A titre liminaire, M. Jean-Pierre Fourcade, rapporteur spécial de la mission « Engagements financiers de l'Etat », a indiqué qu'il a récemment procédé à l'audition de MM. Jean-Philippe Cotis, directeur général de l'INSEE, et Ramon Fernandez, directeur général du Trésor et de la politique économique. En outre, il a participé au comité de sélection des spécialistes en valeurs du Trésor (SVT) qui s'est tenu, dans les locaux de l'agence France Trésor (AFT), les 29 juin, 1er et 2 juillet 2009.
Il a rappelé que la dette publique au sens du traité de Maastricht représentait, au 31 décembre 2007, 1 208,8 milliards d'euros, soit 63,8 % du produit intérieur brut (PIB). Au 31 décembre 2008, cette dette s'est élevé à 1 314,1 milliards d'euros, soit 67,5 % du PIB, déduction faite de 13 milliards d'euros, soit 0,6 point de PIB, correspondant aux émissions réalisées, sur l'exercice, par la Société de financement de l'économie française (SFEF).
En effet, il a signalé que, le 15 juillet 2009, l'Office statistique des communautés européennes (Eurostat) a modifié sa doctrine sur ce point, de sorte que la SFEF n'est plus à inclure dans le périmètre des administrations publiques. Il reviendra à l'INSEE de tenir compte de cette décision lors de ses prochaines notifications de la dette publique française à la Commission européenne. L'enjeu est particulièrement important en ce qui concerne l'année 2009, la SFEF ayant d'ores et déjà réalisé des émissions, pour cette année, à hauteur de 74,6 milliards d'euros.
Le Gouvernement prévoit que la dette publique atteindra 77 % du PIB au 31 décembre 2009.
a rappelé également que la seule dette négociable de l'Etat, à la fin de l'année 2008, s'est établie à 1 016,6 milliards d'euros, contre 920,7 milliards d'euros fin 2007. Au 30 juin 2009, compte tenu des émissions réalisées depuis le début de l'année, cette dette se montait à 1 121,1 milliards d'euros. Elle est attendue à hauteur de 1 126 milliards d'euros environ au 31 décembre 2009.
La charge de la dette de l'Etat a représenté, en 2008, 44,46 milliards d'euros, soit 5 milliards de plus qu'en 2007. Pour 2009, la loi de finances initiale a prévu cette charge à hauteur de 42,98 milliards d'euros, mais l'AFT fait état d'une prévision actualisée à 38,96 milliards d'euros. Pour 2010, le Gouvernement estime que la charge sera contenue à 42,5 milliards d'euros. En effet, malgré la dégradation du déficit budgétaire et l'accroissement du besoin de financement de l'Etat, donc l'augmentation de l'encours de sa dette, on s'attend au maintien du faible niveau actuel des taux d'intérêt de court terme : cet effet « taux » compenserait ainsi l'effet « volume » de l'endettement. En outre, le recul de l'inflation devrait contribuer à réduire la provision d'indexation.
a souligné que l'examen du projet de loi de règlement des comptes et rapport de gestion pour 2008 a été l'occasion de mettre en relief l'importance du recours aux titres de court terme pour financer la dette de l'Etat. Ainsi, en 2008, l'encours de bons du Trésor d'une échéance égale ou inférieure à un an a connu une variation de + 59,8 milliards d'euros. Une variation du même ordre est d'ores et déjà anticipée pour la fin de l'année 2009, bien que le tableau de financement de l'Etat, tel que modifié par les lois de finances rectificatives du 4 février et du 20 avril 2009, ne prévoit encore qu'une variation de + 37,7 milliards d'euros de cet encours. Il a précisé que le volume d'emprunts à court terme représente actuellement 16 % du total de la dette négociable de l'Etat, contre 14 % en 2008 et 8 % en 2007 : entre le 31 décembre 2006 et le 31 décembre 2008, l'encours de titres de court terme a plus que doublé, passant de 66,2 milliards d'euros à 138,3 milliards.
