Intervention de François Patriat

Mission commune d'information sur la désindustrialisation des territoires — Réunion du 15 décembre 2010 : 1ère réunion
Audition de Mm. François Patriat sénateur président du conseil régional de bourgogne yves daudigny sénateur président du conseil général de l'aisne yves goasdoué président de la communauté d'agglomération du pays de flers et bernard granié président du syndicat d'agglomération nouvelle ouest provence

Photo de François PatriatFrançois Patriat, président du conseil régional de Bourgogne :

En écoutant mes collègues, je me demande comment trouver la voie moyenne entre le désespoir et la béatitude. A première vue, la Bourgogne semble être une région privilégiée avec ses ressources viticoles et son patrimoine historique et naturel. Elle a également bénéficié du premier TGV de France qui assure toujours la liaison entre Montbard et Paris en moins d'une heure ; elle est également dotée d'un réseau autoroutier qui dessert très largement la Saône-et-Loire, la Côte-d'Or et la Nièvre, et pourtant elle figure parmi les quatre dernières régions s'agissant de la démographie. Malgré la présence du TGV à Montbard, les entreprises du pôle nucléaire ne parviennent pas à recruter.

S'agissant de l'impact de la réforme de la taxe professionnelle, les premières simulations montrent que les investissements sur les activités résidentielles vont l'emporter sur ceux orientés vers l'industrie. Ainsi, les collectivités territoriales qui se sont mobilisées pour accueillir sur leur territoire des industries vont être lésées. Il faudra apporter très rapidement des correctifs sur ce point.

Pour revenir à la Bourgogne, je tiens à souligner qu'elle occupe le sixième rang national en termes d'emplois industriels, ceux-ci représentant 25 % des emplois répartis dans 7 800 établissements. C'est la raison pour laquelle la région a été durement touchée par la crise avec près de 1 000 emplois perdus chaque mois depuis 2008 ! A titre d'exemple, la fermeture de Dim à Autun (1 000 emplois), de Kodak à Chalon-sur-Saône (1 200 emplois), de Thomson (1 500 emplois) ou encore de la fabrique de grues Potin (900 emplois)... Ces pertes de postes sont malheureusement irrémédiables et les efforts que nous déployons pour créer de nouveaux emplois dans les filières d'avenir ne permettront pas de les compenser. Ainsi, nous avons suscité la création de cinquante emplois dans le secteur photovoltaïque, soixante-dix emplois dans la chaufferie au bois, plusieurs dizaines dans l'éolien. Bref, au total, nous atteindrons à peine mille nouveaux emplois. J'observe d'ailleurs que ce sont davantage les petites entreprises de quarante à cinquante salariés qui portent la reprise mais elles sont fragiles et ne sont souvent pas en mesure d'exporter.

Nous avons néanmoins deux pôles de compétitivité qui marchent bien : Vitagora dans le domaine de l'agro-alimentaire et le pôle nucléaire, qui représente un fort potentiel de développement pour notre région et qui regroupe Areva et Vallourec. Autre fierté, la reconversion réussie de l'ancien site historique industriel du Creusot, qui a connu des heures difficiles dans les années 80 avec la fin des hauts fourneaux et la disparition du site de Schneider. La ville a su rebondir en pariant sur l'industrie et a finalement recréé plus d'emplois qu'avant 1984, grâce à la présence du site de production de l'EPR et d'Alstom.

Par ailleurs, je pense à l'exemple de Gewiss, dans le canton du Liernais, qui fabrique des chemins de câbles et que nous avons accompagné, suite à une catastrophe naturelle qui avait détruit l'entreprise et menaçait l'emploi de cent-vingt salariés. Sans le soutien du conseil régional et du conseil général, le groupe italien aurait renoncé à reconstruire une usine. C'est plus de 20 millions d'euros qui ont ainsi été investis pour recréer un centre d'excellence avec cent-cinquante salariés, les investisseurs italiens du groupe ayant souhaité conserver cette implantation pour préserver le savoir-faire local. Pourtant, le canton est très isolé des principaux axes de transports. C'est donc la qualité de la main-d'oeuvre qui a convaincu les propriétaires du groupe de maintenir le site.

Parallèlement à ces actions de sauvetage, nous avons également multiplié les initiatives en faveur du développement économique. Depuis 2008, le conseil régional a mis en place un plan de soutien à l'économie complété depuis par quatre séries de mesures :

- poursuite et intensification du soutien aux projets structurants et aux investissements créateurs d'emplois ;

- mise en place d'un plan régional de soutien aux entreprises et d'un plan d'accompagnement pour les salariés en difficulté de 23 millions d'euros ;

- réaffirmation du rôle moteur de l'innovation pour favoriser la sortie de crise ;

- soutien à l'émergence et à la structuration de nouvelles filières et de pôles de compétences.

Pour soutenir les projets structurants et les investissements créateurs d'emplois, nous avons mis en place une plateforme régionale de fonds propres en partenariat avec Oséo, la Caisse des dépôts et consignations, et les sociétés régionales de capital-risque et d'investissement ; des prêts « création-transmission » associé à un dispositif de suivi des créateurs ; un soutien et un accompagnement à l'export, 5 % seulement des entreprises bourguignonnes vendant leur production à l'étranger.

S'agissant du soutien aux entreprises en difficulté, nous avons instauré un prêt régional de soutien aux PME en complément de concours bancaires ; nous avons augmenté le montant du fonds de garantie de 31 millions à 51 millions d'euros ; nous avons institué un conseil stratégique pour l'innovation ainsi qu'un partenariat avec l'Institut national de la propriété intellectuelle (Inpi).

Pour les salariés, nous avons institué un fonds de mobilité pour la prise en charge des frais de déplacement liés à la formation et développé l'accompagnement financier des plans de restructuration au travers de prêts dédiés en complément de ceux accordés par l'Etat via le Fonds stratégique d'investissement (FSI).

Pour favoriser l'innovation, nous avons mis en oeuvre une série de mesures nouvelles pour stimuler la recherche et soutenir les entreprises dans leurs investissements de R&D. Cela se traduit en particulier par la création de pépinières technologiques ou de plateformes dédiées aux entreprises ; des projets structurants associant recherche publique et recherche privée ; des soutiens aux filières émergentes et aux jeunes créateurs avec l'institution d'une bourse permettant de financer les travaux de jeunes doctorants ayant un projet de création d'entreprise.

Ce qui me frappe le plus, c'est notre difficulté à trouver des ingénieurs ou des salariés qualifiés dans le domaine de l'industrie, alors que ces métiers offrent aux jeunes de réelles opportunités. Dans le domaine nucléaire par exemple, nous avons 300 emplois à pourvoir avec des salaires de départ de l'ordre de 1 600 à 1 800 euros et des progressions de carrière attractives.

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