ministre auprès de la ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique. - C'est bien volontiers que je vais parler avec vous de la désindustrialisation potentielle des territoires.
Je souhaite évoquer avec vous trois enjeux : tout d'abord, les chiffres n'indiquent pas tous une véritable désindustrialisation. Je vous rappellerai ensuite les actions prises par le Gouvernement depuis la crise en 2008 pour permettre à notre industrie de résister et je vous présenterai enfin mes priorités en matière de politique industrielle dans les dix-huit prochains mois pour lutter contre une éventuelle désindustrialisation et surtout pour muscler notre industrie afin qu'elle soit plus forte et plus innovante.
En matière de désindustrialisation, le constat doit être nuancé. Deux indicateurs sont généralement utilisés pour étayer l'idée d'une désindustrialisation de nos territoires : l'emploi industriel tout d'abord, qui au regard, des statistiques, a en effet diminué d'un tiers entre 1980 et 2007 et le poids de l'industrie dans le PIB, qui, en valeur, est passé de 24% à 13,8% entre 1980 et 2008. Et pourtant, ces chiffres sont en partie trompeurs s'ils ne sont pas replacés dans un contexte plus général. Les chiffres de l'emploi industriel et de la part de l'industrie dans le PIB ne reflètent en effet ni les considérables gains de productivité qu'a réalisés notre industrie, ni l'évolution de notre économie productive.
Sur les gains de productivité, quand on regarde l'activité économique, non pas en valeur, mais en volume, c'est-à-dire lorsqu'on regarde la quantité réelle qui est produite, on s'aperçoit que la part de l'industrie en volume dans notre économie a peu évolué : alors que cette part était de 17,7% en 1998, elle en est restée très proche à 16,4% en 2008.
La baisse de la part de l'industrie dans le PIB en valeur traduit donc surtout les gains de compétitivité importants qui ont été réalisés par nos entreprises et qui sont de l'ordre de 4% par an entre 1998 et 2007. Ces gains de compétitivité, qui sont la condition même du maintien durable de notre industrie, ont été obtenus par une amélioration continue des processus de production. Ces progrès sont indispensables face à la montée en puissance des pays émergents, car sans gains de compétitivité, nous ne serions plus compétitifs.
Plus que de désindustrialisation, il faut donc parler de transformation de notre industrie. Cette transformation concerne également l'équilibre entre industrie et services. Un grand nombre de fonctions que les entreprises industrielles effectuaient en interne ont été confiées à des entreprises de services spécialisées, d'où transfert d'emplois de l'industrie vers les services.
La création en France, au cours des vingt dernières années, de 2,4 millions d'emplois de service aux entreprises a ainsi plus que compensé sur un plan numérique le déclin de l'emploi industriel, même si ce ne sont pas les mêmes types d'emplois.
Sur les dix dernières années, le secteur des services a ainsi créé plusieurs centaines de milliers d'emplois : 310 000 emplois pour l'intérim, 290 000 pour le nettoyage et la sécurité, 110 000 dans le secteur informatique, 90 000 pour celui de l'administration d'entreprises. Une partie non négligeable de la baisse de l'emploi industriel observée dans les statistiques correspond donc à un transfert d'emplois, auparavant industriels, vers les services. Selon une étude menée par la direction générale du trésor en février 2010, ces transferts d'emplois expliqueraient à eux seuls 25% de la baisse de l'emploi industriel apparent sur la période 1980-2007.
Au-delà de ces mutations de fond, le sentiment de désindustrialisation provient par ailleurs de la perception que l'on a du phénomène des délocalisations. Toutes les études réalisées sur le sujet tendent cependant à relativiser l'ampleur numérique de ce phénomène.
D'après les travaux de l'INSEE, pour l'industrie hors énergie, les délocalisations auraient concerné 13 500 emplois par an en moyenne depuis 1995. Il ne s'agit pas de nier ces faits, mais de rappeler que les délocalisations concernent 0,35% des emplois industriels en France. C'est déjà trop, et je mesure pleinement les conséquences que cela a sur de nombreuses familles, mais ces chiffres sont bien éloignés du sentiment de délocalisations massives que la médiatisation de certains évènements peut parfois engendrer.
Il faut surtout rapprocher ces chiffres de ceux relatifs aux relocalisations d'activités industrielles. On observe en effet depuis quelques années des exemples de plus en plus nombreux d'entreprises françaises parties produire à l'étranger et qui décident finalement de revenir produire en France. Un seul exemple récent, celui de la société de skis Rossignol, qui a décidé en septembre 2010 de rapatrier dans son usine de Sallanches la production de 60 000 paires de skis jusqu'ici produites par un sous-traitant taïwanais.