Intervention de Éric Besson

Mission commune d'information sur la désindustrialisation des territoires — Réunion du 15 décembre 2010 : 1ère réunion
Audition de M. Eric Besson ministre auprès de la ministre de l'économie des finances et de l'industrie chargé de l'industrie de l'énergie et de l'économie numérique

Éric Besson, ministre :

J'essayais de parler des arbres et de la forêt !

Une trentaine de cas ont ainsi été recensés depuis 2005, illustrant que le facteur coût du travail n'est pas le seul déterminant de la compétitivité. Plus de 6 000 emplois ont été recréés ou maintenus grâce à ces relocalisations.

Le constat doit donc être plus nuancé, car plutôt que de parler de désindustrialisation, il serait préférable d'évoquer la mutation de notre système productif.

J'en viens maintenant à l'action que mène l'État pour défendre notre industrie, notamment depuis le début de la crise en 2008.

Nous avons d'abord essayé d'anticiper les difficultés des entreprises pour les aider à les surmonter. Je ne citerai ici que quelques dispositifs parmi ceux que le Gouvernement a mis en place. La création de la Médiation du crédit, sous l'égide de René Ricol puis de Gérard Rameix, a permis de limiter les effets de la crise. Les résultats, fin novembre 2010, sont parlants : 3,22 milliards d'encours de crédit débloqués, 13 000 entreprises confortées et 227 000 emplois préservés.

Un médiateur de la sous-traitance a également été nommé, M. Jean-Claude Volot, afin de lutter contre les pratiques de certains donneurs d'ordres, qui mettent en péril leurs sous-traitants. Les équipes de M. Volot traitent en ce moment environ une quinzaine de cas de médiation collective - lorsque les sous-traitants se groupent à plusieurs pour dénoncer une pratique déloyale de leurs donneurs d'ordres - et environ 70 cas de médiation individuelle.

Le Comité interministériel de restructuration industrielle (CIRI), qui n'est pas un outil nouveau, puisqu'il existe depuis 1982, a vu ses effectifs renforcés pendant la crise, et a sauvé 69 entreprises, soit près de 100 000 emplois en 2009. A titre d'exemple, le CIRI a sauvé la société SG Desjonquères, spécialisée dans les flaconnages pour parfums, en obtenant des 72 banques de la société qu'elles se mettent autour de la table et qu'elles injectent 140 millions dans la société. Grâce à cette action du CIRI, 6 000 emplois ont été sauvés. Nous avons également créé dans le même ordre d'esprit dix commissaires à la réindustrialisation, dans les dix régions les plus touchées par la crise, et qui ont pour mission d'identifier et d'aider les entreprises les plus en difficultés.

Notre commissaire en Midi-Pyrénées, M. Robert Castagnac, s'est mobilisé sur les nombreux dossiers de restructuration qu'a connus cette région. Un soutien spécifique a également été apporté aux filières les plus durement touchées, notamment le secteur automobile. Grâce à la stratégie d'une sortie progressive de la prime à la casse, le marché automobile français a mieux résisté que le marché européen. Plus d'un million de primes à la casse ont été accordées depuis début 2009, 2 300 000 voitures ont été vendues en 2009 et le chiffre de vente reste très honorable pour 2010.

Enfin, le gouvernement a encouragé la revitalisation des territoires, politique à laquelle vous êtes particulièrement attentifs. L'obligation de revitalisation est financée par les entreprises de plus de 1 000 salariés qui réalisent une restructuration affectant de manière significative un territoire. La mise en oeuvre de cette obligation légale se traduit chaque année par un financement privé de l'ordre de 50 millions représentant environ 400 conventions de revitalisation signées et mises en oeuvre par les entreprises concernées.

Le Président de la République a par ailleurs souhaité créer un dispositif pour renforcer encore l'accompagnement des territoires. C'est dans cet objectif qu'a été créé en 2008 le fonds national de revitalisation des territoires (FNRT), qui mobilise 135 millions de prêts sans garanties. Depuis juin 2009, 62 territoires ont été déclarés éligibles pour un montant plafond de prêts de 100 millions et 171 prêts ont été accordés, permettant de mobiliser 300 millions de financements publics et privés grâce à l'effet de levier.

