générale, l'ouverture du métier de diplomate à des profils diversifiés étant une nécessité, et il y aurait donc une concurrence accrue pour accéder à la responsabilité d'ambassadeur.

Dans le même temps, il a considéré que les diplomates n'étaient pas encore en nombre suffisant dans les autres ministères, malgré quelques exceptions, en raison notamment du différentiel de rémunération entre la France et l'étranger.

De ce fait, il a formulé des propositions concrètes afin de réduire les difficultés concernant tant les agents les plus expérimentés, qui ne trouvaient pas un poste à la hauteur de leurs mérites, que les plus jeunes, qui avaient des perspectives de carrière limitées.

Il a rappelé la nécessité de resserrer les grades les plus élevés de l'encadrement supérieur, en diminuant le nombre de ministres plénipotentiaires et de conseillers hors classe d'environ 70 personnes supplémentaires, afin d'obtenir une meilleure pyramide des âges et des grades, et, en outre, de supprimer environ 30 postes afin d'éviter certains sous-emplois.

Il a souligné que le rythme actuel des départs à la retraite ne résoudrait le problème démographique actuel qu'en 2012, et qu'une politique d'incitation au départ volontaire devait agir vite, la situation actuelle freinant la réforme du ministère, et empêchant la promotion des plus jeunes fonctionnaires. S'il a jugé que le dispositif de préretraites ne pouvait être prolongé, il a considéré qu'il fallait créer un nouveau dispositif, conforme aux orientations du gouvernement.

Dans le cadre du projet de loi sur la mobilité des fonctionnaires présenté en Conseil des ministres le jour même, M. Adrien Gouteyron, rapporteur spécial, a précisé qu'un projet de décret du ministère du budget, de la fonction publique et des comptes publics prévoyait, en cas de restructuration des services, une prime d'incitation au départ pouvant aller jusqu'à deux années de rémunération. Il a relevé qu'il apparaissait difficile d'aller au-delà, même pour l'encadrement supérieur, d'autant plus que le problème n'était pas spécifique au Quai d'Orsay. A titre de comparaison, il a observé que, dans le secteur privé, la prime légale de licenciement économique, certes exonérée d'impôt, était moins favorable.

Par conséquent, M. Adrien Gouteyron, rapporteur spécial, a préconisé deux mesures :

- un plan d'urgence, conjoncturel, pour les diplomates les plus gradés, âgés de plus de 55 ans, avec un encouragement au départ à la retraite, une recherche de mobilité accrue au sein des différents ministères et collectivités territoriales, une restructuration du corps des ministres plénipotentiaires faisant jouer la prime d'incitation au départ volontaire à son niveau maximum, qui pourrait être financée par le fonds de modernisation annoncé par le Président de la République ;

- un plan structurel, de « 2è carrière », pour les diplomates en milieu de carrière, avec une gestion prévisionnelle des carrières anticipant sur l'évolution individuelle de chaque diplomate, une incitation au départ intervenant « tôt » dans la carrière, à 40 ou 45 ans, afin d'amorcer une reconversion dans de bonnes conditions, une cellule de reclassement faisant appel à des cabinets privés et à des primes d'incitation au départ dégressives en fonction de l'âge, financées par le ministère.

Ces mesures n'étaient pas nécessairement aisées à accepter pour les intéressés, elles avaient par ailleurs un coût, et elles ne devaient pas concerner uniquement le Quai d'Orsay. Toutefois ce ministère devait jouer un rôle d'expérimentateur pilote, dans le cadre de la mise en oeuvre de la future loi sur la mobilité des fonctionnaires.

Un large débat s'est ensuite engagé.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion