Intervention de Marc Massion

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 6 octobre 2010 : 1ère réunion
Contrôle budgétaire sur la réorganisation administrative des services centraux du ministère de l'outre-mer — Communication

Photo de Marc MassionMarc Massion, rapporteur spécial :

Le contrôle sur pièces et sur place dont je vous rends compte aujourd'hui a une double origine.

D'une part, en tant que rapporteur spécial de la mission « Outre-mer », co-rapporteur avec notre collègue Eric Doligé de la loi pour le développement économique des outre-mer - la LODEOM - et membre de la mission commune d'information sur la situation des départements d'outre-mer, je me suis confronté à de multiples reprises à des difficultés pour obtenir des informations fiables et précises sur nos territoires ultramarins. L'administration centrale du ministère ne semblait pas, en effet, en mesure de les apporter.

D'autre part, la mise en oeuvre de la révision générale des politiques publiques - la RGPP - mérite en soit d'être étudiée. Et elle s'est appliquée avec force à l'administration centrale de l'outre-mer.

Le rapport que je vous présente aujourd'hui a donc pour but de faire le point sur la réforme de cette administration, qui a été mise en oeuvre de 2007 à 2009. Il confronte les objectifs affichés initialement par la RGPP avec ses résultats effectifs. Il vise également à faire le point sur la capacité de l'administration centrale de l'outre-mer à satisfaire les besoins exprimés tant par les parlementaires que par les élus locaux et les populations locales en matière de gestion des politiques outre-mer.

Je vais donc articuler mon propos en trois parties :

- premièrement, je reviendrai rapidement sur la genèse de la réforme de l'administration centrale de l'outre-mer, dans le contexte de la RGPP ;

- puis, après avoir décrit les modalités, et notamment les lacunes, de la mise en oeuvre de la réforme, je détaillerai en quoi elle s'est éloignée des préconisations initiales de la RGPP ;

- enfin, je vous présenterai des pistes de réflexion pour donner à l'administration centrale de l'outre-mer les moyens de ses ambitions.

Comment est née la réforme de l'administration centrale de l'outre-mer ?

La nécessité de réformer l'administration centrale de l'outre-mer préexistait à la RGPP. Cette administration présentait des défauts régulièrement pointés tant par les rapports parlementaires que par la Cour des comptes.

Premier défaut : l'administration centrale était composée de deux directions : la direction des affaires politiques, administratives et financières (la DAPAF) et la direction des affaires économiques, sociales et culturelles (la DAESC). Or, en pratique, il n'y avait aucune répartition claire des sujets entre les deux directions, qui intervenaient souvent de manière concurrente.

Deuxième défaut : cette administration était d'une extrême complexité. S'ajoutaient aux deux directions des secrétariats, bureaux, départements, missions, services, divisions, etc. Autant de structures ad hoc mal identifiées et peu efficaces.

Troisième défaut : l'administration centrale outre-mer était dans l'incapacité persistante d'évaluer les politiques publiques en outre-mer. C'était le constat de notre commission sur l'évaluation des dispositifs de défiscalisation. La mission commune d'information sur la situation des DOM a constaté un manque général d'évaluation.

Enfin, dernier défaut : l'administration centrale dans son ancienne version s'est avérée incapable d'exercer sa mission de coordination interministérielle. Elle n'était pas reconnue et mal intégrée aux ministères techniques, alors même qu'elle a une vocation interministérielle évidente.

Une première réforme, amorcée en 2007, a avorté du fait de l'élection présidentielle. En effet, le choix a alors été fait de rattacher les deux directions de l'outre-mer au ministère de l'Intérieur. L'ancien projet de réforme était donc caduc.

La RGPP a relancé la réforme de cette administration centrale avec des objectifs à la fois qualitatifs et quantitatifs. D'une part, faire de cette administration une administration de mission, c'est-à-dire la décharger de la gestion de dispositifs budgétaires techniques qu'elle n'a pas les moyens d'assurer. Cette évolution devait s'accompagner d'une réorientation et d'une réduction des dépenses de fonctionnement de l'administration. D'autre part, si, dans un premier temps, les auteurs de la RGPP avaient fait le choix d'un rattachement de l'outre-mer au Premier ministre, ils n'ont finalement pas affiché, dans les conclusions de la RGPP, cette préconisation, qui avait pourtant leur préférence.

Les objectifs de la réforme apparaissaient donc louables. Comment a-t-elle été mise en oeuvre en pratique par rapport à ces objectifs ?

Premier constat : la réforme a été d'une très grande ampleur et s'est faite en seulement treize mois, entre le 31 mai 2007 - date de publication du décret relatif aux attributions des ministres - et le 9 juillet 2008 - date de création officielle de la nouvelle « Délégation générale à l'outre-mer » - la DéGéOM - qui remplace les deux anciennes directions.

