Intervention de Anne-Marie Couderc

Commission de la culture, de l'éducation et de la communication — Réunion du 2 mars 2011 : 1ère réunion
Audition de Mme Anne-Marie Couderc directrice générale de presstalis

Anne-Marie Couderc, directrice générale de Presstalis :

J'ai succédé à M. Rémy Pflimlin au poste de directeur général de Presstalis, messagerie de presse anciennement connue sous le nom de « Nouvelles messageries de la presse parisienne » (NMPP). J'ai désormais en charge une entreprise qui évolue dans un secteur, celui de la distribution de la presse, exposé à de profondes mutations et des enjeux qui vont bien au-delà de problèmes purement industriels.

Ma nomination est intervenue dans un contexte particulier, au début de l'année 2010, au sortir d'une période de crises violentes qui ont affecté le secteur de la presse en 2009. L'économie des éditeurs de presse magazine et quotidienne s'en est trouvée profondément bouleversée. La distribution de la presse était déjà soumise à des évolutions importantes, notamment liées aux mutations technologiques de la diffusion de la presse sur les nouveaux médias.

Presstalis assure entre 75 et 80 % de la distribution de la presse. À la différence des Messageries lyonnaises de presse (MLP), nous transportons des flux particulièrement importants de presse quotidienne. Or, ce type de presse représente des contraintes considérables liées à la nécessité de servir, tous les jours, chaque point de vente du territoire métropolitain mais également à l'étranger. En matière de distribution de la presse quotidienne, il s'agit pour nous d'être présents, dès le matin, à l'ouverture des différents points de vente, ce qui suppose d'organiser un travail de nuit lourd.

Le système coopératif dans lequel s'inscrit Presstalis est régi par les dispositions de la loi « Bichet » de 1947, qui a connu jusqu'ici quelques aménagements mineurs sans jamais avoir été touchée dans ses principes fondamentaux. Notre messagerie est aujourd'hui détenue à hauteur de 51 % par des coopératives d'éditeurs de presse et de 49 % par le groupe Lagardère qui a succédé en propriété aux messageries Hachette. Compte tenu des difficultés financières majeures que nous avons connues en 2009 et des évolutions auxquelles nous devons procéder en 2010, le Premier ministre a chargé M. Bruno Mettling de dresser un état des lieux du secteur de la distribution de la presse et de formuler des préconisations en vue du redressement de notre entreprise. Cette démarche s'inscrivait dans la dynamique enclenchée par le Président de la République avec l'ouverture des États généraux de la presse écrite.

Le rapport de M. Bruno Mettling a permis, en mai 2010, de passer un accord entre, d'une part, les éditeurs et le groupe Lagardère, et, d'autre part, l'État qui subventionne de façon substantielle la distribution des quotidiens nationaux. L'entreprise s'est engagée à un certain nombre de réformes structurelles. La perte d'exploitation enregistrée à la fin de l'année 2009 a été évaluée à une quarantaine de millions d'euros. Une partie de l'exploitation était plus équilibrée du côté des publications magazines, l'activité la plus déficitaire étant la distribution des quotidiens.

L'État s'est engagé à porter sa subvention aux quotidiens à 18 millions d'euros d'une manière pérenne et annuelle. Il s'est également engagé à apporter, à la fin de 2010, une aide complémentaire structurelle en faveur des éditeurs de quotidiens de l'ordre de 20 millions d'euros. L'État a rempli ses engagements.

De leur côté, les éditeurs se sont engagés à diminuer le nombre de coopératives au sein du capital de Presstalis. Le groupe Presstalis comprenait auparavant huit coopératives (trois au sein de Transports Presse et cinq au sein de Presstalis), ce qui expliquait en partie son manque de réactivité. Par conséquent, les éditeurs ont accepté de réduire ses coopératives au nombre de deux : une pour les magazines, et une autre pour les quotidiens. Cela est effectif depuis le mois de décembre. Il est à noter que la distribution des magazines constitue près de 80 % du chiffre d'affaires de Presstalis. Par ailleurs, les éditeurs se sont également engagés à apporter à l'entreprise des fonds en capital à hauteur de 16 millions d'euros, répartis au prorata de leur chiffre d'affaires dans l'activité de Presstalis.

Pour sa part, le groupe Lagardère s'est engagé à apporter des fonds sous la forme de subventions ou d'apports en capital, et d'abandonner les 49 % qu'il détenait dans une des filiales bénéficiaires de Presstalis, à savoir l'actuelle société Mediakiosk dont le capital total est valorisé à 48 millions d'euros. Jusqu'ici, le groupe Lagardère a apporté 13 millions d'euros au capital de Presstalis et est appelé à lui verser une quote-part supplémentaire de 10 millions d'euros dans les mois à venir. Le 30 juin 2011, le groupe Lagardère devra être sorti complètement du capital de Presstalis pour en céder l'entière propriété aux éditeurs.

