Intervention de Yves Pozzo di Borgo

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 3 février 2010 : 1ère réunion
Accord entre la france et la grèce relatif à la coopération en matière de sécurité intérieure — Examen du rapport

Photo de Yves Pozzo di BorgoYves Pozzo di Borgo, rapporteur :

a rappelé que l'accord avec la Grèce s'inscrivait dans la démarche entreprise par le ministère des affaires étrangères et européennes (MAEE) pour rénover et harmoniser les accords bilatéraux conclus antérieurement par notre pays en matière de sécurité intérieure.

Il a précisé que ce texte avait été conclu le 19 mai 2008, à Athènes, entre les deux ministres de l'intérieur et qu'il se substituait à un accord antérieur de 1997, qui ne portait que sur la coopération administrative et la sécurité civile.

Il a fait valoir que la France attendait de sa mise en application un renforcement des capacités de la Grèce dans le difficile contrôle de ses 16 000 km de côtes et des 1 200 km de frontières terrestres qu'elle possède avec l'Albanie, la Bulgarie, la Macédoine et la Turquie.

La Grèce constitue, en effet, la frontière extérieure sud-est de l'Union européenne : elle est touchée par le développement de la criminalité organisée balkanique, notamment le trafic de drogues, et elle doit faire face, depuis une vingtaine d'années, à une vague d'immigration clandestine en progression constante, provenant, pour l'essentiel, de la Turquie et à destination de l'Europe occidentale. L'agence européenne FRONTEX, opérationnelle depuis 2005, estime que la moitié des immigrés clandestins interpellés au sein de l'Union européenne sont passés par la Grèce. La coopération avec la Grèce est donc stratégique, tant pour l'Union européenne que pour la France.

a rappelé que la dégradation de la situation sécuritaire, ajoutée aux effets de la crise économique, avait conduit à l'organisation d'élections législatives anticipées le 4 octobre 2009, largement remportées par la gauche socialiste PASOK, dirigée par M. Georges Papandréou, auparavant dans l'opposition.

L'accord de sécurité intérieure, en donnant un cadre juridique bilatéral à l'échange d'informations et d'assistance, a vocation à accroître l'efficacité de l'action des deux pays.

Il a déjà été ratifié, le 6 août 2009, par notre partenaire.

L'organisation des forces de sécurité grecques, qui dépendaient de deux ministères, le ministère de l'intérieur pour la police hellénique et le ministère de la marine marchande pour le corps des garde-côtes, a été réformée par le gouvernement Papandréou, avec la création d'un nouveau ministère « de la protection du citoyen », qui rassemble ces deux forces.

Les effectifs de la police grecque s'élevaient, à la fin 2008, à 47 490 fonctionnaires. Le taux de présence policière est donc d'environ 1 pour 220 habitants, puisque le pays comptait 11 millions d'habitants au dernier recensement de 2001.

Au niveau territorial, l'organisation de la police hellénique est calquée sur l'organisation administrative du pays : les directions générales sont implantées dans chacune des quatorze régions, et les directions de police dans chacun des cinquante-et-un départements.

La direction générale la plus importante est celle de l'Attique, c'est à dire la région d'Athènes, où réside près de la moitié des habitants du pays.

La création d'une unité centrale spécialisée dans la lutte contre la criminalité organisée va être appuyée par la France dans le cadre de la coopération prévue par le présent accord.

Celui-ci permettra également d'accueillir des policiers grecs au sein des services de police français compétents en matière de lutte contre les filières d'immigration, qui sont, en Grèce, majoritairement aux mains des mafias balkaniques. La formation à la détection de la fraude documentaire, à la lutte contre les trafics de stupéfiants, et à une gestion plus rigoureuse des registres maritimes est également prévue.

La France envoie, d'ores et déjà, des moyens humains et matériels au sein du dispositif FRONTEX déployé dans les eaux territoriales grecques pour lutter contre les flux d'immigration clandestine.

Athènes a signé avec Ankara en 2001 un accord de réadmission de ces clandestins, qui n'est pas appliqué. La Grèce réclame donc qu'un accord de ce type soit conclu entre l'Union européenne et la Turquie.

Deuxième grande composante des forces de sécurité intérieure en Grèce, après la police, les garde-côtes administrent le transport maritime et assurent des missions de police administrative et judiciaire dans les ports, sur les eaux territoriales ainsi que sur le littoral des 16 000 km de côtes que compte la Grèce.

A ce titre, ils participent avec la police au contrôle des frontières maritimes, à la lutte contre l'immigration clandestine et contre le trafic de stupéfiants. Le corps des garde-côtes comptait 6 954 agents à la fin 2008.

Pour la France, la priorité de la coopération bilatérale en matière de sécurité intérieure avec la Grèce est d'endiguer l'immigration clandestine et de démanteler les nombreuses filières à destination de notre pays, d'autant qu'elles impliquent des migrants provenant de pays à risques, et qu'elles s'accompagnent d'autres phénomènes criminels, comme le trafic de stupéfiants.

La criminalité organisée, les infractions financières et le terrorisme sont également au coeur de la coopération avec la Grèce.

Les démarches effectuées pour susciter une véritable coopération judiciaire, corollaire indispensable de la coopération policière, ont favorisé la création d'un groupe de travail franco-grec de magistrats qui s'est réuni en décembre 2007 à Paris, et en Grèce en septembre 2009. Une rencontre de magistrats français et grecs a été organisée à Paris, en 2008, dans un but d'échange de bonnes pratiques.

Par ailleurs, l'assistance française lors des incendies meurtriers de 2007 a relancé la coopération en matière de sécurité civile. La signature d'un arrangement administratif sur l'utilisation des bombardiers d'eau, le 26 novembre 2007 et la signature des conclusions d'un groupe de travail franco grec en matière de coopération pour la lutte contre les feux de forêts le 6 août 2008, ont ainsi été effectuées.

Le nouveau gouvernement grec a souligné sa volonté de réformer l'Etat, et plus particulièrement la police, en matière de formation et de gestion des carrières. Cette institution est, en effet, comme la magistrature, parfois soumise à un recrutement clientéliste.

Il importe d'apporter notre expertise à un pays dépassé par les flux migratoires qui le touchent, et vont en s'accroissant : ainsi, 96 000 interpellations d'immigrés clandestins ont été effectuées en 2006, 146 000 en 2008, chiffre qui régresse à 126 000 en 2009, sans doute sous l'effet de la crise économique mondiale.

La Grèce est géographiquement la porte d'entrée de l'immigration clandestine dans l'Union européenne, et doit donc bénéficier d'un soutien particulier.

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