Un dispositif d'aide à la réindustrialisation a été mis en place en juillet 2010 dans le cadre des États Généraux de l'Industrie, avec une enveloppe de 200 millions pour les investissements d'avenir. Ce nouveau dispositif de soutien à l'investissement permettra d'accompagner une quarantaine de projets sur trois ans. Un premier projet à été retenu en août, celui de la fonderie Loiselet à Dreux. Une dizaine de manifestations d'intérêt sont en cours d'analyse par mes services et un nouveau projet fera l'objet d'une aide d'ici à la fin de la semaine, sur une société de papiers d'hygiène située dans l'Ardèche.

L'État n'est donc pas resté inactif et a mis en oeuvre toute une série de dispositifs pour répondre aux enjeux liés à la crise économique et financière. Bien plus, au-delà des efforts engagés, nous menons aujourd'hui une politique industrielle structurelle et durable afin de rendre nos industries plus fortes et plus innovantes.

J'ai eu l'occasion, le 1er décembre, lors de la conférence de presse des ministres de Bercy, d'exposer mes priorités, afin que dans les dix-huit mois à venir, tout soit mis en oeuvre pour rendre notre industrie encore plus forte et plus innovante.

Je compte tout d'abord poursuivre la mise en place des vingt-trois mesures des Etats généraux de l'industrie, annoncées par le Président de la République le 4 mars. J'ai ainsi réuni hier, mardi 14 décembre, la Conférence nationale de l'industrie (CNI), qui rassemble l'ensemble des parties prenantes concernées par le développement de notre industrie, pour leur donner leur feuille de route des dix-huit mois à venir. Si nous voulons atteindre l'objectif fixé par le Président de la République, qui est d'augmenter la part de l'industrie dans le PIB de plus de 25% à horizon 2015, nous devons agir tous ensemble, de manière collective, et c'est à la CNI de le faire.

Au-delà des Etats généraux de l'industrie, j'entends également développer toute une série d'actions qui permettront de renforcer notre tissu productif. Nous devons mieux comprendre les causes de notre manque de compétitivité vis-à-vis de l'Allemagne. Tout indique que notre compétitivité comparée à celle de notre voisin est en train de se dégrader dans des proportions qui deviennent importantes. Michel Didier, président de Rexecode, me remettra début janvier un rapport sur la compétitivité France-Allemagne, tandis que Xavier Bertrand et moi-même lancerons une concertation sur le coût du travail qui apparaît comme l'une des explications de ce différentiel.

Je souhaite aussi renforcer la politique en matière d'innovation, car si nous disposons déjà de solides atouts, notamment grâce au crédit impôt recherche (CIR), qui représente une dépense de 4 milliards pour l'État chaque année, nous devons continuer à renforcer l'innovation dans notre pays. Je crois au potentiel de développement du véhicule électrique et je viens de signer récemment une convention entre l'État et l'ADEME qui affecte 1 milliard au développement des véhicules du futur.

De manière plus générale, je souhaite que l'industrie tire le plus de bénéfices possibles des 35 milliards des investissements d'avenir. Je pense notamment aux 71 pôles de compétitivité : ils doivent se structurer davantage pour bénéficier des investissements d'avenir. Les pôles sont par exemple les mieux à même de répondre aux appels à projets lancés sur les instituts de recherche technologique (IRT) dotés d'un financement de deux milliards, ainsi que sur les instituts d'excellence dans les énergies décarbonnées (IEED), dotés d'un milliard. Les pôles de compétitivité sont en outre concernés par la quasi-totalité des actions des investissements d'avenir.

Je souhaite également que des pôles de compétitivité européens soient créés, pour que l'effet de synergie joue au maximum et j'enverrai prochainement au Commissaire Tajani en charge de la politique industrielle les propositions de la France pour que de véritables pôles de compétitivité européens émergent. Je milite à cet égard pour qu'une véritable politique industrielle se concrétise, et je me réjouis que le commissaire Tajani croie à la nécessité d'une politique industrielle européenne. La France a été très active dernièrement dans l'adoption de conclusions en ce sens.

Je souhaite à cet égard que les travaux sur le brevet communautaire se poursuivent et je me réjouis que onze pays, dont la France, aient décidé de se lancer dans une coopération renforcée en la matière. Je souhaite également que nous créions au niveau européen un fonds européen de capital-risque pour les entreprises innovantes.

Vous le voyez, le Gouvernement est actif et continuera à l'être encore davantage. Nous avons aidé les entreprises françaises à résister mieux que la moyenne européenne pendant la crise, et donc à maintenir l'emploi en France, et nous continuerons à aider les entreprises françaises à aller de l'avant.

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