Les efforts de redressement de la situation de Presstalis doivent également s'inscrire dans une réforme de la logistique de la distribution en région parisienne et s'accompagner d'une diminution des effectifs du siège.

Le rapport de M. Bruno Mettling avait procédé à une analyse des surcoûts sociaux de Presstalis. Nous disposons d'une main d'oeuvre payée dans des conditions qui se distinguent très sensiblement de celles applicables à une main d'oeuvre de même niveau au sein d'une entreprise ordinaire. Une convention collective et de multiples accords internes encadrent ces surcoûts sociaux. Nous estimons que notre masse salariale représente un coût en moyenne de 30 % supérieur à ce qui devrait être la règle habituelle dans les entreprises analogues de distribution de la presse. À l'intérieur de ces surcoûts, évalués à 74 millions d'euros par rapport au coût de la masse salariale dans une société analogue, ce qui relève du surplus social devrait être de l'ordre de 50 %. Cette situation impose des réorganisations industrielles assez lourdes, ce qui nous a conduits, en région parisienne, à réformer en profondeur un établissement sans pour autant le fermer.

Dans ses préconisations, le rapport de M. Bruno Mettling tablait sur des économies de l'ordre de 20 millions d'euros en région parisienne. Nous réaliserons 17 millions d'économies par le biais de restructurations, les 3 millions restant devant être dégagés par des négociations avec les organisations syndicales qui s'avèrent ardues compte tenu du climat social tendu.

Un plan de départs sur le siège de 100 personnes est envisagé. Il s'agit d'adapter le siège de notre société au dimensionnement qui devrait être le sien compte tenu de la réduction de son revenu au cours de ces dernières années. M. Bruno Mettling avait identifié 55 millions d'euros d'économies à générer sur deux années pleines. Grâce à nos efforts, nous nous situons, en année pleine, sur une économie de déjà 61 millions d'euros. Mais cela reste insuffisant. Il faut garder à l'esprit que la contraction de la vente au numéro continue de nous faire perdre près de 15 millions d'euros de marges. Nous devons donc nous attacher à poursuivre nos plans d'économies et d'optimisation de nos moyens logistiques.

C'est pourquoi nous nous lançons désormais dans des redéploiements. La messagerie est un outil fantastique : nous gérons les flux financiers de livraison du papier jusqu'aux diffuseurs sur l'ensemble du territoire, voire au-delà à l'étranger ; nous gérons également des flux d'informations en analysant ce qui est vendu et ce qui ne l'est pas, et en étudiant les comportements d'achat de la presse au sein des familles ; enfin, nous gérons des flux logistiques. Notre entreprise évolue dans un secteur particulièrement réglementé. Toutefois, nous disposons, en interne, de compétences remarquables et de personnels passionnés par leurs métiers, et très mobilisés.

J'aimerais ajouter que M. Bruno Mettling nous avait fortement incités à travailler à la mise en place d'une comptabilité analytique afin d'identifier les sources de nos pertes. Nous avons ainsi démontré que c'est essentiellement la distribution de la presse quotidienne qui génère des coûts spécifiques aussi bien sur le niveau 1 des messageries, qui réceptionnent l'ensemble des paquets de quotidiens à distribuer, que sur le niveau 2 des dépositaires et le niveau 3 des diffuseurs.

Nos efforts de rationalisation s'inscrivent ainsi dans la résolution de la problématique globale de l'ensemble de la profession. Nous sommes décidés à réformer le niveau 2, compte tenu du maillage trop important de notre territoire en termes de dépôts. Le marché des dépositaires fait intervenir aussi bien des messageries telles que Presstalis et les MLP que des dépositaires indépendants. Autant les messageries ont entrepris des efforts considérables au niveau de leurs propres dépôts, autant il demeure difficile d'inciter les dépositaires indépendants à nous rejoindre dans ce sens.

Nous devons également prendre en compte la problématique du portage. Dans ce secteur, les acteurs sont multiples et comprennent La Poste, les entreprises de portage mais aussi l'État qui subventionne très fortement aussi bien le portage que la vente au numéro. À tout le mieux, le portage permet de stabiliser la dégradation de la diffusion de la presse, sans pour autant parvenir à renverser l'érosion des ventes. D'une façon générale, la distribution de la presse est un secteur d'activité qui nécessite une approche de professions et de filières. Cette analyse m'a conduite à préconiser un panel de solutions coordonnées associant d'autres partenaires que Presstalis.

En 2010, nous devrions enregistrer une perte évaluée à 24 millions d'euros. L'année 2011 ne permettra pas le retour à l'équilibre, que nous visons plutôt en 2012. Le secteur de la distribution de la presse est considérablement subventionné par les deniers publics. C'est pourquoi je tiens à rencontrer de façon régulière les pouvoirs publics afin de rendre compte de l'activité de mon entreprise.

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