Le recours à ces titres est de nature à accroître la variabilité de la charge d'intérêts de la dette de l'Etat. Cependant, l'article 34 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF), selon l'interprétation retenue, n'exige d'autorisation parlementaire, traduite par un plafond de variation de la dette, que pour les titres de moyen et long termes. M. Jean-Pierre Fourcade a rappelé que, lors de la séance du Sénat du 15 juillet 2009, M. Eric Woerth, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat, défavorable à l'amendement présenté au nom de la commission des finances en vue de créer un plafond de variation relatif aux titres de court terme, s'est néanmoins engagé à instaurer un système de comptes rendus trimestriels, voire mensuels, en faveur du Parlement, sur l'évolution de l'encours de la dette à court terme. Néanmoins, le rapporteur spécial a appelé de ses voeux une modification de la LOLF en vue d'étendre la portée de l'autorisation parlementaire relative à la dette de l'Etat figurant dans la loi de finances.
Par ailleurs, il a mis en relief le maintien de la qualité de la signature de l'Etat français en tant qu'emprunteur sur les marchés. Il a rappelé que les agences de notation attribuent une note « AAA », soit le niveau le plus élevé, à la dette publique française. Elles semblent conserver leur confiance dans les capacités du pays à rétablir l'équilibre de ses finances publiques, lorsque la crise économique actuelle sera passée.
L'importance des enjeux liés à la préservation de la qualité de la signature nationale apparaît au regard des écarts de taux (« spreads ») observés avec les autres émetteurs souverains. En particulier, l'Allemagne et la France se financent actuellement, à moyen et long termes, respectivement à - 60 points de base et - 38 points de base sous la moyenne de la zone euro, soit un écart de seulement 22 points de base. Cet écart reflète une tendance au resserrement par rapport à la fin de l'année 2008.
Toutefois, M. Jean-Pierre Fourcade a fait part de trois facteurs d'inquiétude en ce domaine.
En premier lieu, il a souligné la forte sensibilité de la charge de la dette de l'Etat à l'évolution des taux d'intérêt. Grâce aux interventions des banques centrales, les taux d'intérêt à court et moyen termes ont connu une baisse sans précédent dans l'histoire monétaire récente. Ainsi, les taux à un an sont passés de près de 4,3 % en mai 2008 à 0,9 % en juin 2009. Cependant, une remontée du niveau des taux d'intérêt pèserait très lourdement sur la charge de la dette : toutes choses égales par ailleurs, une hausse des taux à hauteur de 1 % à partir de 2010 se traduirait par une augmentation de la charge d'intérêt sur la dette négociable de l'ordre de 4 milliards d'euros en 2014.
En deuxième lieu, il a souligné le danger que représentent, pour les finances publiques, les obligations du Trésor indexées sur l'inflation. Ainsi, en 2008, la hausse des indices de prix en France et dans la zone euro au premier semestre a conduit à doubler la provision pour charge d'indexation entre la loi de finances initiale (2,16 milliards d'euros) et la loi de règlement (4,61 milliards d'euros). Or, les émissions d'obligations indexées, à hauteur de 15,5 milliards d'euros, ont représenté un huitième du total des emprunts de l'année. En 2009, la charge liée à ces titres, compte tenu du faible niveau de l'inflation, est prévue à hauteur de 80 millions d'euros seulement, mais l'avenir reste incertain en la matière. Du reste, lors des séances du comité de sélection des spécialistes en valeur du Trésor (SVT) auxquelles il a participé, M. Jean-Pierre Fourcade, rapporteur spécial, a pu constater « l'appétence » des banques, notamment des banques centrales étrangères, pour ces titres indexés.
En dernier lieu, il a évoqué le recours à un éventuel emprunt de l'Etat auprès des Français, pour financer certaines « priorités nationales », tel que l'a annoncé le Président de la République, le 22 juin 2009, lors de sa déclaration devant le Parlement réuni en Congrès. Après avoir rappelé certains précédents, dont l'emprunt lancé en 1983 par le gouvernement de M. Pierre Mauroy et l'emprunt lancé en 1993 par celui de M. Edouard Balladur, il a reconnu qu'il restait difficile de porter une appréciation objective sur ce nouveau « grand emprunt », dans la mesure où, à ce stade, ni ses finalités, ni son montant, ni ses modalités ne sont encore définies. En vue d'éviter que le dispositif ne pèse excessivement sur l'endettement de l'Etat, il a proposé que cet emprunt consiste dans une levée de fonds limitée, de 30 à 50 milliards d'euros, et soit réalisé par des émissions confiées à la Caisse de la dette publique, l'amortissement étant financé à partir du produit de la taxe « carbone » sur une durée inférieure à dix ans. Le taux d'intérêt pourrait être fixé entre 3 % et 3,5 % et assorti ou non d'avantages fiscaux.