Intervention de Adrien Gouteyron

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 6 octobre 2010 : 1ère réunion
Conventions fiscales — Examen du rapport

Photo de Adrien GouteyronAdrien Gouteyron, rapporteur :

Comme l'écrivait Marcel Proust, « les vrais paradis sont les paradis qu'on a perdus »... Notre commission a déjà examiné, depuis le début de l'année, vingt et un accords ou avenants à des conventions relatifs à l'échange de renseignements en matière fiscale. Elle est aujourd'hui saisie de sept nouveaux projets de loi visant à ratifier autant d'accords d'échange d'informations conclus, respectivement, avec Antigua et Barbuda, la Grenade, Saint Christophe et Niévès, Sainte Lucie, Saint Vincent et les Grenadines, l'Uruguay, enfin le Vanuatu.

Il s'agit de territoires ou d'Etats à la fiscalité très allégée. Ils ont passé avec la France un accord d'échange de renseignements en vue de satisfaire à la norme établie par l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), qui requiert la signature de douze accords ou clauses équivalentes pour ne plus apparaître sur la liste, dite « grise », des Etats non coopératifs.

Les accords en cause sont identiques. Chacun d'entre eux tend à donner à la France la possibilité de demander, aux autorités de l'autre Etat contractant, tous les renseignements pertinents pour la bonne application de notre droit fiscal par nos administrations ou nos tribunaux. Il convient de préciser que notre pays, dans le cadre de la négociation, n'a accordé aucune contrepartie à ses cocontractants.

Il n'est pas possible d'estimer, même en termes d'ordre de grandeur, la part de la fraude fiscale qui impliquerait des opérateurs profitant de la faiblesse actuelle du dispositif d'échange de renseignements. Toutefois, on peut raisonnablement supposer que le risque d'évasion est significatif, eu égard à la structure de l'économie et à l'organisation fiscale des pays en cause. La ratification de ces accords est donc nécessaire.

Je signale que l'obligation de transmettre des renseignements pertinents à la partie requérante ne se déclenche que sur la demande écrite de celle-ci. L'objet de cette demande doit être relatif à la détermination, à l'établissement, au contrôle ou à la perception des impôts, au recouvrement ou à l'exécution des créances fiscales, aux enquêtes ou aux poursuites en matière fiscale. Les accords prévoient quelques dérogations, strictement encadrées, qui interdisent toute transmission de renseignements qui violerait, notamment, l'ordre public ou le secret commercial. Les droits des contribuables sont protégés, car l'échange doit respecter la confidentialité des données transmises et celles-ci ne peuvent être utilisées qu'aux fins fixées par l'accord, c'est-à-dire pour résoudre un problème fiscal.

Ce dispositif est conforme à l'accord cadre de l'OCDE publié en 2002. Sur certains points, ils sont même plus exigeants que ce modèle, à la demande de la France. Notre pays, en particulier, a imposé une définition plus exhaustive des impôts visés.

Cependant, comme vous l'aurez compris, si je me félicite que, dans le contexte de la crise financière, le Gouvernement français ait entrepris de lutter contre les paradis fiscaux, je me garde, bien sûr, de tout angélisme face aux accords signés. Il conviendra de rester vigilant sur le caractère effectif de la mise en oeuvre de ces accords par nos partenaires.

Dans cette perspective, les évaluations que conduit actuellement le Forum mondial sur la transparence et l'échange de renseignements en matière fiscale constituent un outil précieux. En effet, il est apparu indispensable que le principe de transparence fiscale fixé par l'OCDE ne soit pas détourné de sa finalité par les Etats figurant sur la liste « grise », grâce à la simple signature formelle de douze accords, notamment entre paradis fiscaux. En conséquence, un contrôle par les pairs, destiné à apprécier l'effectivité des accords signés ces derniers mois, a été lancé par le Forum mondial en 2009.

Il s'agit d'évaluer les progrès effectués par les Etats en deux phases. En premier lieu, sont examinées la pertinence du réseau conventionnel, la sincérité des accords ainsi que l'adaptation du cadre législatif aux échanges d'informations. Dans une seconde phase, un bilan qualitatif et quantitatif des échanges effectués est dressé.

Depuis mars 2010, dix-huit Etats font l'objet d'une telle évaluation, dont la France. Les premiers résultats, concernant la première phase d'évaluation, ont été publiés le 30 septembre dernier ; ils visent les Bermudes, le Botswana, les Iles Caïman, l'Inde, la Jamaïque, Monaco, le Panama et le Qatar. La seconde phase de l'évaluation, qui se conclura par un bilan, devrait avoir lieu d'ici 2012.

C'est au bénéfice de ces observations que je vous propose d'adopter dès aujourd'hui six des sept projets de loi tendant à autoriser les accords précités. En effet, l'examen par l'Assemblée nationale du septième projet de loi, relatif à l'accord entre la France et Antigua et Barbuda, qui devait être adopté avec les autres le 30 septembre dernier, a été reporté au 7 octobre, c'est-à-dire demain. En accord avec le Président Arthuis, je n'ai pas souhaité différer l'examen en commission de ce projet de loi, mais nous ne pourrons l'adopter, formellement, que la semaine prochaine. Pour ce texte, je vous propose donc, aujourd'hui, une adoption « sous réserve ».

Je vous indique, par ailleurs, que la Conférence des présidents a décidé que ces textes seront examinés, en séance publique, selon la procédure d'examen simplifié prévue par l'article 47 decies du règlement du Sénat.

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