En préambule, je tiens à vous présenter l'institution, assez méconnue, qu'est le médiateur du cinéma. Institué en 1982, à la suite du rapport Bredin, le médiateur du cinéma est chargé d'une mission de conciliation préalable pour tout litige relatif à l'accès des exploitants d'établissements de spectacles cinématographiques aux oeuvres cinématographiques et à l'accès des oeuvres cinématographiques aux salles, ainsi qu'aux conditions d'exploitation en salle de ces oeuvres.
Il est une sorte de juge de paix au service de toute la profession cinématographique.
Autorité administrative indépendante, le médiateur du cinéma agit au nom de l'État dans le cadre des compétences qui lui sont données par la loi. Indépendant et impartial, il intervient rapidement, d'une façon adaptée à l'évolution du marché cinématographique. Par ailleurs, il entretient des relations étroites avec l'Autorité de la concurrence et l'autorité judiciaire. Il peut saisir l'Autorité de la concurrence et informer le ministère public si des faits peuvent revêtir une qualification pénale. En retour, l'Autorité de la concurrence peut saisir le médiateur du cinéma de toute question relevant de sa compétence.
Le médiateur est nommé pour un mandat de quatre ans renouvelable. Cette nomination intervient par décret pris après avis de l'autorité de la concurrence et sur le rapport du ministre de l'économie et des finances et du ministre chargé du cinéma. Il est choisi parmi les membres du Conseil d'État, de la Cour de cassation ou de la Cour des comptes.
La fonction essentielle du médiateur du cinéma est la conciliation par laquelle il invite les parties à mettre fin au litige qui les oppose en parvenant à un accord amiable. En cas d'échec de la conciliation, le médiateur du cinéma peut, dans un délai maximum de deux mois à compter de la saisine, émettre une injonction. C'est une décision exécutoire qui s'impose aux parties. Le médiateur prescrit alors les mesures qui lui paraissent de nature à mettre fin à la situation litigieuse.
Le médiateur du cinéma est à la tête d'une petite équipe. Il est tenu avec ses collaborateurs au secret professionnel. L'institution fonctionne vite, bien et est peu coûteuse. Dès qu'il est saisi (par courrier, courriel, fax ou via son site internet), le médiateur, après un échange avec les parties, organise, dans les jours qui suivent, une réunion de conciliation. La durée moyenne d'une médiation est d'une heure. Il n'y a pas d'avocats, pas de frais de justice ni de frais de procédure. Il bénéficie, en outre, du soutien logistique du Centre national de la cinématographie et de l'image animée (CNC).
Le médiateur a la faculté de s'auto-saisir et d'émettre des recommandations.
L'année 2010 a marqué une nouvelle étape dans l'élargissement des attributions du médiateur du cinéma.
Après l'ordonnance n° 2009-1358 du 5 novembre 2009 modifiant le code du cinéma et de l'image animée qui avait déjà élargi son domaine d'intervention, la loi n° 2010-1149 du 30 septembre 2010 relative à l'équipement numérique des établissements de spectacles cinématographiques lui a encore confié de nouvelles responsabilités.
Depuis 2010, le médiateur du cinéma peut être saisi de litiges concernant la contribution des distributeurs de films due au titre du financement de l'équipement numérique des établissements de spectacles cinématographiques et concernant le montant de cette contribution.
Peu connu du grand public, le médiateur est désormais une institution familière des professionnels du cinéma. Il reste dans une position d'arbitre et de conciliateur, toujours indépendant.
Ma première observation réside dans l'évolution, que j'ai pu constater depuis cinq ans, de l'activité du médiateur qui est l'expression d'un bouleversement profond du monde du cinéma. L'exploitation cinématographique a elle-même connu une grande mutation sous la double influence du développement des multiplexes et du phénomène des cartes d'abonnement. Aujourd'hui, 180 multiplexes représentent à eux seuls 60 % des entrées et des recettes. La part de marché croissante qui leur revient constitue désormais une donnée fondamentale du marché de l'exploitation et de la distribution cinématographique. Loin de se stabiliser ce mouvement tend à s'amplifier. Par ailleurs, ces établissements ont vu progressivement leur ligne éditoriale évoluer avec une programmation qui s'est élargie allant des films à large audience jusqu'aux films « art et essai ». Il en résulte une difficulté croissante pour les salles indépendantes situées en zone concurrentielle.
Alors que le médiateur traitait principalement des difficultés que des exploitants pouvaient rencontrer dans l'accès aux copies de films, de nouvelles problématiques sont apparues. Désormais l'institution connaît des litiges d'une nature beaucoup plus diversifiée : accès des cinémas aux oeuvres, accès des oeuvres aux cinémas, conditions d'exploitation des films, non-respect des engagements souscrits entre exploitants et distributeurs, sortie des films en DVD ou encore accès en vidéo à la demande.
L'effet, que je considère positif, de cette double évolution réside dans une fréquentation cinématographique élevée (plus de 200 millions d'entrées en 2010). Cette évolution n'est pas tout à fait achevée et il faut être vigilant quant au respect de la diversité de l'offre cinématographique. Le choc concurrentiel est particulièrement dur pour les salles d'art et d'essai.
Ma seconde observation concerne l'évolution des technologies : le déploiement du numérique à travers les salles, le parc de téléviseurs, le home cinéma, l'accès à la vidéo à la demande, la connexion à Internet bouleversent le paysage.
En permettant à terme l'allègement des coûts de diffusion, le numérique peut et doit être une chance pour l'ensemble de la profession, sous réserve que son déploiement ne soit pas synonyme d'une saturation des écrans par la diffusion d'un nombre limité d'oeuvres au même moment.