Deuxième constat : le manque de préparation de la réforme. Le ministère reconnaît un manque d'anticipation des conséquences de la réforme, un dispositif de suivi individualisé des agents sous-dimensionné et l'absence d'instance de pilotage de la réforme. Tout cela alors que, pendant cette période, l'ensemble des postes de l'ancien périmètre de l'administration outre-mer faisaient l'objet d'un avis de vacance, ce qui traduit bien l'ampleur de la réforme. Il en a résulté des absurdités, comme certains fonctionnaires qui apprenaient par mail l'appel à candidatures sur le poste qu'ils occupaient depuis des années.

Ces difficultés ont été accrues dans un contexte difficile : trois délégués généraux qui se succèdent en quinze mois à la tête de l'administration, la crise sociale aux Antilles avec la mise en oeuvre des Etats généraux de l'outre-mer et l'examen au Parlement de la LODEOM, qui aurait nécessité une administration de soutien pleinement mobilisée.

Il a résulté de ce processus une mise en oeuvre de la réforme qui s'est largement éloignée des préconisations initiales de la RGPP.

Le choix d'une administration de mission a été abandonné. Au total, avec les mesures décidées suite aux Etats généraux, le montant des crédits gérés par la DéGéOM a même augmenté par rapport à l'avant-réforme.

Malgré cela, les moyens humains affectés à la DéGéOM pour le pilotage et la gestion des crédits ont été rationalisés, passant de 25 à 8,5 en équivalents temps plein travaillé. Le ministère indique toutefois que compte tenu de l'inscription de nouvelles dépenses au budget de la mission « Outre-mer », cet effectif devra vraisemblablement être augmenté.

Enfin, malgré une préférence des auteurs de la RGPP pour un rattachement de la DéGéOM au Premier ministre, préconisé depuis plusieurs années par les rapports de notre assemblée, l'administration outre-mer se retrouve finalement ancrée auprès du ministère de l'Intérieur, ce qui rend plus difficile l'exercice de sa mission interministérielle.

Suite à ce constat, et pour terminer ma présentation, je souhaiterais formuler des préconisations pour donner à l'administration centrale de l'outre-mer les moyens de ses ambitions.

Sur le plan financier, la réforme est un succès. Le rattachement de la DéGéOM au ministère de l'Intérieur a produit des économies d'échelle. On peut les chiffrer à 4 millions d'euros en autorisations d'engagement, 2 millions d'euros en crédits de paiement et 37 emplois. Au-delà des effets mécaniques de ce rattachement, l'administration centrale outre-mer a vu ses effectifs diminuer de plus de 30 %, passant de 190 à 132.

Il en résulte toutefois une administration qui peut difficilement exercer les missions que la RGPP voulait lui confier. Elle est aujourd'hui déstabilisée par un taux de remplacement global des effectifs qui s'est élevé à 44 %. A terme, seuls 3,5 équivalents temps plein devraient être en charge de l'évaluation des politiques publiques, alors que la RGPP visait l'objectif d'un service entier consacré à cette mission et regroupant trente personnes.

Comment remédier à ces effets pervers de la réforme ?

Je maintiens le souhait que la DéGéOM soit rattachée au Premier ministre, sur le mode du secrétariat général aux affaires européennes. Cela paraît essentiel à l'exercice d'une réelle mission interministérielle. Le ministère de l'Intérieur s'avère en pratique très peu impliqué dans les sujets ultramarins.

Il faut également améliorer la coopération entre la DéGéOM et les ministères référents, en créant un réseau de l'outre-mer formalisé et stable de correspondants, qui fait aujourd'hui gravement défaut.

Les leçons doivent être tirées de la désastreuse gestion des ressources humaines lors de la réforme. Elle doit faire place à une gestion prévisionnelle des emplois, des effectifs et des compétences, d'autant plus indispensable que la nouvelle DéGéOM fait largement appel à l'expertise de fonctionnaires issus d'autres ministères.

Enfin, il me paraît encore possible et fortement souhaitable de faire avancer la DéGéOM sur le chemin d'une administration de mission. Comment expliquer, par exemple, que l'Agence de santé de Wallis-et-Futuna soit intégralement gérée par des fonctionnaires de la DéGéOM, qui reconnaissent n'avoir aucune expertise en ce domaine, plutôt que par le ministère de la santé ? Cela permettrait de dégager des effectifs pour les missions essentielles d'évaluation des politiques publiques et notamment des dispositifs de défiscalisation.

En conclusion, je souhaitais vous indiquer que l'ensemble des interlocuteurs que j'ai rencontrés, qu'ils fassent partie de la DéGéOM, du cabinet de la ministre ou des inspections générales, ont plaidé pour un renforcement des effectifs de la délégation. Evidemment, dans le contexte budgétaire actuel, cette orientation semble difficile à mettre en oeuvre.

Il faut toutefois souligner que l'administration outre-mer a particulièrement contribué aux économies prévues par la RGPP et ne pas se bercer d'illusions, en l'état actuel, sur la capacité de cette nouvelle administration centrale à remplir efficacement l'ensemble de ses missions, notamment en matière d'évaluation.

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